Quand on questionne un chauffeur de cuma sur ses préférences en matière de parcelles, la réponse est vite donnée. « Quand vous partez en vacances, vous choisissez l’autoroute pour arriver plus vite, ou vous faites des détours par les départementales ? » Personne n’aime passer du temps en manœuvres et en demi-tours. Ce sont des minutes perdues, de l’attention supplémentaire à fournir, et même de la fatigue physique en raison des gestes répétitifs à effectuer. La moisson fait partie des chantiers les plus pénibles, soulignent nos interlocuteurs, en raison de la dépose de la coupe. « Chez nous, avec beaucoup de parcelles de 2 ou 3 ha, il a fallu investir dans une coupe repliable, nous dit un salarié de cuma. Mais la largeur de ces équipements est limitée. » Effectivement, chez Claas, c’est 5,40 m maxi. On va plus loin en adaptable (Capello, Geringhoff, Tort…), de l’ordre de 7 à 7,50 m.
Des aides électroniques en bout de champ
Depuis quelques années, la technologie facilite les manœuvres de bout de champ. Sur les tracteurs, les séquences automatisées pilotent par exemple le relevage, la prise de force, le régime moteur et la vitesse à partir d’une seule touche. L’autoguidage commence quant à lui à exécuter des demi-tours, et pas seulement en boucle. Chez Fendt, il peut par exemple travailler en Y ou en K, selon la dénomination maison, c’est-à-dire avec une marche arrière, qui exige moins d’espace.
La localisation permet également de couper automatiquement les semoirs ou les pulvérisateurs une fois arrivé en bout de champ. Ce qui arrive plus souvent dans les petites parcelles. Elle commande aussi les fermetures progressives de tronçons ou de rangs dans les pointes. Du côté des épandeurs d’engrais, la fonction bordure aide à conserver une qualité de répartition correcte à la périphérie des parcelles. Et plus elles sont petites, plus l’espace concerné est grand. Une parcelle de 16 ha au carré, c’est 1,6 km de bordure, quatre parcelles de 4 ha au carré, c’est le double.
Il reste toutefois que le parcellaire défavorable se situe pour partie dans les régions agricoles les moins productives. Donc là où les agriculteurs ne disposent pas d’une capacité d’investissement suffisante pour accéder à ces technologies qui leur faciliteraient pourtant la tâche. Heureusement qu’ils ont les cuma !
Avec la plupart des matériels attelés à un tracteur, en travail du sol, semis ou pulvérisation, la logique veut qu’on s’oriente plutôt vers des appareils portés dans les petits parcellaires, car ils ont plus maniables. Hélas, à partir d’une certaine largeur, ils s’avèrent aussi plus exigeants en ce concerne le tracteur, qui doit offrir poids et empattement suffisants.
Des outils semi-portés plus maniables
À l’opposé, les modèles semi-portés permettent plus facilement d’aller vers de la grande largeur et donc du débit de chantier. Mais ils demandent un parcellaire plus grand en raison de l’espace nécessaire aux manœuvres.
Cyril Thirouin, directeur R&D chez Grégoire Besson, apporte des précisions intéressantes dans ce débat. « Sur nos déchaumeurs à disques semi-portés, nous avons placé l’essieu entre la dernière rangée de disques et le rouleau. Ainsi, le train porteur est plus proche du tracteur, et la maniabilité est meilleure lors des demi-tours. »
D’autres avantages en découlent au passage, signale notre interlocuteur. La terre projetée par les disques a de l’espace pour retomber au sol avant le passage du rouleau, ce qui évite un effet de balancement. D’autre part, cette configuration laisse un espace au milieu de l’appareil pour installer un éventuel semoir à petites graines.
Sur les déchaumeurs semi-portés à dents, la position centrale des bogies permet d’effacer la trace des roues par les dents arrières. De ce fait, ces bogies peuvent servir de jauge en conditions humides, pour ne pas tout faire reposer sur le rouleau. Et si l’outil est utilisé sans rouleau, avec un peigne triple en mode scalpage, la profondeur demeure bien contrôlée, les roues se situant au milieu des pattes d’oie.
Le type d’attelage a un son importance
Concernant le type d’attelage des outils semi-portés, Cyril Thirouin se montre partagé. « L’attelage sur les bras de relevage offre certes plus de maniabilité en optimisant le rayon de braquage, mais peu de tracteurs permettent de verrouiller une hauteur précise des bras. En sol dur, l’outil risque de chercher à sortir de terre et les bras de relevage ne pourront rien retenir. »
« Au contraire, la barre oscillante est vraiment optimisée pour la traction, elle tient très bien l’outil dans le sens vertical et permet de bénéficier d’un report de charge généré par le poids du tracteur. Cela offre une profondeur de travail très régulière même en sol hétérogène. Son inconvénient est qu’il faut l’enlever pour atteler une benne. À la moisson, cette opération complique l’utilisation d’un même tracteur qui alterne entre le transport du grain et le déchaumage. »
Les charrues offrent elles aussi le choix entre modèles portés et semi-portés. Parmi ces dernières, évidemment mieux à l’aise dans les grandes parcelles, il faut distinguer les monoroues et celles sur chariot. Cyril Thirouin prévient à ce sujet : « Dans les pentes, mieux vaut un chariot, pour la stabilité. Chez nous, il en existe à partir de 6 corps. »
Une question de longueur pour le lisier
L’épandage d’effluents d’élevage, et en particulier de lisier ou de digestat, constitue un autre sujet de discussion en lien avec le parcellaire. Christophe Marzin, responsable produit chez Pichon, explique : « L’idéal est de vider la tonne sur un aller et retour tout en essayant de circuler dans les traces du pulvérisateur, donc de dimensionner le volume et la largeur de l’équipement d’épandage en conséquence. »
Le sujet est particulièrement sensible pour les apports sur céréales au printemps, où on cherche à préserver la végétation autant que le sol. Mais évidemment, toutes les parcelles ne se ressemblent pas, et il faut savoir trouver des compromis. Christophe Marzin observe également des différences entre régions sur le déploiement des chantiers en deux temps, avec transport séparé de l’épandage, et transfert direct ou via cuve tampon en bord de champ.
« Dans l’Ouest de la France, avec beaucoup de petites parcelles, il est très difficile de changer de la logistique habituelle. Nous constatons que les chantiers dissociés se mettent plus facilement en place dans les régions de plaine. » Et pourtant, cette voie présente des avantages agronomiques.
Faire appel à des robots constituera-t-il une solution pour cultiver le bocage agroécologique souhaité par certains ? Certes, ces engins n’ont pas d’états d’âme et ne souffrent pas d’un sentiment de perte de temps lors des demi-tours. Mais plus ils seront gros, plus il leur faudra de la place pour manœuvrer, et plus on attendra d’eux une rentabilité horaire, autant que pour un attelage conduit par un humain.
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