Ingénieur en agriculture, consultant et formateur en relations humaines, Yves Le Guay a exercé 50 ans dans le monde agricole. Son livre, 10 clés pour recruter et manager sereinement des salariés agricoles (1), co-écrit avec Émilie Callot, coach en ressources humaines, dispense une mine de conseils pratiques pour réussir dans sa fonction d’employeur.
« En dehors des emplois saisonniers, l’agriculture présente de multiples occasions d’embaucher de la main-d’œuvre : salariés sur les fermes, embauche collective en cuma, groupements d’employeurs ou magasins de producteurs, dans des organisations professionnelles agricoles… Les agriculteurs ont un métier très complexe qui demande des compétences multiples. Ils se retrouvent souvent employeurs sans s’être formés à cette fonction et c’est là que le bât blesse.
Embaucher ne se fait pas à l’instinct
« Le monde agricole a beaucoup de progrès à faire en matière de recrutement ! Il s’agit de savoir déjà qui je suis en tant qu’entrepreneur et de quoi j’ai besoin sur ma ferme qui justifie l’arrivée d’un ou d’une salarié(e). Embaucher ne se fait pas à l’instinct : je dois lister ce que j’attends de mon futur salarié dont le poste doit être rentable. On peut attendre qu’il soit capable de faire les mêmes choses que moi, afin de pouvoir me remplacer. On peut aussi attendre de lui des compétences que je n’ai pas. Mais dans tous les cas, il ne peut être ni mon clone en plus compétent, ni le mouton à 5 pattes qui n’existe pas. À partir de ces besoins identifiés, je vais pouvoir définir le profil de poste.
« Comme d’autres petites entreprises que l’on retrouve dans l’artisanat, les agriculteurs sont souvent primo employeurs ou peu expérimentés. Ils ont tendance à idéaliser le statut du salarié… ce que ne fait pas, dans une grande entreprise, le DRH ni le cabinet de recrutement quand le recrutement est délégué à un tiers. L’employeur doit accueillir pleinement un nouveau salarié puis s’affirmer et prendre sa place de patron : il est en position de supériorité relative car il négocie, il délègue, il licencie, c’est-à-dire qu’il décide et porte une responsabilité.
La relation employeur-salarié est complexe
« Dans le même temps, le salarié est protégé par la loi, ce qui représente une forme de contre-pouvoir. Mais en tant que personne humaine, l’employeur et le salarié sont égaux. La relation est complexe : rester dans une relation professionnelle sans tomber dans le copinage, ni dans une position de dominant-dominé.
« Pour bâtir une relation saine, la meilleure option est de bâtir une relation contractuelle explicite entre êtres libres. Cela passe par de la communication quotidienne et de l’écoute réciproque. Je ne peux pas changer l’autre, mais je peux l’écouter et l’inviter à faire évoluer ses compétences. Comme d’autres chefs d’entreprise, les agriculteurs employeurs restent souvent en mode de gouvernance patriarcale, confondant autorité et autoritarisme.
« Un manager qui est obligé d’élever la voix ou de dire ‘C’est moi le chef ‘ démontre qu’il n’a pas d’autorité. On confond souvent ordonner une tâche et déléguer une mission. Dans le premier cas, j’explique au salarié ce qu’il doit faire, dans le détail si nécessaire, et il n’a qu’à suivre les consignes. Dans le deuxième cas, je confie une mission au salarié, qui, s’il l’accepte, va se sentir honoré et grandi. Nous nous mettons d’accord sur l’objectif, par exemple ‘optimiser le parc matériel de la cuma.’
« En tant qu’employeur, je m’assure qu’il a les compétences et les moyens pour réussir sa mission. On se met d’accord sur les moyens nécessaires et les conditions d’évaluation de sa mission et je lui apporte l’aide dont il peut avoir besoin. À partir de là, c’est le salarié qui organise les ressources pour assurer la mission. Ce fonctionnement suppose de la confiance mutuelle et un engagement réciproque. C’est le contrat de délégation, écrit ou oral.
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Où s’adresser pour une formation ?
« Compte-tenu de la complexification du droit social, les agriculteurs employeurs de main-d’œuvre délèguent aujourd’hui la rédaction des contrats de travail ou l’établissement des fiches de paie à des prestataires spécialisés, » analyse Béatrice Dingli, directrice générale de Vivéa, fonds d’assurance de formation des chefs d’entreprise agricole. « Les formations se concentrent désormais sur le diagnostic des besoins en ressources humaines et l’accompagnement dans la gestion des collaborateurs salariés ou associés des exploitations et entreprises agricoles, » complète-t-elle.
Un point d’entrée majeur pour les formations porte sur la gestion concrète de la relation de travail dans l’entreprise : faciliter le dialogue entre les salariés et/ou les associés, planifier le travail individuel, prévoir des temps collectifs et savoir gérer les conflits ou des situations délicates.
« La formation doit donner confiance au chef d’entreprise mais aussi à son équipe. Les salariés agricoles ont souvent connu une expérience dans un autre secteur économique que celui de l’agriculture. Ils peuvent être habitués à des pratiques de gestion professionnelle et attendent une équivalence ou une ressemblance de modalités auprès de leur nouvel employeur agricole. Cette gestion professionnelle contribuera également à la fidélisation des salariés. Toute formation est un investissement pour l’entreprise : au même titre qu’un matériel agricole, le chef d’entreprise doit pouvoir y trouver un retour sur investissement ».
Vivéa et Ocapiat, deux organismes de formation en agriculture
Vivéa et Ocapiat sont deux organismes agréés par l’État pour le financement et le développement de la formation professionnelle des actifs agricoles.
Ocapiat couvre le champ des salariés : l’opérateur de compétences (OPCO) pour la coopération agricole, l’agriculture, la pêche, l’industrie agroalimentaire et les territoires, est un interlocuteur incontournable avant toute action de formation et de recrutement : il conseille et accompagne les structures agricoles à l’aide d’outils de diagnostic, d’évaluation des pratiques RH ou encore d’ingénierie de formation pour le transfert des savoir-faire au sein des entreprises et pour la prévention des risques professionnels.
Vivéa couvre le champ des non-salariés (chefs d’entreprise, conjoints collaborateurs, aides familiaux et cotisants de solidarité). Les deux organismes offrent aux entreprises de leur périmètre d’action un accès à des financements de formations de qualité. En veillant également à une bonne couverture territoriale. Ainsi, Vivéa et Ocapiat conseillent et accompagnent les entreprises : outils de diagnostic, d’évaluation des pratiques RH ou encore d’ingénierie de formation pour le transfert des savoir-faire au sein des entreprises et pour la prévention des risques professionnels.
De même, les Conseils régionaux, dans le cadre de leurs compétences en matière de développement économique et de formation professionnelle, proposent une offre de services ‘ressources humaines’ à destination des entreprises.
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