Des défis ? Le collectif agricole y répond

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Des défis ? Le collectif agricole y répond

Le collectif apporte des réponses aux besoins actuels de l'agriculture.

Véronique Lucas est sociologue rurale à l’Inrae, au sein de l’unité de recherche Bagap*. Elle observe que le collectif apporte des réponses aux défis de l’agriculture, quels qu’ils soient. L’agriculture collective doit être soutenue. Elle doit en même temps agir.

Quel principal défi l’agriculture doit-elle aujourd’hui relever ?

« Le premier défi de l’agriculture, c’est la démographie. La vague de départs est là. Ce mouvement va se prolonger sur la prochaine décennie. Particulièrement depuis 5 ans, à peu près 20 000 agriculteurs sortent du métier chaque année. Or seulement deux sur trois sont remplacés. En Pays de la Loire, le rythme n’est même que d’une installation tous les deux départs. »

Est-ce parce que l’agriculture n’intéresse plus ?

« Si, parce qu’en réalité, chaque année, 20 000 candidats se présentent aussi aux portes de l’installation. Le fait que seulement 13 000 projets se concrétisent souligne que le renouvellement des agriculteurs rencontre pas mal d’obstacles. L’accès au foncier en est le principal. Les cédants n’anticipent pas suffisamment cette question. Il y a souvent une inadéquation entre ce qu’ils proposent et la capacité des repreneurs. »

Connaît-on des solutions ?

« Transmettre à plusieurs agriculteurs ou à un collectif est une idée qui apparaît particulièrement logique. Des organisations comme les Civam ou Terre de liens l’appuient auprès des instances politiques et les collectivités commencent à s’en saisir… Sur le terrain, de plus en plus de ces exemples existent. Ce sont des repreneurs qui s’associent ou qui suggèrent l’idée d’une reprise partielle. Il y a même des cédants qui prennent l’initiative de diviser leur exploitation. »

Dans quelle mesure les cuma pourraient-elles agir ?

« Un constat est que peu d’accompagnement des cédants existe. Ils sont seuls face à cette question et des groupes d’échanges commencent à se constituer. Les cuma pourraient aussi organiser ce type de discussions en leur sein. Dans tous les cas, ce n’est pas seules qu’elles relèveront le défi. Si l’on veut faciliter la reprise des exploitations, il faut aussi que le cadre politique, la fiscalité… le favorisent. »

Véronique Lucas, sociologue rurale

Véronique Lucas, sociologue de l’unité de recherche Inrae Bagap.

Quels autres défis peut-on évoquer ?

« La dimension sociale, car nous constatons d’une part que le travail de la profession agricole s’intensifie. En même temps, les agriculteurs aspirent plus qu’avant à disposer de temps personnel. Le temps de travail est en effet un problème criant. Une solution évidente est la délégation. Les cuma ont donc à travailler sur l’attractivité de leurs métiers. Elles ont des atouts, dans le sens où elles offrent les meilleures conditions de travail du secteur agricole, mais elles ont encore des efforts à faire, y compris pour le recrutement de femmes.

Répondre à cet enjeu du temps de travail se lie par ailleurs à la démographie. Car réussir le renouvellement des actifs est un moyen de contrer l’agrandissement des structures qui, aujourd’hui, n’apporte plus de gain de productivité en agriculture. »

On ne parle pas d’écologie, par exemple ?

« La diversification des systèmes est favorable à l’agroécologie. Cela demande du matériel plus diversifié, qui doit néanmoins rester performant. Or c’est là tout l’objet des cuma. On peut aussi évoquer un défi technologique en prenant l’exemple du désherbage mécanique : l’investissement collectif ouvre un accès à la technologie qui améliore le confort de travail et l’efficacité sur ces chantiers. Mieux : tout le monde n’est pas à l’aise avec ce type d’interventions. C’est un avantage indéniable de disposer de main-d’œuvre experte pour les réaliser. »

Auriez-vous un conseil à destination des cuma ?

« Trop d’agriculteurs ne viennent pas en groupe uniquement parce qu’ils ne savent pas ce qu’il s’y passe et comment cela fonctionne. Au-delà des systèmes de production, le public des installés est très varié, en termes d’expériences professionnelles ou d’aspirations, par exemple. Les cuma ont donc tout intérêt à aller voir les gens qui s’installent pour se présenter.

Par ailleurs, elles doivent organiser un espace où chacun peut exprimer son besoin. Trop d’adhérents ne le font pas parce qu’ils pensent que la cuma ne pourra pas y répondre. Écouter, comme aller à la rencontre sur le territoire des nouveaux installés, c’est peut-être aussi identifier un besoin différent. Car la vocation des cuma est d’y répondre et de gérer de l’hétérogénéité. »

* Biodiversité, agroécologie et aménagement du paysage

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