Mercredi, l’Allemagne a interdit l’entrée sur son territoire de ces travailleurs saisonniers étrangers, malgré l’opposition des organisations agricoles du pays. En cause : l’épidémie de coronavirus. Une décision qui pèse sur les récoltes. « Ces limitations sont indispensables pour ralentir la propagation de l’infection », a expliqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur. Cette interdiction s’applique même aux ressortissants des États membres de l’Union européenne, notamment la Roumanie et la Pologne, qui fournissent le plus gros contingent de travailleurs saisonniers dans les exploitations agricoles allemandes.
Champs déserts
« En ce moment, nous n’avons que dix travailleurs saisonniers. Or nous aurions besoin de soixante personnes à temps plein pour tout ramasser », déplore Thomas Syring, exploitant agricole de Beelitz, une localité située près de Berlin et connue pour ses asperges.
« La situation est très tendue pour nous autres, agriculteurs », raconte celui dont les champs sont pratiquement vides depuis plusieurs jours.
Seuls quelques saisonniers arpentent ça et là son exploitation de 900 hectares, s’attelant à préparer la récolte des asperges, les recouvrant de bâches blanches, avant leur sortie de terre, prévue dans les prochains jours.
En majorité roumains, les travailleurs se rendant habituellement dans sa ferme sont dans l’impossibilité d’atteindre l’Allemagne, bloqués par la fermeture des frontières.
Cette situation est loin d’être isolée: seule la moitié des 5.000 travailleurs étrangers normalement embauchés dans la région à cette période de l’année sont sur place, selon les organisations locales de producteurs.
L’Allemagne accueille chaque année près de 300.000 saisonniers étrangers pour son secteur agricole, totalement dépendant de cette main d’oeuvre, selon Udo Hemerling, secrétaire général de la DBV, principale organisation agricole du pays.
Les paysans doivent assurer les récoltes de plusieurs cultures maraîchères et fruitières essentielles dans les prochaines semaines, dont les fraises et les asperges.
Démarrage prometteur
Le problème se retrouve dans de nombreux pays européens avec l’arrivée du printemps et concerne toutes sortes de récoltes.
En Suisse, où les travailleurs saisonniers doivent désormais disposer d’un permis de séjour pour être recrutés, les organisations agricoles se sont récemment inquiétées. Quelque 33.000 étrangers travaillent chaque année dans les champs du pays.
En Autriche, une plateforme de recrutement pour les intérimaires ayant perdu leur travail à cause du coronavirus a été lancée par le gouvernement pour recruter des saisonniers en urgence.
Face à la situation, la ministre allemande de l’Agriculture Julia Klöckner a émis l’idée de faciliter l’emploi des personnels de la restauration, des chômeurs mais également des migrants pour prêter main forte aux agriculteurs.
Cette dernière éventualité nécessite cependant un changement législatif. Le ministre de l’Intérieur, le conservateur bavarois Horst Seehofer a promis « d’examiner dès maintenant » la question, en concertation avec les régions allemandes.
Lundi, le gouvernement a annoncé un allègement de certaines obligations administratives et sociales pour l’embauche des saisonniers sur le marché du travail allemand, et a mis en place une plateforme en ligne mettant en relation demandeurs d’emplois et exploitants agricoles.
Le secteur a besoin de « 30.000 personnes » immédiatement et « 85.000 en mai », selon Mme Klöckner.
Cette plateforme a connu un démarrage prometteur, selon la ministre. Mardi soir, plus de 16.000 personnes s’étaient inscrites pour apporter leur aide aux agriculteurs, a-t-elle affirmé.
Mais les agriculteurs redoutent que l’apprentissage du métier ne prenne trop de temps.
« Si pour un Roumain ou un Polonais entraîné depuis des années je dois embaucher cinq Allemands, ce n’est pas la peine », déplore Thomas Syring.
En France, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a lancé mardi un appel « à l’armée des hommes et des femmes » qui « n’ont plus d’activité » en raison de la crise du coronavirus, « à rejoindre la grande armée de l’agriculture française », elle aussi en quête de main-d’oeuvre.
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