Responsable du service Conseil Agri au sein du Cerfrance Dordogne, Cyril Piron, en analysant les trésoreries des agriculteurs du Périgord, constate une situation tendue.
Que révèle l’analyse des trésoreries des agriculteurs aujourd’hui ?
C.P : Toutes ne sont pas encore clôturées, mais l’année 2024 est marquée par une tendance à l’augmentation de l’endettement à court terme. Nous avons quand même une situation sur l’année qui est plus compliquée que précédemment. Les trésoreries se tendent, avec des variations entre les productions.
L’agriculture en Dordogne compte de nombreuses filières, avec des secteurs particulièrement impactés, la viticulture notamment, mais aussi des productions comme la noix et les céréales.
Qu’est-ce qui est conjoncturel ? Qu’est-ce qui est structurel ?
C.P : Nous sommes dans une conjoncture économique et climatique 2024 qui pèse pratiquement sur l’ensemble des productions. Même avec des prix corrects en lait et en viande, les exploitations sont touchées en raison de l’effet ciseau de l’inflation qui se poursuit.
L’année dernière, cet effet concernait tous les intrants. Cette année, ce sont les services qui augmentent, avec un effet retard. Cela entraîne une augmentation des charges de structures qui est assez importante, pour toutes les exploitations. Et après, il y a tous les revers climatiques qu’on a pu connaître, avec l’impossibilité de semer à l’automne, au printemps, les conditions de récolte très compliquées, mais aussi les problèmes sanitaires comme la FCO.
Nous craignons là-dessus une dégradation des performances techniques.
Y a-t-il des particularités périgourdines dans les trésoreries des agriculteurs ?
C.P : L’inflation a fait pivoter les consommateurs vers des produits alimentaires d’entrée de gamme. Or en Dordogne, nous sommes davantage orientés vers les filières de qualité, qui souffrent.
Nous avons, par exemple, des élevages qui réalisent leurs revenus sur la vente du surplus de céréales – ce qui ne sert pas à alimenter les animaux. Cette année, ce type d’exploitation ne dégage ni surplus ni revenu.
Ensuite, certaines filières, qui généraient auparavant de belles valeurs ajoutées, affrontent des vents contraires. C’est le cas de la viticulture et de la production de noix. Le marché est la cause première, puis cette année le climat a aggravé la situation.
Est-ce que toutes les exploitations souffrent ?
C.P : Non. Nous sommes sur une dégradation globale, mais certaines exploitations s’en sortent bien malgré tout. Il existe bien sûr des facteurs intrinsèques, le potentiel agronomique en est un. Au-delà de cela, ce qui peut faire la différence, c’est la technicité, au sens « capacité à produire ». Car les prix peuvent être au rendez-vous, comme pour le lait et la viande.
Ensuite, il y a la capacité à maîtriser ses charges, à raisonner ses investissements. Sur tout ce qui est lié aux matériels, c’est un point clé. Dans les exploitations diversifiées notamment, il faut mobiliser énormément de matériels différents au cours d’un cycle de production, et que ces matériels soient disponibles rapidement.
Tout financer, c’est souvent impossible, voire ça peut mettre en difficulté certaines exploitations. C’est là où la mutualisation est importante. Et permet à la fois de bénéficier parfois de matériels plus performants, et à la fois de limiter le coût, de le partager avec les voisins. Je pense que c’est essentiel.
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