La PAC répond t-elle encore aux défis des agriculteurs européens ?

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La PAC répond t-elle encore aux défis des agriculteurs européens ?

Pour répondre aux réglementations agricoles européennes écologiques, les agriculteurs demandent une rémunération juste et durable.

La crise agricole que traversent les agriculteurs aux quatre coins de l'Europe couve depuis de nombreuses années. Le pacte vert lancé par la Commission européenne en 2019, serait la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Cette grogne demande des réponses structurelles fortes. C'était l'objet d'un débat animé par l'ONG Heinrich Böll Stiftung.

Les nombreuses manifestations des agriculteurs dans toute l’Europe montrent à quel point leur désarrois est considérable. Avec les réglementations agricoles européennes de plus en plus écologiques, qu’ils qualifient parfois d' »absurdes » , ils ont réussi à montrer que la nouvelle politique agricole commune (PAC) ne répond plus aux défis qu’ils doivent relever ensemble. Selon les agriculteurs de l’Union, il n’est plus envisageable de répondre à des normes écologiques sans avoir un revenu stable et suffisant en premier lieu.

Réglementations agricoles européennes écologiques, réponse aux défis actuels ?

En Grèce, ce sont les coûts de production des produits agricoles très élevés qui ont mis le feu aux poudres. « Le prix du gasoil agricole a triplé en quelques années, lance Panayiotis Kalfountzos, agriculteur grec, qui tente de dresser la situation dans son pays. Ainsi que le prix des intrants et des machines agricoles. À l’inverse, nos prix de vente ont baissé et nous faisons face à des crises sanitaires, géopolitiques et climatiques de plus en plus fréquentes. Ce n’est pas tenable à long terme pour la plupart des exploitations du pays. »

Même son de cloche en Allemagne et en France avec davantage de contradictions. « L’agriculture allemande est très hétérogène, précise Gesine Langlotz, porte-parole de l’AbL, association des petits agriculteurs. Lors des manifestations, les revendications étaient plus ou moins floues et contradictoires. » Finalement, ce sont des mesures structurelles qui sont réclamées au sein des pays européens.

L’économie avant tout

« L’idée de faire de l’agriculture plus verte est bonne mais c’est compliqué, estime Panayiotis Kalfountzos. La mise en place des réglementations agricoles européennes plus écologiques a été faite à la va-vite. » À l’image des normes concernant l’application des intrants qui selon lui, n’ont pas été conçues pour être appliquées.

Cependant, il faut le rappeler, la PAC a été mise en place pour assembler des systèmes alimentaires très hétérogènes. Ainsi que pour faire face à des crises différentes. Mais les défis ont évolué et les réglementations agricoles européennes ne suffisent plus à donner les clés pour les relever.

« Le défi économique est souvent mis au second plan mais pour avancer, il faut que les agriculteurs aient un revenu stable et suffisant, estime Aurélie Catallo, directrice politiques agricoles du think-tank IDDRI. Ils doivent par ailleurs nourrir une population de plus en plus importante et faire face aux déséquilibres entres les offres et les demandes au niveau mondial. »

Réglementations agricoles européennes écologiques à la va-vite ?

Sans oublier le défi sociétal où le renouvellement des générations est capital pour leur retrait. Ils demandent également davantage de reconnaissance dans la société. « L’enjeu environnemental ne se résume plus à réduire son emprunte carbone, il est plus sophistiqué, ajoute la directrice. Il s’agit de stocker le carbone, de s’adapter au changement climatique, de fournir en énergie et biomasse leur territoire tout en préservant la biodiversité et les ressources naturelles. »

Outre une harmonisation des réglementations agricoles européennes écologiques, il faut revoir la manière dont les objectifs environnementaux seront atteints.

« Il faut faire évoluer l’approche. La transition écologique n’aura lieu que lorsqu’elle sera accompagnée d’une évolution économique des exploitations, assure Aurélie Catallo. Le pacte vert n’a pas encore eu de répercussions sur les exploitations agricoles européennes. Il ne faut pas y renoncer mais prendre en compte la viabilité économique des exploitations avant tout est primordial. »

Redistribuer les subventions ?

Point de vue que partage Panayiotis Kalfountzos. « Les réglementations agricoles européennes de la nouvelle PAC doivent être plus claires pour donner de la visibilité aux agriculteurs, plus accessibles et plus faciles à appliquer. »

Les agriculteurs de ce pays, comme les autres, demandent à disposer suffisamment de financements pour investir et produire des aliments plus sûrs. Tout en faisant face au changement climatique. À l’image des inondations qu’a subit une partie du pays. « Cela passera par la compétitivité des exploitations pour éviter une concurrence déloyale des autres pays », ajoute le Grec.

En Allemagne, l’AbL, estime que les ONG environnementales doivent revoir leur copie en incluant l’économie dans les mesures qu’elles proposent. « Il faut également réorganiser la distribution des subventions européennes, milite Gesine Langlotz. Le modèle de répartitions des aides de la PAC ne correspond plus aux besoins actuels. »

Mais outre-Rhin, comme dans l’Hexagone, le foncier prend une place prépondérante dans le débat. « Les prix des terres ne cessent de grimper. Les reprises sont à l’arrêt et peu d’innovations peuvent être mises en place dans ce contexte, regrette t-elle. On ne peut pas continuer ainsi encore très longtemps. » Une situation décrite, sur ce point, encore plus critiques qu’en France.

Dialoguer entre filières

Pour autant, les agriculteurs ne se trouvent pas dans une impasse. Mais il est urgent d’agir. « Face à une crise structurelle, les réponses ne peuvent pas être rapides, considère Aurélie Catallo. En revanche, il est nécessaire que les acteurs du monde agricole, toutes filières confondues, se mettent autour de la table pour déterminer les conséquences économiques des efforts environnementaux. »

À l’image des deux filières: céréalières et oléo protéagineuses. « Chacune veut augmenter ses surfaces sans savoir quel impact une décision a sur l’autre, illustre t-elle. Qu’elle soit environnementale ou économique. »

Une proposition lancée par la commission européenne avec le dialogue stratégique va dans ce sens. Une fois le dialogue renoué et un consensus trouvé au niveau du monde agricole, seulement après, on pourra envisager d’élargir la réflexion au niveau des consommateurs.

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