Volontariat agricole : c’est parti !

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Volontariat agricole : c’est parti !

Rebecca Légret et Elodie Tillet présentent les résultats de leur volontariat rural et agricole à Saint-Izaire, en Aveyron.

La petite commune aveyronnaise de Saint-Izaire a accueilli pendant 6 mois deux jeunes volontaires en volontariat agricole. Une première, portée par les réseau des cuma et InSite. Et suivie de près, à l'heure où les actifs agricoles réalisent qu'ils ne pourront pas puiser dans leurs propres effectifs pour se renouveler.

L’air est doux et l’atmosphère joyeuse en ce jour de printemps, à Saint-Izaire, même si les nuages s’amoncellent plus loin, au-dessus du village de pierres rouges, sur les hauteurs. Cette petite commune du Sud de l’Aveyron a accueilli pendant 6 mois Rébecca Légret et Elodie Tillet, deux jeunes femmes de 25 et 22 ans qui ont effectué sur place leur volontariat agricole.

En quoi consiste le volontariat agricole?

Le volontariat agricole, dispositif d’engagement, a pour objectif d’offrir une expérience de 6 mois auprès de groupes d’agriculteurs. Ce dans leurs exploitations ou dans les cuma, ou encore auprès des fédérations de cuma. Les volontaires sont hébergés dans les communes rurales en partenariat avec les collectivités territoriales. Ils et elles travaillent sur des missions en lien avec le développement agricole et rural, le développement de l’emploi, et l’installation en agriculture.

Ce volontariat est en phase de test dans la réseau cuma. Il se décline en version agricole le modèle du volontariat rural créé par In Site. Il s’agit d’une forme d’ « Erasmus rural » lancé par Thibault Renaudin, maire de termes d’Armagnac (Gers).

Lequel, présent lors de la journée aveyronnaise portée par le réseau cuma, a souligné que 26% des volontaires sont jusqu’à présent restés sur les territoires dans les 123 premiers villages ayant accueillis des volontariats ruraux. « Aboutissant à la création de 23 emplois, l’équivalent de 14 CDI », a-t-il précisé.

Une vraie belle fête

Ce jour-là, les deux jeunes volontaires ont organisé une vraie belle fête pour parler de leur travail, qui a consisté à échanger avec une vingtaine d’agricultrices et d’agriculteurs du secteur sur leur perception de leur travail. Mais aussi à recueillir les mémoires paysannes, dans ce secteur fortement marqué marqué par les luttes du Larzac*.

volontariat agricole

Cette journée a été marquée par de nombreux échanges entre les agriculteurs et les deux volontaires, Rébecca Légret et Elodie Tillet. Crédit photo : Sophie Orivel

« Ces deux volets de notre mission étaient évidemment liés, mais nous ne l’avions pas perçu au départ », explique Rebecca Légret. « C’est seulement ensuite que nous avons compris la vocation intergénérationnelle des fermes, et des structures de production dans leur ensemble. »

* Le Larzac en bref : le combat des « 103 » paysans contre l’extension du camp militaire de la Cavalerie provoque, en 1972, une énorme mobilisation dans toute la France, via les « comités Larzac », un système de jumelage des fermes du Causse avec des villes. Un big-bang qui, dans cette société traditionnelle, donnera notamment naissance au mouvement altermondialiste. La « lutte » sera un moment fondateur dans l’existence de bien des participants. Elle durera de 1971 à 1981, lorsque le président d’alors, François Mitterrand, prononce l’abandon du projet d’extension.

Pourquoi participer à ce volontariat agricole?

Pourquoi se sont-elles portées candidates à cette expérimentation?

« Je n’arrivais pas entrer dans les fermes », résume Rébecca Légret. « A ce moment, je travaillais en bureau d’étude sur la gestion de l’eau, mais j’étais… au bureau. Je voulais comprendre et voir là où s’appliquent les programmes que je construisais ».

volontariat agricole agriculteurs

Les deux jeunes femmes en volontariat agricole ont organisé pour la restitution de leur travail de ateliers sur les liens entre agriculteurs et habitants des territoires ruraux. Crédit photo : Sophie Orivel

Quant à Elodie, originaire d’un autre secteur de l’Aveyron, elle commence à travailler sur l’agriculture avec sa grand-mère, avant d’entamer des études d’anthropologie sur la transmission des savoirs : « Je me posais des questions sur la transition écologique, sur comment on va faire pour se nourrir. J’ai commencé à ne pas me sentir très bien. Le projet correspondait exactement à ce que je voulais faire.

Un public toutes générations confondues

Pour l’heure, les voitures qui se garent progressivement sur le parking de la salle des fêtes, en contrebas du village, déversent un flot de participants de tous âges, les mines plutôt réjouies.

Ils sont accueillis par l’équipe dans une salle où embaument les mimosas et où ont été placardées de nombreuses petites notes, regroupées par thèmes, qui retranscrivent les paroles les plus fortes des dizaines d’agricultrices et agriculteurs avec lesquels Rébecca et Elodie se sont entretenues. Des paroles concrètes, porteuses d’espoir, parfois brutales, qui soulignent la pertinence de leur travail.

Les paroles les plus fortes des agriculteurs avec lesquels les volontaires se sont entretenus sont affichés dans la salle des fêtes de Saint-Izaire. Crédit photo : Sophie Orivel

Ces échanges ont parfois duré jusqu’à 6 heures. Ils ont été anonymisés et ont permis aux deux jeunes femmes de mettre en lumière quelques points saillants. L’importance des réseaux de coopération, d’abord, dans ce territoire « enclavé, mais qui brasse malgré tout des gens très différents, grâce à cette histoires de luttes ».

Des clivages qui fracturent l’agriculture

Elodie et Rebecca ont aussi photographié au grand angle tous les clivages qui parcourent l’agriculture, dans ce secteur et ailleurs.

« Ce sont des ruptures de valeurs entre les générations, les différentes filières, les systèmes de productions… On est heureuses de voir des ponts qui se construisent, et de faire partie de cette dynamique », a ainsi souligné Elodie Tillet. Enfin, elles enfoncent le clou : « la place des femmes dans l’agriculture collective, c’est un vrai sujet : elles ont du mal à être prises au sérieux, notamment pour tout ce qui touche aux matériels, la répartition des travaux est encore très genrée. »

Les deux volontaires organisent un « débat mouvant » pour faire réagir les participants sur des questions clés.

Des constats sans concession finalement, pour le réseau des cuma qui a porté ce projet et qui se veut le creuset du « travailler ensemble ».

« C’est ce que nous recherchons », analyse Didier Larnaudie, président de la fédération des cuma de l’Aveyron. « La fédération a décidé de porter ce projet, car ces volontariats sont menés dans ce sens : construire un regard neuf, impartial, qui permet de dresser une analyse la plus juste possible. Le réseau cuma accompagne cela ». Thierry Roques, agriculteur aveyronnais, passé par le réseau cuma et désormais en charge de l’agriculture au sein de la communauté de communes Saint-Affricain – Roquefort – Sept Vallons, a appuyé ce point de vue : «  Votre travail nous donne de l’énergie. Merci pour tout ce boulot ! »

Le ministère intéressé

Car ce jour-là, les élus sont au rendez-vous. Et ils ont le sourire. Pierre Supervielle, agriculteur dans les Pyrénées-Atlantiques et secrétaire général de la FNcuma, fervent défenseur du projet, plaide pour son intégration au PLOAA.

volontariat agricole cuma

De gauche à droite: Didier Larnaudie, président de la fdcuma de l’Aveyron, Pierre Supervielle, secrétaire général de la Fédération nationale des cuma et Thierry Roques en charge de l’agriculture à la communauté de communes qui recouvre Saint-Izaire. Crédit photo : Sophie Orivel

« Nous sommes un réseau qui a 80 ans mais nous sommes sans cesse dans la prospective. Il y a 6 ans, nous avions déjà fait le constat que l’agriculture ne pourrait pas renouveler ses actifs. Donc il fallait inventer un dispositif pour permettre aux personnes qui ne sont pas issues de l’agriculture de s’immerger. Pour devenir agriculteur, ou pour les métiers de l’accompagnement. Nous avions en tête un dispositif que nous avions baptisé « volontariat agricole ».

« Nous nous sommes rapprochés d’InSite, nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt dans le réseau cuma et trois fédérations, dont l’Aveyron, ont répondu. Le ministère de l’Agriculture est également intéressé ; sa Direction Générale de l’enseignement et de la recherche nous accompagne également sur cette phase expérimentale. »

Verdict?

A l’issue de ce travail, les deux jeunes femmes n’envisagent pas de s’installer dans l’immédiat à Saint-Izaire.

Elodie a exprimé ce jour-là son souhait de travailler en zone rurale « pour mettre du lien, faire dialoguer les habitants avec les agriculteurs et faire émerger ces questions dans les villages et les communautés de communes. « Quant à Rébecca : « J’aimerais faire de l’animation territoriale, à la croisée des enjeux de l’eau et de l’agriculture, dans une zone de captage par exemple. Comme de l’animation dans les zones de captage prioritaires pour amener des changements de pratiques. Cela demande beaucoup de relationnel, de confiance, de comprendre les acteurs… J’ai aimé, à Saint-Izaire, explorer un terrain à fond pour comprendre les jeux d’acteurs justement ».

Elles poursuivent donc leur parcours d’accompagnantes des agriculteurs, envisageant une insertion « rurale ». Illustrant en cela les propos de Pierre Supervielle. Car ce dispositif permet non seulement des installations dans les territoires, mais aussi aux futurs accompagnant des agriculteurs de mieux comprendre leur métier et leurs vies.

 

volontariat agricole cuma

Rébecca Légret et Elodie Tillet, 25 et 22 ans, ont effectué leur volontariat agricole à Saint-Izaire. Crédit photo : Sophie Orivel

Mieux se comprendre, c’est déjà mieux s’entendre. C’est une très belle première fois qui s’est jouée ce jour-là à Saint-Izaire.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :

En résumé

C'est quoi le volontariat agricole?

Le volontariat agricole, dispositif d’engagement, a pour objectif d’offrir une expérience de 6 mois auprès de groupes d’agriculteurs. Ce dans leurs exploitations ou dans les cuma, ou encore auprès des fédérations de cuma.

Les volontaires sont hébergés dans les communes rurales en partenariat avec les collectivités territoriales. Ils et elles travaillent sur des missions en lien avec le développement agricole et rural, le développement de l’emploi, et l’installation en agriculture.

Ce volontariat est en phase de test dans la réseau cuma. Il se décline en version agricole le modèle du volontariat rural créé par In Site. Il s’agit d’une forme d’ « Erasmus rural » lancé par Thibault Renaudin, maire de termes d’Armagnac (Gers).

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