Des bienfaits multiples
Ainsi, un récent rapport du CGAAER affirme : « Face aux aléas climatiques de plus en plus intenses et fréquents, les haies et les arbres représentent une vraie solution grâce aux nombreux services qu’ils rendent à l’agriculture et au territoire. » Ces experts citent des bénéfices agronomiques : « effet brise-vent, bien-être animal par l’ombrage, rétention des sols et lutte contre l’érosion, enrichissement des sols, lutte biologique, pollinisation. » Ils ajoutent des services écosystémiques : « stockage de carbone, préservation du paysage, régulation de l’eau, préservation de la biodiversité et des corridors écologiques. »
Hautes, larges et reliées entre elles
L’Inrae précise les choses à propos de l’eau. « Les haies modifient la circulation de l’eau en surface du sol, ralentissant le ruissellement et favorisent l’infiltration de l’eau. Elles limitent les risques et les effets des phénomènes de sécheresses et / ou de crues de faibles intensité. Elles ralentissent également l’érosion éolienne ou hydrique des sols. » Ensuite, les haies représentent un habitat de choix ainsi que des voies de circulation pour la faune auxiliaire, les insectes, oiseaux ou mammifères prédateurs des ennemis des cultures, ainsi que pour tous les pollinisateurs. Quand elles sont bien gérées, indique l’OFB (Office français de la biodiversité), elles peuvent accueillir jusqu’à 35 espèces de mammifères, 80 espèces d’oiseaux, 8 espèces de chauves-souris, 15 espèces de reptiles-amphibiens ou 100 espèces d’insectes. D’où l’importance d’avoir des haies hautes, larges et reliées entre elles. »
Stockage de carbone
En poussant, la haie stocke d’autre part du carbone dans son bois et dans ses racines. Mais elle enrichit également en carbone le sol environnant. L’Inrae parle d’un « effet significatif sur les stocks de carbone organique dans le sol des parcelles adjacentes, jusqu’à une distance de 3 mètres. » La conséquence globale sur un territoire dépend bien sûr de la taille des parcelles. Avec tous les dispositifs qui se mettent en place aujourd’hui dans le secteur du stockage de carbone, on peut estimer que l’avantage attribué aux haies dans ce domaine pourrait se monnayer. A ce chapitre des incidences économiques, il faut bien sûr ajouter tout l’aspect réglementaire, PAC, PSE, et autres aides nationales ou locales, qui sortent du champ de cet article.
Un revenu sorti du bois
On passe ensuite à la haie comme source de revenu, à travers l’exploitation de son bois. Selon les espèces en présence et la manière dont le végétal est entretenu, plusieurs voies se présentent. La plus payante est celle du bois d’œuvre, à condition toutefois de disposer de beaux sujets. En moins noble, on citera aussi la production de piquets de clôture. L’énergie – renouvelable bien entendu – constitue en fait le débouché le plus commun. D’une part avec le traditionnel bois bûche issu de l’émondage de têtards ou de l’abattage d’arbres entiers. Et d’autre part avec le bois déchiqueté, une filière qui demande aussi des billes ou des branches de bon diamètre. Un linéaire de 100 m produit l’équivalent de 170 l de fioul chaque année. Enfin, le bois déchiqueté pour un usage en litière commence à se développer. Cette valorisation donne notamment un débouché au petit bois peu intéressant dans les chaudières. Un linéaire de 100 m fournit l’équivalent de 500 kg de paille.
Changer de point de vue
Malgré tous ces aspects positifs, une partie du monde agricole voit d’abord les inconvénients réels ou supposé des haies, à commencer par l’aspect chétif des cultures en bordure de parcelle. Paule Pointereau, responsable stratégie et projets à l’AFAC-Agroforesteries, veut les rassurer. « Dans le cadre du projet Resp’Haies, nous avons montré que les effets positifs sur le climat de la parcelle compensent largement les pertes constatées en bordure. Sur la portion de la parcelle réellement cultivée, compte-tenu de l’emprise des haies, le rendement augmente de 11%.» Vient alors le reproche des frais d’entretien du linéaire végétal. « Aujourd’hui, il faut considérer la haie comme un atelier de l’exploitation, avec des charges mais qui génère un revenu. Toujours dans ce projet Resp’Haies, nous avons calculé que des haies gérées durablement peuvent dégager 92 €/ha pour l’exploitation agricole. » Cela passe notamment par des pratiques de gestion adaptées, et non une taille mécanisée brutale qui conduit au dépérissement des végétaux. D’où la mise en place d’un label piloté par l’AFAC-Agroforesteries, et d’autres démarches similaires. De nouveaux apprentissages se profilent pour la profession agricole.
Un pacte doté de 110 millions d’euros par an
En septembre dernier, le ministère de l’agriculture a annoncé la mise en route d’un « Pacte en faveur de la haie », doté de 110 millions d’euros par an. Il vise à replanter 50000 km de linéaires d’ici 2023. A titre indicatif, la France compte environ 750 000 km de haies et en perd chaque année 20000 km. L’opération s’appuiera sur cinq volets. Une territorialisation pour adapter les haies aux conditions locales. Le développement d’une filière de graines et de plants d’espèces adaptées. Le développement du conseil, avec les associations et les chambres d’agriculture. La formation des acteurs : agriculteurs, élus locaux et entrepreneurs. Et une formation à la gestion des haies dans les lycées agricoles.
En route vers le Label Haie
L’objectif du Label Haie est « d’accompagner les agriculteurs dans l’amélioration de leurs pratiques de gestion des haies et de contribuer à redonner une valeur économique à la haie ». Il concerne autant l’amont, avec « des pratiques de gestion adaptées », que l’aval, « grâce à une filière contrôlée de la haie à la chaufferie ». La Fncuma fait partie des partenaires de ce label porté par l’AFAC-Agroforesteries. Il est d’ores et déjà reconnu pour bénéficier d’un bonus dans les aides PAC et les PSE. Les agriculteurs intéressés ont un interlocuteur Label Haie dans chaque région, et ont intérêt à se rapprocher d’un collectif existant ou d’en monter un pour en multiplier l’impact. Fin 2024, 1600 agriculteurs devraient être labellisés, représentant 14000 km de haies.
Limiter la dérive de pulvérisation avec des haies
A l’heure où on cherche à ce que les produits phytosanitaires aillent bien vers leur cible et pas dans l’air ou dans l’eau, les haies d’avèrent de potentiels bon écrans contre la dérive. Les experts du projet Carbocage n’en doutent pas. Ils préviennent toutefois : « Pour être efficace face à la dérive, une haie doit répondre à différents critères : être en végétation au moment du traitement, sa hauteur doit être supérieure à celle de la culture ou des équipements du pulvérisateur distribuant la bouillie, elle doit être homogène et continue (…). Une certaine perméabilité est nécessaire, pour éviter que la bouillie passe au-dessus. » Les haies en bordure de cours d’eau font d’ailleurs partie de la réglementation sur les ZNT en tant que DVP (dispositif végétalisé permanent). Associé à l’emploi de buses homologuées contre la dérive et à l’enregistrement des applications, le DVP permet de réduire la ZNT de 20 ou 50 m à seulement 5 m.
Des documents de référence
– La haie, levier de la planification écologique – Rapport CGAAER n° 22114.
– Des haies bocagères, pour le climat et l’environnement (article Inrae).
– Guide Civam Pourquoi/comment gérer et valoriser les haies bocagères.
Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com.
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