Et si on récoltait séparément les feuilles de luzerne de la tige ? Une idée qui semble un peu saugrenue, mais qui peut avoir un intérêt nutritionnel pour l’alimentation des animaux.
Plus de protéines
En effet, si l’ensemble de la plante obtient un taux de compris entre 15 et 18 % de MAT (matière azotée totale) une fois récoltée, ce taux est bien plus élevé en ne comptabilisant que les feuilles. Ce taux peut aller de 24 à 27 % alors que les tiges n’ont que 9 à 14 % de MAT. « En fractionnant la plante, on peut espérer obtenir un concentré plus riche en protéines », explique Louis Matte, étudiant en charge de l’expérimentation.
Lors de cet essai, les tiges et feuilles, récolées lors d’un épisode de sécheresse dans une prairie de trois ans ont été mélangés en massaï. Cet aliment, composé de 90 % de feuilles de luzerne, de 10 % de céréales et quelques acides organiques pour la conservation a obtenu un taux de 20 % de MAT.
« Nos avons ensuite distribué 10 kg brut de massaï en deux rations destinées aux vaches laitières, explique l’étudiant. Nous avons, par ailleurs, réduit les quantité de maïs ensilé, de co-produit et stoppé la distribution du soja. Dans chaque cas, il n’y a pas eu de différences notables sur la quantité de lait produit, les taux protéiques et butyreux ainsi que les taux de matière azotée totale. »
Réduction de co-produits
Des essais devraient être reconduits pour mieux estimer les limites de la réalisation de massaï mais aussi pour tenter de connaître les quantités de fibres potentiellement présentes dans ce mélange. « En élevages de monogastriques, grâce à cette technique, la réduction d’apport de soja peut aller de 35 à 50 %, estime Louis Matte. Pour les bovins, cette diminution varie beaucoup selon la ration globale et la richesse de la luzerne. »
C’est sans compter les charges de mécanisation qui seront forcément en hausse. Des étudiants travaillent à mécaniser la tâche de récolte fragmentée. Mais aussi pour tenter de créer des outils innovants afin de perdre le moins de feuilles possibles. Car c’est bien là où les protéines sont le plus présentes.
Difficultés d’implantation de la luzerne
L’étude a été réalisée dans un cadre d’introduction de cultures légumineuses dans des exploitations céréalières. « C’est une culture qui apporte des intérêts à l’agriculteur qui n’a pas d’élevage, lance Maëva Weens, conseillère à la chambre d’agriculture du Grand-Est. Grâce à cette plante, ils peuvent économiser des intrants, des apports en azote et cela permet de diversifier les assolements. Enfin, les racines pivot permettent de structurer le sol et de puiser l’eau en profondeur. »
La majorité des agriculteurs reconnaît les atouts agronomiques de la luzerne. Cependant, 42 % des agriculteurs liés au projet ont rapporté rencontrer des difficultés d’implantation. Avec un salissement de la parcelle les premiers mois, un temps de travail assez élevé et une maitrise difficile du chantier de récolte.
Être en accord
Si la luzerne est cultivée dans le but de réaliser des échanges entre céréaliers et éleveurs, il est important de connaître le besoin de chacun et de s’accorder sur les modalités : mise à disposition des surfaces à pâturer, échanges pailles contre fumier ou achat et vente d’aliments.
« Il est aussi nécessaire d’objectiver la valeur du produit, ajoute Dominique Candau, conseiller à la chambre d’agriculture des Vosges. Nous avons donc mis en place un prix d’équivalence. Celui-ci correspond au prix de revient auquel on a ajouté une marge qui permet de dégager la même rentabilité qu’une culture de vente. »
Par exemple, pour trois récoltes de luzerne de 7 tMS/ha enrubanné deux fois et en foin une fois, le prix d’équivalence à du maïs grain est établi à 89 €/tMS, main d’œuvre comprise. Celui-ci est de 85 €/tMS pour un équivalent à de la luzerne déshydratée. « Bien sûr ces valeurs sont à moduler selon la qualité du produit ou encore le partenariat établi », précise le conseiller.
De nombreuses techniques
L’échange de luzerne entre céréalier et éleveur est une des illustrations possibles. À l’image de Franck Sangouard, éleveur de brebis. Ce dernier utilise plusieurs sources d’aliments pour son élevage. Avec plus traditionnellement, des échanges de paille contre du fumier, le pâturage de prairies temporaires mais aussi des couverts végétaux en inter culture. « Dans les deux derniers cas, je finance les semences, avec l’agriculteur, on s’ retrouve », explique t-il.
Mais Franck Sangouard a aussi un partenariat assez atypique : le pâturage de colza en hiver. « C’est assez dérangeant psychologiquement pour un agriculteur de voir des brebis brouter ses cultures, admet il. Mais avec le recul, on sait qu’il n’y a aucun impact sur le rendement. Le colza raccourci permet de mieux repartir à la sortie de l’hiver. »
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