Entraid : Quels enjeux représentent les économies d’énergie en irrigation ?
Claire Wittling : L’énergie représente plus de 50 % du montant total d’une facture d’irrigation. Et, avec la crise actuelle, le ressenti est d’autant plus fort. Les agriculteurs cherchent donc à réduire le poste irrigation de leur facture via une diminution de leur consommation d’énergie.
Qu’est-ce que l’efficience énergétique ?
C.W. : C’est le rapport entre l’énergie utilisée pour amener l’eau aux cultures et l’énergie produite par la station de pompage. Mesurée en kilowattheure, la consommation énergétique peut être ramenée à l’hectare irrigué, au volume d’eau appliqué ou au rendement de la culture. Cela donne donc des kilowattheures par hectare, par mètre cube d’eau, voire par kilogramme de production agricole.
Les irriguants sont-ils énergétiquement efficients ?
C.W. : Malgré leurs efforts, ils disposent de marges de progrès.
L’une des marges de progrès concerne l’efficience de l’eau d’irrigation. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
C.W. : L’eau transportée par le système d’irrigation a un coût énergétique. Ainsi, toute économie d’eau entraîne une économie d’énergie. Il existe deux leviers. Le premier vise à réduire les pertes en eau par les pratiques culturales. L’objectif consiste à améliorer la rétention de l’eau dans le sol. Le second levier porte sur l’amélioration des équipements d’irrigation. Il agit sur la réduction des pertes d’eau qui sont liées à plusieurs facteurs. Concrètement, on limite les fuites dans les canalisations, les dérives aériennes dans un jet de canon, le ruissellement de surface, l’évaporation ou le drainage profond. En réduisant ces pertes d’eau, le volume transporté sera moins important, d’où une économie d’énergie.
Quels sont ensuite les leviers pour améliorer l’efficience énergétique de l’installation d’irrigation ?
C.W. : Ils sont au nombre de trois. Le premier concerne la pompe. Celle-ci doit être bien dimensionnée afin que l’énergie fournie soit en rapport avec celle requise par le matériel d’irrigation afin d’éviter le gaspillage. Par ailleurs, un variateur permet d’adapter la vitesse de rotation de la pompe au besoin du matériel d’irrigation. Le deuxième levier concerne les canalisations qui amènent l’eau de la pompe à la parcelle. Leur dimensionnement et leur entretien doivent prévenir les encrassements et les fuites. Le troisième levier est relatif aux systèmes d’irrigation dans la parcelle. Un canon enrouleur nécessite une pression de 7 à 10 bars, contre 6 à 7 bars pour une couverture intégrale par exemple. Le fonctionnement d’un pivot se fait quant à lui entre 3 et 6 bars tandis qu’il n’en faut que 1 à 3 pour un goutte-à-goutte.
Autrement dit, un canon demandera plus d’énergie qu’un dispositif de micro-irrigation. On peut aussi économiser de l’énergie en changeant uniquement une partie du système d’irrigation. Par exemple, remplacer les asperseurs traditionnels d’un pivot par des asperseurs basse pression. Sur les canons, il faut bien choisir le diamètre de la buse ou celui du tube en polyéthylène de l’enrouleur. Or les agriculteurs ont tendance à choisir des buses de grandes tailles. Le débit est plus élevé et le tour d’eau dure moins longtemps, d’où une souplesse d’organisation. Mais plus le diamètre de la buse est grand, plus on perd de charge. Donc, plus l’énergie requise est importante.
Ces leviers ont-ils un coût élevé ?
C.W. : Passer d’un enrouleur à un goutte-à-goutte représente un coût. Changer les asperseurs de son pivot a également un coût. Mais quand on change un vieux système d’irrigation, il faut profiter de l’opportunité pour investir dans un dispositif moins énergivore.
Réduire sa consommation d’énergie est-il possible à la fois sur les installations individuelles et collectives ?
C.W. : Oui. Sur une installation individuelle, s’il gère tout de la pompe à sa parcelle, l’irriguant peut agir sur l’ensemble des leviers. Avec un réseau collectif, l’agriculteur ne peut agir qu’au niveau de la parcelle. Mais, même dans ce cas, des économies d’énergie sont possibles. En 2020, nous avons publié un document intitulé Potentialités d’économies d’énergie et de main-d’œuvre au travers de la modernisation des systèmes d’irrigation. Nous y démontrons qu’un irriguant en réseau collectif passant d’un canon enrouleur à un goutte-à-goutte économise 50 % d’énergie. Sur une installation individuelle, cette économie peut atteindre 70 %.
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* Claire Wittling travaille à la plateforme de recherche et d’expérimentation en sciences et techniques de l’irrigation de Montpellier.