Adaptable ou origine ?
L’origine, c’est plutôt l’orientation de la cuma Val de Veude en Indre-et-Loire pour l’entretien de sa charrue Kuhn. Alors que la cuma la Pintaise, en Deux-Sèvres, choisit plus volontiers les pièces dites adaptables pour sa charrue Pöttinger (voir l’article dans les pages suivantes consacré à ces deux cuma).
Même démarche pour la cuma Céréales et Récoltes. Depuis plusieurs années, cette cuma corrézienne se procure en pièces de rechange pour ses deux charrues Kuhn Varimaster 151 et 181 de 4 et 5 corps, chez un fabricant isérois de pièces d’usures et autres matériels de travail du sol. La qualité des pièces conçues avec de l’acier renforcé, préfigure une meilleure résistance à l’usure. Cela satisfait les responsables de la cuma confrontés à des sols sablonneux-limoneux usants : « C’est moins cher que chez les concessionnaires, et la qualité est au moins égale à celle des pièces d’origine. » En moyenne, depuis 2018, les charrues de la cuma Céréales et Récoltes réalisent 172 ha/an au tarif moyen de 46 €/ha. « L’entretien représente 64 % du coût. Si l’adhérent sollicite un service complet, il faut ajouter 22 €/h pour le chauffeur et 33 €/h pour le tracteur (hors carburant) », détaille Marie-Hélène Herbert de la fdcuma.
Comparer le coût des pièces d’usure de charrue
Les acheteurs papillonnent volontiers, à la recherche du meilleur prix. Mickaël Fuseau, adhérent responsable de la charrue de la Pintaise, demande régulièrement des devis pour comparer le coût des pièces d’usure. « Au final, les différences de prix demeurent assez modestes », observe le responsable. Un concessionnaire vendeur de charrues le reconnaît : ses clients tentent parfois de s’approvisionner en pièces d’usure à l’extérieur à la recherche du moindre coût. Mais en définitive, ils reviennent souvent s’approvisionner à la source…
Sur son territoire, une majorité d’acheteurs opte pour des pièces d’usure de charrue au carbure. Tout du moins pour certains composants particulièrement sujets à l’usure, comme les pointes. La société Adi Carbure, basée dans le Poitou, créatrice de pièces de rechange pour fabricants ou agriculteurs, défend ce choix. Selon ce spécialiste du traitement anti-abrasion des pièces d’usure, « la durée de vie de ces dernières est augmentée de quatre à dix fois par rapport à la pièce traditionnelle. »
Sur le terrain, on évoque plus souvent une durée de vie multipliée par deux ou trois, par rapport aux pièces classiques. Pour quelle augmentation de coût ? « Deux à deux fois et demie plus cher » soutient M. David, gérant de la société.
Durée de vie deux à trois fois plus longue au carbure
Faut-il mieux changer les pièces d’usure moins souvent en optant pour du carbure, ou se contenter de pièces classiques renouvelées plus fréquemment ? La question est difficile à trancher définitivement, car elle est liée au type de sol.
Dans les terres usantes et pierreuses, les pièces travaillantes, qui pénètrent les premières dans le sol (pointe, rasette, sep et contre sep) sont exposées à des risques prématurés d’usure. Le surcoût d’investissement sera alors amorti plus rapidement. « Dans la comparaison entre pièces classiques ou carbure, il faut tenir compte aussi du temps consacré au changement des pièces », remarque Damien Cluseau, salarié de la cuma de la Fontaine des Deux-Sèvres, et propriétaire d’une charrue utilisée 150 à 200 ha/an.
Dans sa zone, les terres sont jugées usantes. L’économie en temps de main-d’œuvre (et donc en coût) générée au moment des changements de pièces est donc significative. « De l’ordre de deux à trois fois moins de temps qu’avec des pièces normales », constate le salarié. En revanche, la présence de pièces au carbure pourrait générer une consommation supplémentaire de carburant, pointe du doigt l’un des salariés mécanos de la cuma Val de Veude. Plus lourdes, les pièces au carbure sont aussi plus épaisses que les autres. Et cela freinerait la facilité de pénétration dans le sol.
Environ 10 % moins cher en morte-saison
La période d’achat peut jouer aussi sur les coûts. La diminution de prix pratiqué en morte-saison est évaluée à 10 %, d’après les acheteurs et vendeurs de charrues qui ont répondu à nos sollicitations. C’est la démarche suivie par la cuma de Val de Veude, qui programme ses achats de pièces en fin d’année, fin novembre à décembre. Les commandes groupées peuvent inciter les vendeurs à accorder un geste commercial. À l’inverse, des frais de livraison peuvent alourdir la facture.
Mais la principale difficulté pour les acheteurs de pièces d’usure est d’objectiver le rapport qualité/prix. Il n’existe pas en effet de comparatif de durée de vie des pièces d’usure de charrue. Sachant qu’en plus, la qualité de l’acier peut sensiblement varier d’une année sur l’autre. Enfin, parallèlement à la qualité de la pièce d’usure et au type de sol, les facteur conduite (vitesse de travail) et réglage (profondeur de labour) influencent aussi le taux d’usure. « Quand on double la vitesse, l’usure est multipliée par quatre », écrivent les conseillers en agroéquipement dans le Guide des Prix de Revient Ouest 2023.
Une utilisation de plus en plus irrégulière
La charrue est un matériel qui se renouvelle assez peu. En changeant les pièces d’usure régulièrement, on s’assure d’une bonne qualité de travail tout en évitant de dégrader les éléments support du châssis. La question du remplacement par une neuve se posera l’année où, en plus des changements habituels des pièces d’usure, des frais plus importants (ex : changement des vérins pour le retournement ou des organes d’articulation, usure de la tête d’attelage), se profileront. Cependant, avec le recours de plus en plus fréquent au non-labour dans certains territoires, on peut miser raisonnablement sur la possibilité de rallonger la durée de vie de l’outil, proportionnellement à la baisse des surfaces labourées tous les ans.
L’équation reste compliquée car l’utilisation est souvent épisodique. En fonction du contexte pédoclimatique, des adhérents vont décider ou non de recourir certaines années à la charrue. Face à la baisse tendancielle du labour dans sa zone, la cuma la Fricaudière, dans la Vienne, a pris la décision de revendre l’une de ses trois charrues. Il s’agit d’une 5 corps réversible d’occasion cédée à la cuma voisine de Malibeau qui jusqu’ici n’en avait pas. Vincent Gaborit, le trésorier de cette dernière, explique ce choix : « Même si la majorité des adhérents de la cuma ont déjà leur propre charrue chez eux, la mise à disposition ponctuelle par la cuma d’une charrue supplémentaire peut permettre d’accélérer les débits de chantiers de semis, lorsque le temps presse. »
Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com :