10 ans après, les méthaniseurs construisent toujours

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10 ans après, les méthaniseurs construisent toujours

Depuis dix ans, douze agriculteurs traitent déchets agroalimentaires, produisent du BioGNV et désormais du CO2.

Au terme d’une décennie qui l’aura vu lancer la production de biogaz, puis la commercialisation de BioGNV, la SAS Agribiométhane ajoute une brique à son système. La liquéfaction du CO2 lui ouvre une nouvelle activité et améliorera un bilan carbone déjà favorable.

,Le site de la SAS Agribiométhane s’étoffe, se diversifie toujours, pendant que le collectif infuse de l’énergie à son territoire. Quand, mi-juin 2024, l’unité de méthanisation de Mortagne-sur-Sèvre (85) ouvre ses portes au grand public à l’occasion de ses dix ans, les digesteurs ne sont déjà plus les seuls modules de production d’énergie. Depuis 2023, deux panneaux trackers photovoltaïques bifaces de 20 m² fournissent environ 10 % de l’électricité consommée sur le site. « Nous avions en projet d’en installer quatre. Mais à 50 000 € la pièce, nous avons préféré y aller progressivement », expliquent les associés qui se relayent aux visites guidées proposées tout au long de la journée. Deux ans plus tôt, la construction d’une aire de stockage à toiture photovoltaïque avait déjà effacé quasiment un quart de leur facture d’électricité.

Diversification, plus d’autonomie et moins d’émissions

Cet abri de 800 m² accueille notamment des biodéchets venus de l’industrie agroalimentaire dont la flore des digesteurs se nourrit. Les quatre élevages du collectif Agribiométhane valorisent également (et surtout) 19 000 t/an des leurs effluents. Cela représente les trois quarts de la biomasse valorisée en énergie ici. « Aucune culture n’approvisionne les digesteurs. » Thierry Liard rappelle là « un principe fondateur » de la SAS dont il est l’un des douze associés : « Nous considérons que les cultures sont faites pour l’alimentation humaine, et que les intercultures servent d’abord à nourrir le sol. » Jusqu’ici le système fonctionne ainsi. Mais si l’avenir pousse la structure à revoir la philosophie, « nous verrons bien comment nous adapter. »

Deux digesteurs en point de convergence des quatre élevages

N’en doutons pas car l’esprit d’entreprise et d’évolution impulse l’histoire du groupe. Après l’agencement d’une ligne d’hygiénisation des intrants, puis l’adoption d’un premier tracteur au GNV… 2023 en donne encore l’exemple : La production augmente suite à un agrandissement qui ajoute un bon million d’euros à l’investissement, pour un second digesteur. Outre la modernisation du poste d’épuration qui devra s’adapter à la nouvelle cadence, le collectif d’énergiculteurs planche surtout sur la valorisation d’un coproduit de son process : le CO2.

Le gaz carbonique pousse à l’excellence, le collectif d’Agribiométhane

Les panneaux explicatifs qui encadrent le parcours des visiteurs arguent du bilan carbone déjà favorable : Agribiométhane émettrait moins de teqCO2 qu’elle n’en évite. La nouvelle brique du système consistera de plus à capter 1 500 t/an de CO2 supplémentaires. Elle pousse donc beaucoup plus loin la logique. « On boucle la boucle pour approcher du zéro émissions générées », résume le président de la société Damien Roy. De plus le process de la liquéfaction du gaz carbonique exige de récupérer en amont 100 % du méthane présent dans le biogaz. Ce sont là des petites pertes évitées, qui gonflent en même temps le volume de gaz renouvelable commercialisé.

Agribiométhane

Une centrale en toiture et deux trackers fournissent à la méthanisation un tiers de son besoin en électricité.

« Nous pensions à développer la récupération du CO2 depuis cinq ans. Mais nous n’avions pas le marché pour nous lancer », complète Thierry Liard. Le montage qui concrétise ce projet implique le fournisseur de l’équipement qui prend place dans la cour de la ferme énergicole. « Nous nous sommes associés dans une entité distincte, à parts égales entre la SAS et Verdemobil. » Ce partenaire assurera la revente du CO2 aux utilisateurs : des abattoirs, des producteurs de bières ou des serristes par exemple. L’agriculteur justifie le cloisonnement des activités : « Cela limite les risques pour l’ensemble si cette partie ne fonctionne pas. »

Ensemble de transport en système de produiction de biogaz.

Depuis 2022, Agribiométhane consomme un peu de son BioGNV pour les transferts de lisier et digestat.

Le représentant fait ainsi un parallèle à la situation du groupe lorsqu’il se lançait sur le marché du carburant routier en 2017. Les agriculteurs sont à l’origine de l’une des huit stations de distribution de gaz naturel pour véhicules. Cette station fonctionne actuellement en Vendée. Aujourd’hui, elle a atteint un rythme de croisière espéré initialement. Une cinquantaine de véhicules, camions et cars notamment, s’y alimente en BioGNV chaque jour ouvré. De quoi assurer la rentabilité de la station et écouler l’essentiel du méthane que la SAS produit.

Le CO2 dans les traces du BioGNV ?

À l’époque du projet d’aménager ce point de vente directe de carburant vert, « les industriels étaient prêts à s’acheter des camions à condition qu’il y ait des stations. De notre côté, nous voulions nous lancer s’il y avait des véhicules », se souvient Thierry Liard qui retient finalement de ces dix ans, « et même un peu plus », l’aventure humaine : « La méthanisation a créé une ouverture sur le monde industriel, très différent de l’univers agricole que nous connaissons. Entre les énergéticiens, la R et D, etc, cette activité nous fait rencontrer beaucoup de métiers différents. » L’agriculteur concède qu’il y a eu des moments difficiles. Avant même le lancement de l’injection, le collectif s’était d’ailleurs formé lors d’un premier projet en cogénération, abandonné en 2009. « Il y a eu des prises de risques aussi. Mais quand un se pose des questions ou perd un peu le moral, les autres sont là pour le rassurer et le soutenir. »

Un tracteur dans la flotte d’Agribiométhane

En moyenne, un camion par jour livre ses intrants à la méthanisation. Thierry Liard précise que « plus des trois quarts » de ces véhicules roulent au gaz naturel et font le plein à la station Agricarbur’. Au milieu de ces camions, un tracteur.

Depuis 2022, le collectif agricole utilise un T6 Methan Power (New Holland). Ce véhicule assure également une rotation quotidienne avec la tonne pour les transferts de lisier et de digestat. Un tiers des effluents arrive sans transport depuis la ferme contigüe, et seul un autre tracteur (GNR) sert aux livraisons de fumier. Par conséquent, l’acheminement des effluents s’opère avec relativement peu de dépendance aux énergies extérieures.

Pourquoi cette histoire ?

L’arrivée de la méthanisation a bousculé les possibilités de la production agricole. Après dix ans de fonctionnement, ce groupe pionnier partage une expérience concluante. Cette expérience n’est pas terminée et est étroitement liée à leurs activités d’élevage.

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