La première vie de la cuma de la Gagnerie, à Tocqueville, dans l’Eure, a débuté en 2007. Quatre exploitations proches en sont à l’origine. Toutes étaient adhérentes d’une autre cuma. « Nous avions déjà l’habitude de réaliser ensemble des chantiers. Nous avions décidé de mettre en commun deux tracteurs de tête », se souvient le président Arnaud Grisel. La cuma comptait également une charrue, un semoir et un distributeur d’engrais. « Pour différentes raisons, nous avons finalement interrompu cette organisation et mis la cuma en dormance. »
Les voisins envisagent ensemble de nouvelles productions rémunératrices
Le petit groupe, constitué de deux polyculteurs-éleveurs (lait et viande) et deux céréaliers, continue toutefois à travailler en collectif. Il réfléchit même à l’opportunité de développer de nouvelles productions rémunératrices. En plus de la culture historique de lin fibre (70 ha à eux quatre), ils s’intéressent à la betterave sucrière, mais peinent à obtenir des contrats auprès des sucreries locales. La situation se débloque finalement en 2020 et ils en cultivent désormais 80 ha.
Ils se penchent aussi sur la filière pomme de terre dans laquelle des agriculteurs du secteur sont déjà engagés. « Il y a notamment des débouchés pour la pomme de terre de consommation auprès de négociants dans le département voisin de l’Eure-et-Loir », constatent les agriculteurs.
Lancement de la pomme de terre sur 33 ha en 2021
Fin 2020, ils décrochent un contrat de production de pomme de terre féculière de trois ans avec une coopérative de la Somme, ainsi qu’un premier contrat pour de la pomme de terre de consommation à chair ferme vers l’Eure-et-Loir. Ils cumulent ainsi un total de 33 ha dont 14 ha de pomme de terre féculière.
« Cela nous a permis de nous lancer ! » Le groupe se renseigne auprès de la fédération des cuma et prend alors connaissance de la possibilité de subventions à l’achat de matériel par le Fonds européen de développement régional (Feder). Sans attendre, les agriculteurs montent un dossier avec l’aide de la fédération.
Ils rencontrent ensemble quatre constructeurs de matériels spécialisés en pomme de terre, sollicitant des devis pour une arracheuse, une planteuse, une fraise, ainsi qu’un broyeur à fanes et des gaines de ventilation pour la conservation de la récolte.
« Nous n’avons obtenu l’accord pour les subventions qu’en mai 2021, c’est pourquoi nous nous sommes d’abord engagés auprès des concessionnaires de matériel à travers des contrats de location-vente pour la première campagne », précise Arnaud Grisel.
« Notre atout pour la pomme de terre : une force de frappe »
C’est ainsi que la cuma de la Gagnerie est réactivée dans le but d’honorer un investissement total de 286 000 € (dont 180 000 € pour l’arracheuse). Le Feder en subventionne 30 %. L’amortissement est programmé sur neuf ans pour l’arracheuse, sept ans pour le reste.
« Le matériel que nous avons choisi est adapté à la récolte de pomme de terre de consommation, car notre volonté est surtout de développer ce débouché plus rémunérateur », soulignent les agriculteurs. Dès 2022 en effet, les contrats se développent et le groupe compte désormais 55 ha de cultures sous contrats, dont toujours 14 ha de pomme de terre féculière.
Les volumes produits sont de 900 t en pomme de terre féculière et 1 400 t de pommes de terre de consommation collectées en pallox de deux tonnes ramassées chaque jour par camion pendant la saison.
« Nous gérons cette surface et une partie de nos assolements en commun, explique Patrice Romain. Cette force de frappe est l’atout de notre cuma. Au sein du groupe, nous avons chacun des missions spécifiques. Par exemple, je m’occupe de la plantation ainsi que des semis de blé. Arnaud gère les traitements, Gilles l’arrachage, etc. »
La cuma est aussi la structure qui recrute les saisonniers pendant la récolte, à savoir trois personnes par jour pendant cinq semaines.
Société en participation en parallèle
Les quatre exploitations adhérentes de la cuma de la Gagnerie ne regrettent pas leur choix de diversification. La production s’avère intéressante à la fois sur le plan technique et sur le plan des marges réalisées. Elles sont également satisfaites de leur matériel. Les agriculteurs estiment toutefois avoir atteint un plafond en termes de surface cultivée en raison du besoin de main-d’œuvre élevé. « Cette expérience réussie nous donne envie de travailler encore davantage ensemble », reconnaît Patrice Romain.
La récolte des betteraves sucrières est assurée par une ETA, de même que l’arrachage du lin. Concernant le matériel de retournage et de pressage du lin, encore en propriété individuelle, il pourrait à l’avenir être renouvelé dans le cadre de la cuma.
En 2022, les agriculteurs ont également créé en parallèle une société en participation (Sep) pour la mise à disposition de terres entre eux et l’achat en commun des intrants. Ils demeurent en veille sur d’autres évolutions susceptibles de faire progresser leur collectif.
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