Il y a quelques semaines, l’Union européenne a voté l’interdiction du flufenacet, désherbant antigraminées racinaires. Il est principalement utilisé en céréales à l’automne mais aussi plus sporadiquement en maïs et en pommes de terre. Ludovic Bonin revient sur le désherbage des céréales sans flufenacet.
Quelles sont les nouveautés en matière désherbage chimique ?
Comme à chaque suppression de molécules, les distributeurs disposent d’un délai de vente et d’utilisation de 18 mois.
2025 risque donc d’être la dernière campagne d’utilisation de ce désherbant.
De quoi vont disposer les agriculteurs pour lutter contre les graminées sur céréales ?
Pour lutter contre les graminées, les agriculteurs n’auront plus que le choix entre trois molécules utilisables à l’automne :
- Le prosulfocarbe ;
- Le pendiméthaline ;
- Le chlortoluron.
Les sulfonylurées et clodinafop sont encore disponibles pour les désherbages en sortie d’hiver mais il y a beaucoup de phénomènes de contournement, les populations y sont devenues résistantes.
Il reste tout de même des programmes plutôt efficaces qui allient les antigraminées et antidicotylédones. Seuls sur les vulpins, ray gras ou agrostis, ils sont peu efficaces, mais en association on peut espérer un beau résultat.
La gestion des adventices à la sortie d’hiver risque donc d’être compliquée ?
Oui, d’autant que le contexte pédoclimatique évolue également. À l’image des épisodes de gel qui sont de plus en plus rares, ou moins forts. On constate donc une levée continue et tardive des graminées avec un stock d’adventices toujours important à la sortie de l’hiver. Elles sont donc plus nombreuses et plus vigoureuses. Avec le désherbage, on ne part jamais de zéro, il y a toujours un stock de semences dans le sol.
Par ailleurs, il y a une augmentation de la taille des exploitations qui tend l’agriculteur à choisir des solutions efficaces. Un facteur à prendre en compte quant à l’adoption des leviers non chimiques qui sont plus chronophages et assurent moins de garanties d’efficacité.
Quels sont-ils ?
Ils sont nombreux mais très difficiles à appliquer sur le terrain. Cela demande une vraie réflexion globale en amont. La gestion des adventices passe principalement par le travail du sol. Selon la situation, un labour intermittent peut permettre d’enfouir les graines d’adventices dans le sol. On peut aussi penser au faux semis. Cette technique doit être poursuivie pendant plusieurs années pour constater une efficacité. Il faut être rigoureux et c’est un travail de longue haleine.
Il y a aussi la stratégie de décalage de dates de semis. Cela permet à l’automne d’esquiver le pic de levée des adventices. La diversification des rotations peut être un levier en incluant des cultures de printemps afin d’éviter les adventices d’automne. Toutefois, il faut trouver un débouché et une valorisation intéressants à ces nouvelles cultures.
Il existe aussi des outils de récupération de menues pailles ou d’écimage pour tenter de récupérer des graines d’adventices. Malheureusement, ce sont des méthodes qui doivent encore faire leurs preuves. Le coût et l’impact sur les cultures peuvent être préjudiciables pour le rendement.
Enfin, du côté des biocontrôles, les agriculteurs ne bénéficient que de peu de solutions. Il y a l’acide pélargonique qui est onéreuse et donc peu rentable. On note une certaine efficacité, mais aussi une grande sélectivité.
Et en matière de désherbage mécanique ?
Avec cette stratégie, il faut être opportuniste. Dans le sens où certaines années, la météo ne permet pas d’intervenir mécaniquement. Le passage de herse étrille, surtout en automne, est très difficile à positionner.
En revanche, si le temps est sec sur une longue période, l’agriculteur peut tout à fait utiliser ce type de matériel. Le binage en sortie d’hiver peut être envisagé lorsque l’inter-rang est encore bien dessiné. Il faut être réactif et avoir en tête que le débit de chantier reste très lent par rapport à un passage chimique. D’autant que l’efficacité n’est pas garantie.
Difficile, dans ces conditions, d’imposer une telle stratégie.
Y a-t-il d’autres molécules prometteuses qui risquent d’arriver sur le marché ?
Oui, on en teste régulièrement. Certaines sortent du lot avec des herbicides d’automne. De nouvelles molécules vont arriver sur le marché prochainement. Cependant, leur efficacité n’arrivera pas au niveau des antigraminées d’il y a 20 ans. Et ils ne seront pas vendus moins cher. Il faudra sûrement les compléter avec un programme adéquat et propre à la parcelle.
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