Le prototype du robot de binage viticole Ted de Naïo Technologies est actuellement testé par l’IFV au Domaine expérimental de L’Isle-sur-Tarn et par 9 partenaires-clients viticulteurs (des domaines privés et coopératives). Un chiffre qui montera à 16 d’ici à fin 2018.
Ce robot, muni de deux outils –des lames interceps Vitiméca et des étoiles de binage Kress- peut travailler jusqu’à 8h/jour sur 4 ou 5ha, et se recharge en une nuit sur une prise de secteur (mais 80% de recharge en 2h).
Le produit final devrait coûter aux alentours de 150000€, avec des possibilités de location.
Léger, ce robot de 800kg implique une stratégie de mécanisation du désherbage complètement différentes des itinéraires actuels, avec des passages réguliers, tous les 10-15 jours par exemple pour une surface maximale d’environ 40 ou 50ha, et un cavaillon très meuble.
Ce sont précisément ces itinéraires de travail (fréquence des passage, succession des outils…) qui sont expérimentés au Domaine de l’IFV de L’Isle-sur-Tarn, sur une diversité de cépages et de terrains. Le robot est pour l’instant plus dimensionné pour les vignes larges même s’il est en test sur une exploitation en vigne étroite.
L’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) travaille avec Naïo Technologies sur ce projet depuis 2014, apportant, selon Christophe Gaviglio (ingénieur IFV, en charge de la mécanisation du vignoble et notamment de l’entretien mécanique des sols) une expertise sur le « métier » viticole.
La start-up Naïo Technologies s’est en effet développée au départ autour de la conception du robot Oz, un robot dédié au maraîchage dont une centaine d’exemplaires ont été commercialisés à ce jour, selon Guillaume Delprat, en charge du marché viticole chez Naïo, qui s’exprimait avec Christophe Gaviglio lors d’une conférence de presse le 27 juillet.
Une autre stratégie de désherbage
Le sujet principal pour Ted, c’est la stratégie globale de gestion du désherbage mécanique, qui consiste en « une gestion cyclique du cavaillon sur toute l’année », précisait Christophe Gaviglio. L’intérêt de ce raisonnement? Conserver un cavaillon facile à travailler toute l’année, contrairement à ce que l’on peut envisager quand on a beaucoup de puissance.
« L’idée, c’est que le robot se suffise à lui-même, soulignait Christophe Gaviglio. Si on laisse l’herbe se développer, elle va implanter tout son réseau racinaire, lequel sur 20 ou 30 cm va prendre la terre en masse. Les passages réguliers du robot sont destinés à la gêner en permanence par des déplacements de terre. Cela explique que potentiellement à terme on n’aura pas besoin de toute la puissance d’un tracteur » a-t-il détaillé.
« La nouveauté se situe aussi sur le fait que ces outils sont beaucoup moins lourds que le triptyque traditionnel « tracteur, outil, chauffeur », a souligné l’ingénieur de l’IFV. En termes d’agronomie, de respect des sols, d’énergie en jeu, cela nous intéresse. Car le désherbage mécanique actuel a un bilan carbone assez défavorable, avec des puissances de l’ordre de 80cv et des consommations importantes. »
Un robot partagé?
Une cartographie des parcelles, effectuée par drône, est chargée dans le robot Ted. Des barrières (laser) délimitent sa zone de travail car il n’a pas le droit de rouler sur les routes. Certains viticulteurs, qui expérimentent le prototype, le transportent sur une remorque, indique Guillaume Delprat.
Pourquoi ne pas envisager un travail groupé sur des parcellaires attenants? « Une hypothèse plausible, d’autant plus que les pratiques évoluent dans le champ du partage de matériel, » analyse Christophe Gaviglio
Tonte et épamprage à venir
l’IFV n’est pas le seul partenaire technique intéressé, a également assuré Guillaume Delprat lors de la conférence: « Aujourd’hui plusieurs constructeurs s’associent à Naïo pour trouver des adaptations d’outils. Parmi les spécialistes des outils de travail du sol sur le rang, cette stratégie commence à être pris au sérieux, y compris par les acteurs installés dans ce domaine. »
Parmi les axes de développement, ils citent l’autonomie, qui atteint aujourd’hui 8h avec des outils passifs de binage, et qui devrait être maintenue à l’aide de batteries supplémentaires lorsque des outils actifs -tondeuses, épampreuses-, liés à des capteurs, auront été conceptualisés.
De son côté, l’IFV continue à développer le partenariat avec Naïo sur d’autres aspects que le désherbage mécanique, « simplement parce que cela fait longtemps que nous avons identifié que la robotique est un levier très puissant aujourd’hui pour répondre aux problématiques de l’agriculture et de la viticulture en particulier. Cela comprend la réduction de l’utilisation des intrants phytosanitaires –ici les herbicides-. Il existe également une contrainte forte sur le temps de travail des vignerons qui souhaitent justement se passer d’herbicide. Ce n’est pas simple : il faut apprendre les outils, l’évolution du sol, l’évolution de la flore adventice et il faut y passer beaucoup de temps, » a précisé Christophe Gaviglio. « Si l’IFV est en soutien c’est parce que l’on croit vraiment à ce levier pour rendre accessible toutes les alternatives au désherbage », a-t-il ajouté.
*IFV: Institut Français de la Vigne et du Vin
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