Porter une appréciation sur l’état de santé de l’économie agricole française devient un exercice de plus en plus délicat. L’enchaînement rapide des aléas climatique, économique ou sanitaire peut en effet interférer soudainement sur les comptes des exploitations. Le dynamisme de l’agriculture française s’est en effet assombri ces dernières semaines.
Economie agricole changeante…
D’une part en raison des résultats décevants de la campagne céréalière 2024 . Une conjoncture marquée par une baisse de la production de blé tendre de près de 25 % par rapport à la moyenne des 5 dernières récoltes, selon la note de conjoncture d’Agreste. D’autre part, on s’inquiète de la réapparition inquiétante des épidémies qui menacent les éleveurs.
Sur une focale plus large qui remonte à 2022, jusqu’en juin 2024, le bilan global était pourtant assez positif selon les responsables bancaires interviewés ci-dessous. Malgré les contreperformances observées dans certaines filières.
Jean-Christophe Roubin, directeur de la branche agri-agro au Crédit Agricole SA
« On observe dans l’ensemble une forte résilience du secteur agricole qui fait preuve d’un réel dynamisme. L’année 2022 a été bonne en règle générale. Et 2023, même si elle a été un peu en-deçà, a été satisfaisante dans l’ensemble. La crise agricole de ce début d’année est liée en partie à la complexité croissante de l’activité agricole. De ce point de vue, c’est surtout une crise normative. Nous n’avons pas observé d’afflux de dossiers de demandes relatifs à des agriculteurs en difficulté pour lesquels on peut proposer, selon les situations, des pauses momentanées de remboursement ou des rééchelonnements de prêts.
Dans notre activité bancaire, nous constatons au premier semestre 2024 un recul sensible des dossiers de prêts pour l’achat de matériels agricoles. Cela s’explique d’abord par le niveau élevé des ventes de matériels qui ont eu lieu pendant les deux années précédentes. »
Sébastien Prin, directeur de la fédération du Crédit Mutuel agricole et rural
« Nous sortons de belles années pour l’agriculture française. L’année 2024 est plus contrastée avec des secteurs en crise comme une partie de la viticulture ou l’agriculture biologique, des prix en baisse en grandes cultures et des charges qui restent élevées. Les conditions météorologiques avec son lot d’épisodes extrêmes rajoutent de l’incertitude et de la disparité selon les territoires. Cela nous impose de la proximité et de l’écoute de nos clients. Il nous faut rester vigilants tout en gardant la volonté d’accompagner nos clients sur le temps long et non l’œil rivé sur les turbulences conjoncturelles. »
Loïc Guitton, responsable du marché agriculture, à la direction du développement du groupe Banque Populaire
« L’état de santé de l’agriculture française est globalement satisfaisant même si les situations sont hétérogènes. En revanche, deux secteurs souffrent : la viticulture dans le sud de la France (Occitanie et Bordelais), confrontée à la fois à des aléas climatiques successifs et à une contraction des marchés. Et d’autre part, l’agriculture biologique pénalisée par la baisse des prix de vente. Une évolution que personne n’avait vu venir… Par contre, d’autres filières de production, je pense au lait et aux porcs, ont bénéficié d’un contexte favorable ces derniers temps. En céréales, ce printemps compliqué sur le plan climatique, conjugué à l’augmentation des prix des intrants et à l‘incertitude sur les prix de vente, peuvent conduire à des résultats économiques aléatoires en 2024.
À ce jour, nous avons été peu sollicités sur le dispositif d’appui aux exploitations agricoles en difficulté mis en œuvre après la crise agricole de ce début d’année. Dans ce registre, on distingue les agriculteurs qui traversent momentanément des difficultés de trésorerie. Et ceux pour lesquels les difficultés sont davantage structurelles avec des capacités de remboursement très limitées. Les solutions et l’accompagnement sont adaptés et personnalisés en fonction de chaque situation individuelle. Devant l’incertitude sur la campagne en cours, nous maintenons nos dispositifs en place et restons attentifs pour soutenir notre agriculture et les agriculteurs. »
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