Les foires aux vins 2019 ont déjà débuté fin août chez certains distributeurs et se termineront fin octobre. Elles devront faire oublier une édition 2018 décevante, avec des ventes en recul de 2,1% en valeur et de 4,4% en volume, et ce malgré une hausse du nombre de références dans les catalogues, selon le cabinet Nielsen.
Chez le seul Carrefour, la foire aux vins d’automne 2018 avait représenté un chiffre d’affaires de 103 millions d’euros, en repli de 4%.
Néanmoins, cet événement reste incontournable puisqu’il représente près de 25% des ventes annuelles du rayon vins de la grande distribution, qui mise, pour attirer le consommateur, sur une plus grande diversité de son offre.
Au détriment de l’appellation d’origine protégée (AOP) bordeaux, dont le panéliste Iri évaluait la chute des ventes à fin avril à 13% en volume et à 1,9% en valeur sur un an, dans le magazine spécialisé LSA fin août.
Pour Michel Biéro, directeur exécutif achats et marketing Lidl France, « on vend effectivement moins de bordeaux qu’il y a cinq ans ». Ce que confirme à l’AFP Audrey Sonnendrecker, directrice du marché vins pour Carrefour France: « En 2005, la part du bordeaux dans tous les catalogues des foires aux vins était de 41%, elle est de 33% aujourd’hui ».
Rapport qualité-prix
« Il y a 20 ans, on achetait dans les foires aux vins de grands bordeaux à prix cassés, à présent on trouve plutôt des seconds vins à prix plus accessibles », souligne pour sa part Thierry Desseauve, du guide Bettane et Desseauve.
Mais pourquoi la reine des appellations est-elle devenue aussi mal aimée ?
« Parce qu’ils ne font rien pour inverser la tendance », indique à l’AFP M. Biéro, qui leur trouve un côté « Calimero », le poussin de dessin animé des années 1960-70 touché par un syndrome de persécution. « Pour eux, le bordeaux est le meilleur du monde, donc il doit se vendre le plus cher et ils n’y dérogent pas ».
Or, à un moment donné, le consommateur français ne peut plus suivre. « Aujourd’hui, il est peut-être prêt à acheter plus cher son litre de lait, ou sa viande pour aider un éleveur », mais pas son vin, souligne M. Biéro.
D’autant que l’amateur de bonnes bouteilles souhaite, comme pour sa nourriture, consommer moins mais mieux. Et que face au bordeaux, d’autres appellations ont su prendre le virage du bio, de la biodynamie, du « sans sulfite ajouté » ou de la certification « HVE » (haute valeur environnementale), sans mégoter sur un bon rapport qualité/prix: le Languedoc, l’Alsace, la Loire, les côtes-du-rhône etc.
Une consommation différente
Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) a de son côté précisé qu’en 2018, 60% des surfaces de son vignoble étaient certifiées par une démarche environnementale, et que l’AOP était la première vendue en bio, « avec 31% du volume et 29% du chiffre d’affaires en grandes et moyennes surfaces ».
« Le marché s’est vraiment transformé en l’espace de dix ans: le rouge a baissé de 10% quand les rosés ont bondi de 10% et les blancs de 4-5% », relève pour sa part Audrey Sonnendrecker: deux types de vins « moins complexes en termes de goût et de dégustation », que consomment notamment les « millennials lors d’apéritifs dînatoires ».
Or, Bordeaux produit à 90% du rouge, d’où une appellation beaucoup plus touchée que les autres par cette mutation.
Et puis, ajoute la dirigeante de Carrefour, « grâce à des packagings et des formats de bouteilles beaucoup plus modernes, les autres appellations ont su capter l’air du temps », quand les bordeaux s’en tiennent encore à des étiquettes plus traditionnelles, notamment. Or les foires aux vins, c’est aussi l’occasion de « raconter une histoire et de faire découvrir des pépites ».
« Aujourd’hui, ce sont les vins naturels qui tirent la croissance du secteur et soutiennent les volumes », selon Mme Sonnendrecker. Carrefour proposera ainsi cette année 280 vins naturels (bio, sans sulfite, « HVE » etc…) sur un total de 1.650, soit « 80 de plus que l’an dernier ».