Aujourd’hui présidente de la cuma des Vignerons de Pouillé, Ludivine Marteau a d’abord suivi un cursus dit classique. Après un BEP et un bac pro CGEA vigne et vin à Amboise en Indre-et-Loire, suivi d’un BTS technico-commercial Vins et Spiritueux à Angoulême en Charente, elle part à l’étranger pour parfaire son anglais. Elle est restée un an aux États-Unis et un an en Israël. À la suite du décès de sa mère, elle rentre en France et devient aide familiale sur le domaine viticole pendant un an et demi, jusqu’au départ à la retraite de son père. Elle a 27 ans lorsqu’elle s’y installe officiellement en tant que femme vigneronne en 2010, avec son frère.
Quatrième génération de vignerons pour Ludivine Marteau, femme vigneronne
L’exploitation familiale est située à Pouillé, en plein cœur de la vallée du Cher. Appartenant à la quatrième génération de vignerons, ils exploitent tous les deux 20 ha de sauvignon, 4 ha de gamay et environ 5 ha de cépages différents comme le côt, le cabernet franc, le pineau d’Aunis, le chenin ou le chardonnay. « En 2020, mon frère a décidé de quitter le domaine pour un nouveau projet de vie, raconte Ludivine Marteau. J’ai donc racheté ses parts. Je suis maintenant seule gérante avec trois salariés en équivalent temps plein. »
En plus de gérer notamment la commercialisation, France et export, les tâches administratives, la logistique et la préparation des commandes, elle est désormais en charge de la vinification des vins. « J’ai étoffé un peu mon poste qui ne se limite pas à la comptabilité et la commercialisation, précise-t-elle. Pour gérer les ventes à l’export, (60 % des vins commercialisés en dehors de la France), ma formation et mon parcours prennent sens. »
Répartition des tâches
Ludivine Marteau maîtrise parfaitement l’anglais, qu’elle utilise quasiment tous les jours pour son travail. « Cela me permet d’être autonome dans mes relations avec mes clients à l’export, au quotidien ou lors de mes visites de fidélisation, indique-t-elle. Ce sont mes employés qui gèrent les travaux viticoles. Cette réorganisation de l’entreprise a été un challenge personnel et aussi pour l’équipe entière. Après quelques années de recul, nous pouvons dire que nous nous sommes construits et épanouis tous ensemble. Nous avons lancé de nouveaux projets comme l’achat d’un robot électrique autonome pour aller vers l’arrêt des herbicides. »
Renouveler le matériel… ou pas
Ludivine a repris la présidence de la coopérative en 2021 avec deux gros dossiers à gérer. D’abord le renouvellement du filtre tangentiel qui avait une dizaine d’années : « À cette époque, nous ne filtrions plus que 8 500 hectolitres pour un coût de 1,20 €/hl contre environ plus de 12 000 avant, avec un gros domaine qui a finalement acheté son filtre tangentiel en 2020. Le matériel vieillissait avec des factures de réparation entretien oscillant entre 1 500 et 2 000 € par an. »
Ils décident donc de le changer malgré un volume de filtration à la baisse en 2022 (suite au gel de 2021) et en 2023 (un peu moins de 4 000 hl filtrés). « Nous avons déposé, avec l’aide de la frcuma, un dossier de subvention France Agrimer OCM viti, poursuit la présidente. Nous avons obtenu plus de 19 500 € d’aide. Avec la reprise de l’ancien filtre, nous allons essayer de maintenir des prix compétitifs pour nos adhérents, surtout par rapport aux prestataires qui sont à environ 4,50 €/hl pour certains. »
Deuxième dossier, l’arrêt de l’activité vendange : « À l’origine, la MAV G86 a été achetée en 2008 pour cinq adhérents. Depuis plusieurs années, seul un adhérent l’utilise. Il a donc fallu gérer le devenir de cette activité. Finalement, après plusieurs estimations, le CA a décidé de vendre la machine à l’adhérent utilisateur. »
Difficulté à recruter des salariés
« Mes satisfactions dans la cuma sont de faire avancer le collectif dans le même sens en parvenant à fédérer tous les vignerons de Pouillé, souligne Ludivine Marteau. Même si nous sommes une petite cuma, il n’y a pas de raison que cela s’arrête. Nous avons du matériel récent à des coûts raisonnables. »
La frcuma apporte son aide d’un point de vue juridique et économique, avec des prévisionnels de coûts de revient et le montage des dossiers de subvention. « La cuma est un véritable lieu d’échanges entre vignerons, se réjouit la vigneronne. Aucun viticulteur n’est isolé, c’est le prolongement du comité d’entraide des vignerons qui existait à l’époque. »
Parmi les difficultés, Ludivine mentionne le manque de roulement au sein du bureau. « Nous sommes restés un an avec un administrateur qui avait la double casquette de président et trésorier, avant que je reprenne la présidence. Sur mon exploitation, les principales difficultés sont les problèmes de recrutement de salariés, notamment des salariés « sérieux ». On va avoir un problème de renouvellement de mes salariés actuels », pronostique-t-elle.
Pas de clivage homme/femme selon la présidente et femme vigneronne
Seule femme sur l’exploitation, elle ne ressent pas pour autant de difficulté. « Quelquefois, les commerciaux ou fournisseurs qui ne me connaissent pas vont voir mes salariés, croyant que ce sont eux les chefs d’exploitation, ajoute-t-elle, amusée. Sur les salons ou festivals, les clients sont toujours agréablement surpris de voir une femme vigneronne. Cela éveille leur curiosité. Et au sein de la cuma, il n’y a aucune difficulté à être une présidente. Nous sommes d’ailleurs plusieurs adhérentes. La plupart des adhérents étant du même village et quasiment du même âge, nous nous connaissons depuis plusieurs dizaines d’années. »
Ludivine Marteau est également coprésidente de l’appellation Touraine Chenonceaux avec une autre vigneronne. Elle est aussi responsable de la communication du même syndicat. « Comme quoi, dans le secteur viticole, il n’y a pas ce clivage homme/femme : presque 50 % des vigneronnes sont impliquées dans le syndicat, constate-t-elle. Et il y a une majorité de femmes dans le bureau. Nous avons tous un but commun : la défense d’un territoire commun et d’une appellation commune. »
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