Des agriculteurs rémunérés pour la vente du carbone qu’ils stockent dans leurs sols, prairies, haies… On y arrive. Plusieurs dispositifs de vente de crédits carbone sont déjà en place aux États-Unis et en Australie. Plus près de nous, la Grande-Bretagne se démène pour compenser sa sortie de la PAC. Tandis que l’Irlande fait figure de précurseur avec l’expérimentation des compensations pour ses zones humides et tourbières.
Quelques entreprises européennes ont sauté le pas et recherchent des exploitations volontaires, en France notamment. Gouvernements et acteurs privés se bousculent désormais sur ce créneau de la vente de crédits carbone. Proposant outils et dispositifs pour mesurer le ‘point de départ’ de chaque exploitation, mais aussi son évolution et ainsi pouvoir rémunérer chaque tonne de carbone séquestrée.
La vente de crédits carbone
L’idée? Que les exploitations puissent vendre aux grosses entreprises (plus de 500 salariés) des ‘crédits carbone’ fiables, pour que ces sociétés compensent leurs propres émissions. En outre elles doivent aujourd’hui pouvoir fournir un bilan de leurs activités émettant des gaz à effet de serre (GES). Pour ces entreprises, le bilan GES obligatoire constitue une première étape sur le chemin de la neutralité carbone. Objectif qui leur demandera de minimiser leurs émissions et de compenser celles qui restent.
Anticipant un durcissement réglementaire, une partie des entreprises s’est déjà saisie de ces enjeux volontairement et ‘compense’ ses émissions en achetant des crédits carbone. Comme toujours, on teste d’abord les solutions les plus simples. C’est pourquoi les initiatives de création de crédits par la reforestation et le captage industriel sont en plein développement. Et tous deux contestés.
La compensation agricole, plus complexe, commence seulement à prendre son envol, et sur de grandes exploitations homogènes. À titre d’exemple, le Belge Soil Capital annonçait en septembre rechercher 1.000 exploitations de grande culture françaises de plus de 100ha, et dans la presse irlandaise il déclarait travailler à inclure prochainement les exploitations d’élevage.
Se positionner sur de grandes unités, c’est aussi logique. Car il s’agit pour le moment d’un investissement. Le coût des analyses, des changements de pratiques restent à la charge de l’agriculteur. Même si, qu’il s’agisse de planter et entretenir des haies, de se lancer dans le semis direct ou l’implantation de couverts végétaux, il reste toujours plus économique de se lancer à plusieurs en cuma.
Objectif: inciter les exploitants agricoles à s’engager
Ensuite, les analystes ont peu de doutes. Le montant du crédit carbone, aujourd’hui estimé à 25-30€, devrait s’envoler. L’autre manière de s’investir dans le « bas carbone », peut-être de manière plus sécurisante, est déjà assez répandue en Dordogne. Il s’agit des énergies renouvelables (EnR). Des initiatives sur lesquelles la fédération des cuma met tout en œuvre pour accompagner les agriculteurs, depuis des dizaines d’années.
Après s’être inscrite dans le lancement du Plan Bois Énergie initié par le conseil départemental de la Dordogne dans les années 1990 (en partenariat avec le conseil régional Nouvelle-Aquitaine et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ADEME), la fédération a signé un nouveau partenariat pour trois ans, avec le Département et le Syndicat des énergies 24 (SDE 24), dans le cadre d’un contrat de développement territorial des énergies renouvelables thermiques.
L’objectif étant de mobiliser les porteurs de projets et de candidater collectivement pour monter une opération à l’échelle départementale. Ce dispositif, soutenu par l’ADEME, permet d’encourager l’émergence de projets de chaleur renouvelable auprès de tous les acteurs publics et les entreprises privées (industrielles, agricoles, tertiaires), en apportant une aide financière à l’étude et à l’investissement d’installations de production de chaleur, à partir de biomasse, de solaire thermique ou de géothermie.
La fédération propose aux maîtres d’ouvrage une assistance technique à toutes les étapes de leurs opérations et une étude d’opportunité gratuite des projets.
La place des énergies renouvelables dans le monde agricole
Selon une récente étude de l’ADEME, le monde agricole a contribué directement et indirectement à la production de 20% des énergies renouvelables nationales. Les exploitations agricoles participent autant leur production qu’elles consomment d’énergies fossiles. Elle est essentiellement liée à la production de biomasse pour les biocarburants, mais aussi pour la méthanisation auxquels s’ajoute le bois pour la chaleur, le solaire thermique dans l’élevage et au développement de l’éolien (mise à disposition des surfaces) sur les terres agricoles.
Au niveau local, les agriculteurs se sont très largement inscrits dans cette transition énergétique depuis plus de vingt ans, notamment en fournissant en bois déchiqueté les chaufferies collectives mais aussi par le biais de l’autoconsommation de chaleur renouvelable comme pour le chauffage de serres, ou encore l’alimentation de réseaux de chaleur pour chauffer gîtes et piscine.
Le bois énergie
Actuellement, quatre cuma équipées de déchiqueteuse mettent à disposition le matériel à leurs adhérents. Cela permet de répondre aux demandes de proximité en valorisant le matériel existant, bennes et tracteurs, la main-d’œuvre et leur bois.
Le bois énergie représente une opportunité économique à tous les échelons de l’amont à l’aval de la filière, en étant une source de revenu complémentaire pour les agriculteurs, un vecteur d’emploi et une énergie économique pour l’usager final.
Le bois issu de valorisation des haies comme paillage
Autre atout de la filière, produire du bois déchiqueté en remplacement de la paille pour la litière animale, à partir de bois issus de coupe d’entretien de haies sur une exploitation agricole ou de bois de talus ou de bord de rivière n’ayant pas de valeur pour le chauffage. Il faudra veiller à laisser sécher le bois une année avant de le broyer. Le bois déchiqueté ou plaquette s’utilise le plus souvent en sous-couche ou en mille-feuille avec alternance bois/paille et devra respecter une humidité de maximum 25%. (1 tonne de paille équivaut à 4-5 MAP de plaquettes).
Le bois énergie présente une stabilité économique face à un cours de la paille volatile et fluctuant. L’usage de la plaquette comme litière présente plusieurs avantages grâce sa grande faculté d’absorption et un très bon drainage. L’utilisation du fumier de « plaquettes » se fait de la même façon que le fumier pailleux. Le compostage est conseillé pour améliorer la décomposition de ce fumier.
Le solaire thermique
Les panneaux solaires thermiques sont une bonne opportunité pour la production d’eau chaude sanitaire à condition que les besoins soient importants, notamment l’été, et constants sur toute l’année, comme les structures touristiques (piscines, sanitaires), les établissements de santé ou encore dans l’élevage laitier pour le lavage des installations de traite ou préparer la buvée des veaux.
La géothermie
La géothermie tire ses calories de la chaleur du sol et présente un intérêt lorsque se présentent des besoins de chaud et de froid. En agriculture, elle peut être utilisée pour le chauffage de serres ou en viticulture pour la vinification.
Les énergies renouvelables qui sont produites sur le territoire participent à l’économie circulaire et au développement local. Leur mise en œuvre en est alors facilitée, elles sont mieux comprises et acceptées par la société et développent une image positive de l’agriculture utile aux défis énergétiques et climatiques d’aujourd’hui et de demain.
Enfin, à lire aussi sur la vente de crédits carbone : Rémunération carbone: 27,50€ minimum la tonne.