La féminisation des cuma est encore timide. Il faut dire qu’environ un dirigeant d’exploitation agricole sur quatre est une femme en 2020 en France. Parmi les plus de cent mille actives agricoles non salariées, Cécile de Saint-Jan témoigne d’une évolution. Dans le documentaire Moi, agricultrice (1), diffusé en 2021 sur La Chaîne parlementaire (LCP), elle déclare : « Je ne suis pas sûre que ma grand-mère, il y a soixante ans, aurait eu l’autorisation de s’asseoir à table. Ni qu’elle aurait pu participer comme elle aurait voulu aux décisions sur les mises en culture ou la vente du bétail », explique l’agricultrice. Cette dernière est installée en Gaec dans les Côtes-d’Armor. Elle ajoute se sentir « très bien dans ce statut de cheffe d’exploitation ». Et si elle est arrivée en terrain, conquis, c’est grâce notamment à toutes ces femmes de la génération d’avant. Celles-ci sont en effet allées chercher la reconnaissance dans le milieu.
La féminisation des cuma, ce n’est pas encore pour tout de suite
En dépit de cette évolution, du chemin reste à parcourir. Notamment en dehors de l’exploitation.
« Moins de 10 % de femmes représentent leurs collègues agriculteurs dans les coopératives », relève sur Twitter Les Elles de la coop. Ce réseau défend l’idée que « la mixité est source d’efficience de la gouvernance coopérative ». Forte de son image d’univers plutôt masculin, la cuma ne fait pas exception. Il n’y a d’ailleurs pas de statistiques officielles.
« Nous devons même être assez largement en dessous de ces 10 % d’administratrices », estime Sébastien Bouvet, le président de la fédération des cuma Ille-Armor. Pour autant, ce dernier refuse l’hypothèse selon laquelle ces organisations n’intéresseraient pas les femmes. « Nous connaissons beaucoup d’associées ou de conjointes, par exemple de trésorier, qui réalisent une grande partie des tâches liées à la fonction. » Il y aurait donc des vocations à encourager. D’autant plus que le renouvellement des générations est un sujet de tourment croissant dans les organisations agricoles.
Les femmes sous-représentées
Entre le peu et le pas existe une différence sur laquelle s’appuie le président de fédération. Quelques administratrices montrent déjà que les adhérentes ont leur place dans les instances de leur cuma. « Elles apportent souvent une autre façon de voir les choses et ça fonctionne bien. » Le déséquilibre de représentativité est également une réalité du côté du salariat. Et là encore, les responsables du réseau aspirent au changement avec optimisme. « Quand on regarde sur la route, beaucoup de camions et de bus ont une conductrice », observe Sébastien Bouvet. Celui-ci ne voit donc aucune raison qu’il n’en soit pas de même pour les tracteurs.
Le chef d’équipe de la cuma de Plurien, Nicolas Besrest, ne dit pas autre chose. Il pense en effet qu’une féminisation progressive des postes en lien direct avec le matériel est possible. Les nombreuses agricultrices qui s’installent parviennent en effet à bien gérer leur exploitation. La cuma de Plurien est la seule de son département à compter une femme. Nolwenn Renault figure parmi ses permanents sur ces postes. « Certains adhérents ont pu être surpris au départ, mais aujourd’hui, que ce soit Nolwenn ou quelqu’un d’autre, plus personne n’y porte vraiment attention » et la coopérative pourrait tout à fait engager d’autres femmes si l’occasion se présentait. « Il ne faut pas avoir peur », insiste Nicolas Besrest. Et avec « un état d’esprit d’ouverture », les responsables de cuma qui oseront suivre cette voie auront selon lui toutes les chances de réussir l’intégration de femmes dans leur équipe.
Pour plus d’informations, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :
- Les femmes ouvrent de nouvelles voies.
- Les femmes prennent le volant.
- [Cuma au féminin] Marine Boyer, trésorière de cuma.
(1) Moi, agricultrice : coproduit par Galaxie presse, LCP-Assemblée nationale et France Télévisions.