Le Royaume-Uni continue de sacrifier son agriculture

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Le Royaume-Uni continue de sacrifier son agriculture

Selon Thierry Pouch, chef économiste à la Chambre d'agriculture France, le gouvernement britannique est en train de sacrifier sa production agricole au nom du libéralisme.

Près de quatre ans après le Brexit, les Britanniques voient le prix de leurs aliments flamber. Quant aux agriculteurs, c’est le métier qu’ils abandonnent. L’ultra libéralisme d’outre-Manche a été exacerbé avec leur départ de l’Union européenne aux dépends de l’agriculture et de leur autonomie alimentaire.

Le rêve d’indépendance des agriculteurs britanniques vis-à-vis de l’Europe serait-il en train de virer au cauchemar ? C’est ce qui en a l’air, vu de notre côté de la Manche quatre ans après le Brexit. En quittant l’Union européenne, les agriculteurs ont dit bye bye à leurs aides PAC d’un montant de 7,4 Mds€/ an. Pour compenser, le gouvernement, en 2021, leur a versé la même somme, de la même manière.

Vers les services environnementaux

Mais le Royaume-Uni, pays structurellement endetté, ne pouvait plus amputer son budget annuel d’une telle somme. Ainsi, en 2022, les paiements directs ont réduit de 22 % et de 36 % en 2023. En parallèle, le gouvernement, s’est octroyé une période de six ans pour établir un programme agricole. La loi Agriculture Act est en préparation et certains principes s’appliquent déjà. Ainsi, pour profiter des aides gouvernementales, les agriculteurs doivent s’engager dans le maintien de biens publics. Souvent en faveur de l’environnement. Que ce soit ponctuellement ou au fil des ans.

« Les agriculteurs britanniques se retrouvent donc à recevoir des aides, très conditionnées et avec un montant en constante diminution, analyse Thierry Pouch, économiste à la Chambre d’agriculture. Les contreparties en faveur de l’environnement sont donc finalement beaucoup plus prononcées que celles de la PAC. Au point de délaisser la production agricole en tant que telle. »

Tout pourrait bien se passer si le Royaume-Uni avait une capacité de production importante qui approvisionnerait son marché intérieur. Or, ce n’est pas le cas. Depuis très longtemps, le pays a favorisé les importations en multipliant les libre-échanges et en délaissant sa production et son autonomie alimentaire. Si bien qu’avant le Brexit, l’île était le pays ayant le plus grand déficit commercial de l’Union.

Brexit : retour de la faim au Royaume-Uni ?

Ainsi, un agriculteur britannique se voit produire des denrées alimentaires répondant à un certain niveau de normes environnementales, donc davantage coûteuses. Ces productions se retrouvent en concurrence avec celles d’autres pays, moins onéreuses, car de qualité moindre. Ils ne profitent donc même pas de la rareté de leurs produits. « Certains agriculteurs voient leur revenu devenir négatifs, annonce l’économiste. Ils quittent alors le métier. » La fragilité alimentaire du pays s’est exacerbée depuis quelques années, laissant les gouvernements travaillistes et conservateurs qui se succèdent dans une indifférence totale.

Outre les agriculteurs, ce sont, bien l’ensemble des Britanniques qui subissent cette situation. Car depuis le Brexit, les importations ont augmenté, entraînant les prix des denrées alimentaires vers le haut. + 17 % en deux ans. « Il y a moins d’agriculteurs, moins de production, et forcément, les prix des denrées alimentaires flambent car elles sont importées, ajoute Thierry Pouch. Si bien qu’on remarque des cas de malnutrition d’enfants dans certaines régions du Royaume-Uni. »

Pourquoi on en parle ?

À l’heure où le Parlement européen s’organise et tente de donner des perspectives aux Européens, nous avons voulu traverser la Manche et observer les conséquences du Brexit pour les Britanniques. Entre échanges commerciaux et hausses des prix, leur modèle économique et agricole insulaire ne fait pas d’envieux.

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