Dans le Sud, le cri d’alarme des producteurs

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Dans le Sud, le cri d’alarme des producteurs

Les cultures sont à l'arrêt, tout comme les ventes...

Des fraises écoulées à moitié prix pour ne pas jeter, des asperges invendues qui s'entassent dans le frigo: en ces temps de confinement lié au coronavirus, les consommateurs délaissent ces produits printaniers et Jean Bélenguier, agriculteur provençal, lance un "cri d'alarme".

« Aujourd’hui, la peur réelle est de devoir jeter des fraises. Le marché de gros en France et à l’étranger est quasiment inexistant depuis une semaine. On passe vraiment un appel aux gens d’acheter les produits français pour qu’on ne se retrouve pas à jeter », lance ce cultivateur de 29 ans installé sur une exploitation familiale à Raphèle, sur les collines près d’Arles (Bouches-du-Rhône).

Car jeter une production sur laquelle on a veillé pendant des semaines, pour laquelle ont été investis des centaines de milliers d’euros, est un crève-coeur pour tout agriculteur, mais aussi une question grave d’équilibre financier pour cet homme dont fraises et asperges sont les deux principales productions.

Aujourd’hui, dans le hangar à côté des serres, la ligne de tri pour les asperges est à l’arrêt. « On ne récolte plus car on ne vend pas », explique Jean Bélenguier, qui ne cache pas « avoir peur de la suite ». Dans le frigo, une tonne et demie attend preneur. Avant l’épidémie de coronavirus qui frappe particulièrement l’Europe, il exportait en Suisse en plus de la vente en France, mais tout s’est arrêté.

Dans les champs, dans les « jardins suspendus » à hauteur d’homme, des fraises rouges pointent entre les feuilles. « La fraise, quand elle est mûre, il faut la ramasser et dans les 24 heures il faut qu’elle soit vendue, on peut pas la garder » comme d’autres fruits, explique cet agriculteur.

Mais les consommateurs boudent ces premiers fruits rouges du sud de la France.

« Pas le coeur » au printemps

« Les asperges et les fraises souffrent le plus. Ce sont des produits de fête, des produits du printemps, mais aujourd’hui avec ce qui se passe avec l’épidémie, les gens n’ont pas le coeur à ça », explique à l’AFP William Mourier du magasin de fruits et légumes Champ de Florette, à Pont-de-Crau, un village voisin.

La clientèle continue de venir chez ce marchand de primeurs qui a mis en place des mesures sanitaires strictes: désinfection systématique des paniers, lavage du sol à répétition et prises de commandes par téléphone pour ceux qui veulent passer le moins de temps possible dans la boutique. Mais les clients préfèrent les productions vues comme de première nécessité, pommes de terre, bananes, etc…

Dans tout le sud de la France, l’inquiétude monte. Dans le Tarn-et-Garonne, à Saint-Michel-Auvillar, Eric Moncouet, un maraîcher de 51 ans, se demande comment il va écouler sa production d’asperges et de fraises alors que certains marchés ont fermé. « Si les gens ne peuvent pas se déplacer pour venir acheter à la ferme, si on ne peut pas vendre sur les marchés, qu’est-ce qu’on fait ? On laisse tout pourrir ? »

« Il y a déjà eu des fraises jetées à cause de la mévente. On est très pessimistes », renchérit Dominique Begnis, président de la confrérie de la fraise de Carpentras, qui regroupe une centaine de producteurs et acteurs de la filière dans le Vaucluse. Car la faible demande a fait chuter les prix.

« On vend à moitié prix, parfois moins », se désole Jean Bélenguier en regardant ses barquettes de gariguettes, ciflorette et cléry rouge vif. Certaines variétés vendues habituellement huit euros en début de saison se négocient à 4 voire 3,5 euros le kilo.

Et la suite de la saison apparaît très incertaine en raison du confinement: des saisonniers du Maroc et de Roumanie qui devaient compléter son équipe sont bloqués en raison de l’épidémie. Trouver des masques est un casse-tête.

Egalement producteurs à Arles, Louis et Nadine Nay appellent aussi les consommateurs à soutenir les produits agricoles français. Il tablent déjà sur un mois de perdu sur une récolte qui en dure deux voire trois, un coup très dur. Mais « il faut relativiser », lâche Louis, « il y a des gens qui sont sur des lits d’hôpital et ils s’en sortiront jamais ».

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