Quelle que soit la stratégie d’adaptation décidée par l’agriculteur (baisse de la surface irriguée, volume limité, coupure en saison…), les situations de ressource en eau limitée imposent encore plus de baser sa réflexion sur un outil d’aide à la décision. Il en existe de nombreux pour positionner au plus juste l’eau d’irrigation et ainsi en améliorer l’efficience, seule méthode pour s’adapter aux variations climatiques annuelles parfois marquées.
En France, le maïs grain irrigué représente 38 % des surfaces en maïs grain et 45 % de la production(moyenne 5 dernières années – source : Agreste). Les besoins en eau du maïs sont bien connus, y compris selon les groupes de précocité, les stades phénologiques ou l’enracinement. De même la connaissance des sols ainsi que la collecte et l’interprétation des données climatiques ont fortement progressé. Tous ces paramètres sont aujourd’hui agrégés dans des outils d’aide à un pilotage de l’irrigation au plus près des besoins de la culture, de façon à éviter tout stress hydrique.
Pour autant, décider d’irriguer ou non ne peut pas seulement se faire à partir de cet indicateur fourni soit par le bilan hydrique soit par les sondes de mesure. Plusieurs autres paramètres entrent en ligne de compte. Le premier paramètre à intégrer est la disponibilité en eau. Elle se définit par un volume disponible (m3) et un débit (m3/h). L’agriculteur doit prendre en compte l’incertitude sur cette ressource (fréquences de coupure durant la période d’irrigation). Une autre variable caractérisant la ressource est son coût d’accès et son coût au mètre-cube.
Ressource, matériel et contraintes
Ensuite vient le matériel. Le matériel se définit par un débit d’équipement (m3/h) différent du débit de la ressource, une durée de fonctionnement (h/jour) et une durée du tour d’eau (nombre de jours pour arroser toutes les positions). Une parcelle peut être découpée en plusieurs positions d’irrigation. Une dose unitaire (mm) est également définie. Elle peut varier dans la saison en fonction du stade de la culture.
Dans les situations où la ressource est limitée, deux stratégies s’offrent à l’agriculteur : soit il diminue sa surface irriguée et réalise une conduite optimale (non limitante), soit il maintient sa surface irriguée en réduisant le volume total apporté à l’hectare. S’il prend cette deuxième option, la bonne répartition de l’eau et l’exploitation optimale de la réserve en eau du sol et des pluies sont indispensables pour valoriser au mieux l’irrigation. Dans ce type de situations, l’emploi d’un outil de pilotage, sous réserve de disposer des bonnes règles de décision et d’une estimation correcte de la RU, peut améliorer significativement la productivité de l’eau. Le raisonnement mis en œuvre dépend du type de restriction auquel la ressource est soumise. Si le volume est limité mais assuré, la stratégie consistera à répartir au mieux l’eau disponible. En revanche, si la limitation se traduit par un risque d’arrêt précoce (ressource épuisée), la stratégie consistera à utiliser l’eau disponible dès le début de période d’irrigation pour préserver au maximum la réserve en eau du sol.
Volume limité mais assuré
Dans ce type de situations, en début de campagne il faut bâtir un calendrier de répartition des apports qui visera à encadrer la période de plus forte sensibilité de la culture. L’enjeu est de bien couvrir les périodes où le stress hydrique est le plus pénalisant sur le rendement. Il est aussi conseillé de préférer des doses unitaires plus faibles mais plus fréquentes. Par exemple, en maïs, le calendrier prévisionnel sera centré autour de la floraison femelle, stade crucial vis-à-vis de l’irrigation. L’outil de pilotage reste indispensable pour gérer au mieux l’eau en fonction des stades de la culture.
Risque de coupure précoce de l’irrigation
En cas d’incertitude sur la ressource, il est conseillé de piloter en apportant suffisamment d’eau dans le sol pour que la plante évite le stress le plus longtemps possible après la coupure. Le rythme d’apport doit être légèrement plus soutenu que pour une conduite sans risque de coupure (si l’installation le permet). L’outil de pilotage reste indispensable pour gérer au mieux l’eau et le remplissage du sol. Un piège à éviter est de sur-irriguer à l’approche de la coupure car il peut y avoir des risques de drainage, de lixiviation de l’azote, voire d’ennoiement.
Cas où le matériel est limitant
Avec les évolutions climatiques, les systèmes d’irrigation dimensionnés dans les années 70 ou 80 peuvent aujourd’hui être limités vis-à-vis de la demande climatique journalière. En effet, le dimensionnement d’un système d’irrigation a été réalisé en fonction de plusieurs critères. En premier lieu, quelles cultures sont irriguées : cette donnée permet de dimensionner le nombre de mm/jour d’irrigation nécessaires pour bien irriguer sa culture. En grandes cultures, la valeur prise est en général le huitième décile du mois le plus exigeant de la culture sélectionnée (excepté pour la pomme de terre où c’est le neuvième décile qui est pris en compte). Par exemple, pour du maïs dans le sud-ouest de la France, cette valeur est entre 5 et 6 mm/jour. Ensuite, regarder le débit imposé par la ressource va permettre d’avoir une idée du matériel à utiliser. Si le débit disponible est faible, l’enrouleur pourrait ne pas être adapté à la situation. Un pivot, voire un système de micro-irrigation, pourrait peut-être mieux convenir. Le matériel d’irrigation choisi va également dépendre des assolements et des rotations prévues sur la sole irrigable de l’exploitation. Si toutes les cultures des rotations ne sont pas irriguées, le pivot semble compliqué à utiliser car difficile à déplacer d’une parcelle à une autre, bien qu’il existe aujourd’hui des pivots déplaçables. L’enrouleur est alors le mieux adapté. La forme du parcellaire va également conditionner le choix du matériel. Le pivot impose un parcellaire où l’on peut dessiner un cercle ou une partie de cercle, tandis que la couverture intégrale est mieux adaptée que l’enrouleur aux petites parcelles.
Un matériel limitant correspond à un débit d’équipement inférieur au décile 8 des besoins journaliers du mois de pointe. Cela signifie que le débit ne couvrira pas les besoins de la plante plus de 2 années sur 10. Dans ce cas, il est conseillé d’anticiper l’irrigation avant d’atteindre les phases critiques pour retarder au maximum l’arrivée du stress. L’outil de pilotage reste indispensable pour gérer au mieux l’eau en fonction des stades de la culture.
En complément : un guide d’Arvalis sur les matériels d’irrigation, un reportage dans une cuma d’irrigation.