Comment préserver la compétitivité des exploitations agricoles ? La fragilisation économique des exploitations spécialisées en productions de céréales et d’oléo-protéagineux, se confirme. Lors de la «Journées Constructeurs» du 1er décembre dernier, Yannick Carel et Geoffroy Oudoire (Arvalis, Institut du Végétal) ont présenté plusieurs chiffres-clés. Dont le résultat courant avant impôts par actif non salarié de la moyenne des exploitations SCOP françaises.
Sur les dix dernières années, celui-ci oscille en moyenne autour de 18.000€. Avec de fortes variations entre les années très positives (2010 à 2012), et d’autres très négatives (2016). Si on braque la focale d’observation sur les cinq dernières années, le bilan s’assombrit encore. Car en moyenne, le revenu courant n’est plus que 10.000€ par actif non salarié !
Préserver la compétitivité des exploitations : une situation préoccupante
L’étude compétitivité SCOP conduite par Arvalis avec ses partenaires (*), décortique les résultats économiques observés à l’échelle de la région Centre pour les années 2013 à 2015. En outre, plusieurs diagnostics d’exploitations «grandes cultures» (céréales et oléo-protéagineux) ont été effectués dans les différentes zones de production de la région classées en quatre catégories selon leur niveau de fertilité (de 70-80 q/ha à 50-60 q/ha).
Les analyses des comptabilités, conjuguées aux enquêtes menées chez des agriculteurs et d’autres acteurs du territoire, attestent d’une situation jugée «préoccupante». En effet, les revenus disponibles vont de 45.800€/ UTANS (**) pour les exploitations qui s’en sortent le mieux, à -17.700€ pour les moins performantes ! Les auteurs de l’étude constatent : «une forte variabilité de revenu disponible intra-zones» en constatant la présence d’agriculteurs plus performants «dans toutes les zones, mais moins nombreux en zone à plus faible potentiel».
Meilleure productivité du travail et meilleurs rendements
Alors, pourquoi de tels écarts ? Quatre principaux facteurs discriminants sont pointés. Tout d’abord, une productivité du travail plus élevée (ha/actif et tonnes équivalent blé/actif). Ensuite, des rendements plus élevés à potentiel «équivalent» (+12%). Puis, des surfaces plus importantes (+12%). Enfin, des produits cultures par hectare et par UTANS** plus élevés (+25%).
L’efficience des charges (intrants et/ou mécanisation-main d’œuvre) est donc inégale entre exploitations.
Niveau d’intrants identique et rendements différents
L’étude d’Arvalis souligne la remarquable capacité d’adaptation de certains producteurs aux aléas climatiques, économiques ou réglementaires. Adapter ses apports d’intrants au potentiel de production, tout en gérant les risques climatique et économique, devient une nécessité absolue dans un contexte difficile.
D’ailleurs, l’Institut du Végétal est parvenu à chiffrer les marges économiques que procure en moyenne cette agilité du chef d’exploitation, capable de moduler à bon escient ses intrants en fonction des conditions climatiques annuelles. «Dans le contexte actuel, pour certaines exploitations, c’est un enjeu de 40 à 50€/ha, pour un niveau de risque équivalent». (De 50 à 75 € si on s’adapte aux conditions climatiques des années 2013-2015).
Préserver la compétitivité des exploitations : agrandissement, délégation, prestation, mutualisation… Quel levier ?
Enfin, la dernière phase de l’étude évalue, parmi d’autres leviers, des scénarios pertinents pour un producteur céréalier, désireux de gagner en productivité (tonnes produites par actif) et de bénéficier d’économies d’échelle liées à la surface en charges de mécanisation (montant investi/ha travaillé).
A partir d’une situation de départ correspondant à une exploitation «moyennement performante», trois hypothèses d’évolution ont été testées. (A risque climatique équivalent.)
1) Adaptation de l’exploitation, à surface constante.
2) Augmentation de surface, à moyens constants.
3) Regroupement des moyens (mise en commun du matériel et de la main d’œuvre) de plusieurs exploitations (entre 3 – 4 unités de production ou 6 – 8).
Ces hypothèses sont détaillées dans la tableau ci-dessous.
* MO travaillant = salariés + MO familiale
* Hors cotisations sociales exploitant et rémunération main d’œuvre familiale incluse (16 k€), EBE : Excédent Brut d’Exploitation, MN : Marge Nette
Assolement en commun, des gains économiques intéressants
Clairement, le regroupement des moyens d’exploitations avec assolement en commun et mutualisation intégrale du parc de matériel, génère les gains économiques les plus importants. Cette hypothèse conjugue les avantages suivants. Tout d’abord une réduction considérable des investissements matériels de 3.300–4.000 €/ha à 1.500 -2.500 €/ha. Ensuite, une efficience supérieure du temps de travail. Ce dernier conduit à réduire le nombre d’unités de travail intervenant sur les exploitations regroupées de 3,6 à 2 unités (regroupement entre 3 – 4 exploitations) et de 7,2 unités à 3 (regroupement entre 6 et 8 exploitations). Enfin, la mutualisation possible des risques.
La conjugaison de ces facteurs explique l’augmentation considérable des revenus pour chaque unité de travail continuant à intervenir sur l’exploitation. Ainsi, ce constat amène naturellement à se poser la question sur la manière dont on pourra ultérieurement valoriser le temps de travail «libéré», autrefois affecté à l’activité de production.
(*) Chambre d’agriculture Centre Val de Loire , CER Alliance Centre Indre et Val de Loire, groupe Accompagnement & Stratégie, Crédit Agricole CAR Centre & CASA, Fnsea, avec l’appui financier de la Région Centre Val de Loire.
(**) UTANS : Unité de Travail Agricole Non Salarié.
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