L’expression devenue culte «Ceci est une révolution» de Steve Jobs définit parfaitement la présentation du NH2, le tracteur à hydrogène de New Holland, au Sima 2009. Sous le capot, une pile à combustible alimentait les deux moteurs électriques du tracteur: un pour la traction et un pour la prise de force.
Vedette du salon, ce tracteur avait attiré des médias non agricole (TF1 at AutoPlus pour n’en citer que deux). «Un journaliste était venu du Japon avec son interprète spécifiquement pour voir le NH2», se souvient Ludovic Vimond (responsable communication New Holland en 2009, aujourd’hui journaliste en machinisme à la Rédaction du groupe Réussir). «Le jury du palmarès de l’innovation avait estimé que cela méritait plus que la médaille d’or.»
Les biocarburants de première génération dans l’impasse
«A l’époque, nous sortions de la première génération de biocarburants, avec des tracteurs Tier 2 et Tier 3 capables de travailler au biodiesel», explique Nicolas Morel, responsable marketing produit tracteur New Holland. Cette première tentative de développement des carburants alternatifs avait pris brutalement fin avec la hausse du cours des oléagineux et une mise en concurrence avec le circuit alimentaire qui posait un problème éthique. De plus, «l’évolution des normes antipollution ne permettaient pas d’aller plus loin avec le biodiesel».
Conçu sur une base de T6000, le New Holland NH2 développe 75 kW (près de 110 ch) pour une autonomie annoncée de 1h30 à 2h de travail. N’émettant que de l’eau (sous forme de vapeur) et de la chaleur, il combine tous les avantages d’un tracteur électrique: une meilleure réactivité grâce à un couple max disponible beaucoup plus tôt et un confort accru de par son silence de fonctionnement. Mais le passage à une structure électrique «permet aussi de repenser complètement la manière dont est utilisée l’énergie par le tracteur, notamment la gestion de l’alimentation des équipements périphériques (alimentés uniquement lors de leur utilisation). Le bilan énergétique de la machine est amélioré».
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Vers l’autonomie énergétique des fermes avec le tracteur à hydrogène
Ce qui rendait ce concept encore plus intéressant, c’est qu’il s’intégrait dans la vision d’une ferme énergétiquement indépendante. En effet, il existe deux solutions pour produire du H2: à partir de l’eau (c’est l’électrolyse : 2 H2O -> 2 H2 + 02) ou à partir du méthane (en le faisant réagir avec de l’eau pour dégager du H2 et du CO2, c’est le reformage).
Le reformage pouvant se faire à partir du gaz naturel ou du biogaz, l’idée de New Holland était de combiner l’utilisation du NH2 à un méthaniseur et de valoriser le biométhane de façon à rendre la ferme énergétiquement autonome.
Deux ans et demi plus tard, à l’Agritechnica 2011, New Holland réitère et dévoile un second concept de tracteur à hydrogène. Ce NH2 seconde génération abandonne le design futuriste de son grand frère pour adopter des lignes proches d’un T6. Côté chiffres, les performances ont été améliorées: la capacité de stockage embarqué est augmentée, la puissance progresse à 100 kW (près de 140 ch) et le couple maximal est annoncée à 1200 Nm!
Malgré cela, trois difficultés barrent la route d’une commercialisation du tracteur à hydrogène:
- Le coût de la pile à combustible (jusqu’à 3 fois supérieur à une motorisation diesel équivalente);
- La durée de vie de la pile à combustible (5.000h avant d’observer une chute du rendement);
- L’absence de filière de production et de distribution de dihydrogène.
L’héritage du tracteur à hydrogène: les tracteurs au méthane
Si le NH2 ne sera pas commercialisé à court terme, il a le mérite d’avoir ouvert la voie au biométhane en tant que carburant alternatif crédible chez New Holland. Durant l’Agritechnica 2013, la firme présente ainsi le tracteur T6 Méthane Power. Sous le capot, prend place un moteur d’utilitaire 4 cylindres de 3,4 litres issu de la banque d’organes Iveco consommant, comme son nom l’indique, du méthane.
Une seconde version vient affiner les choses en 2015 avec un « vrai » moteur de tracteur: le 6,7 litres bien connu dans la gamme New Holland. Deux modifications techniques à souligner par rapport à un organe carburant au gazole: la culasse est renforcée pour supporter la chaleur supplémentaire dégagée par la combustion du gaz et des bougies ont été ajoutées pour déclencher la combustion dans les cylindres (le méthane ne s’enflamme pas par effet de compression).
Ce tracteur New Holland au méthane, la Rédaction d’Entraid’ est allée le prendre en main avec l’Earl Guérin en Dordogne.
Précisons que sur le marché des moteurs à gaz, il existe aussi des solutions dites à « bicarburation« . Une solution explorée notamment par Valtra et qui est capable de fonctionner au 100% gazole (notamment au démarrage et lors de la montée en température), puis de consommer un mélange méthane-gazole (80 à 85% de méthane). Ces moteurs n’ont donc pas besoin de bougies (grâce au gazole).
Les avantages de la motorisation au méthane
Vous l’aurez compris, la motorisation au méthane présente deux gros avantages: elle ne nécessite pas de grosses transformations sur la chaîne cinématique et elle sera plus intéressante économiquement parlant que la solution au dihydrogène. La combustion du méthane est plus propre (et plus complète) que celle d’un hydrocarbure. De ce fait, les tracteurs utilisant ce type de carburant peuvent se passer des éléments de dépollution (hormis un catalyseur 3 voies).
Le coût de l’installation pour consommer du gaz est ainsi (presque) équilibré par la suppression du coût des organes de dépollution (surcoût de 10 à 15 % annoncé pour un tracteur au méthane par rapport à un tracteur diesel Stage V de même puissance).
New Holland continue en outre de travailler dans cette voie et a présenté en 2017 un troisième concept de tracteur au méthane. En 2022, la firme lance la commercialisation du tracteur au méthane New Holland T6 de série.
Pour en savoir plus:
[Tracteur au biogaz] Un nouveau concept New Holland avec un poste de conduite futuriste
Demain, des méthaniseurs portés par les territoires?
Il ne faut pas oublier un autre paramètre important, la filière gaz existe déjà et elle s’intéresse au biométhane. Le plan de développement de GRDF contient d’ailleurs un objectif intéressant qui devrait favoriser le développement du maillage des méthaniseurs: 30% de gaz verts en 2030.
La vision initiale de la ferme énergétiquement autonome a aussi évolué. Aujourd’hui, New Holland pressent plutôt que les méthaniseurs seront demain portés par les territoires (et/ou des regroupements d’agriculteurs) et qu’ils deviendront le point central de distribution de carburants propres pour les territoires.
A lire pour aller plus loin:
[Loir-et-Cher] Inauguration de la première unité de biogaz liquéfié