« Les Bordeaux étaient connus et archiconnus, la Bourgogne pareil alors que la Loire restait à découvrir. A New York, il y a une vraie démarche des liquor stores et des restaurateurs pour aller à la découverte de choses inconnues: ce sont eux qui font aussi les tendances et ça a bénéficié à la Loire », observe Bernard Jacob, directeur général du négoce chez Orchidées Maisons de vins, branche du géant coopératif Terrena spécialisée dans l’élaboration et le négoce de vins de Loire.
En dix ans, les exportations des blancs ligériens sur le marché américain ont doublé, bondissant de 42 millions à 86 millions d’hectolitres, soit 11,4 millions de bouteilles vendues l’année dernière, selon les chiffres de l’organisme interprofessionnel InterLoire. Et la valeur a triplé pour atteindre 67 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018, synonyme d’une montée en gamme.
Cette percée ne représente certes qu’un quart de la production totale, mais témoigne du dynamisme de cette filière viticole, dont les meilleurs cuvées seront récompensées jeudi à Nantes lors du Concours des vins du Val de Loire.
A l’autre bout de la chaine, les consommateurs se montrent friands des vins blancs ligériens: le Sancerre caracole en tête, devant les vins à base de sauvignon voire de chenin, cépage emblématique du Val de Loire, sans oublier le muscadet. « Les arômes plaisent, cet équilibre entre la matière et l’acidité, ce sont des vins digestes, qui ne sont pas trop lourds » et collent aux nouvelles tendances de consommation hors des occasions particulières, avance Bernard Jacob.
Le grand export est de plus en plus considéré comme un réel débouché par les vignerons de Loire qui constatent, comme l’ensemble des acteurs viticoles français, le repli du marché intérieur d’un côté et le boom de la consommation aux États-Unis, leader mondial, de l’autre.
« on vend un paysage »
Face à ce constat, impensable d’être « la vache qui regarde passer le train », il faut « bouger et se donner les moyens » de se faire sa place aux États-Unis, malgré la concurrence et la réglementation propre à chaque État, explique Fred Niger, vigneron au Landreau (Loire-Atlantique), dont 80% des vins produits en biodynamie s’écoulent à l’étranger, Amérique du nord en tête.
La plupart des vignerons ou négociants se rapprochent d’un importateur national, qui rentre leurs références dans un catalogue qu’il propose ensuite à des distributeurs par État. « Moi j’ai pris une autre option: je travaille directement avec un distributeur par État, ça demande beaucoup plus de temps, mais je ne suis pas juste un numéro sur un portefolio », explique M. Niger qui passe un mois par an sur place, loin de son exploitation de 23 hectares.
La Californie, le Texas, Chicago et New York font partie de ses destinations récurrentes, où il vise le haut de gamme – restaurants étoilés, adresses gastronomiques et cavistes pointus – avec patience et détermination. « Il y a des états où je suis allé une, deux, trois fois et je ne vendais pas une quille, au bout de dix ans je fais plusieurs palettes: il faut pénétrer le marché et après il faut l’animer », soutient-il.
Mais pour prétendre à exister au pays de l’Oncle Sam, les investissements doivent se construire sur le long terme, rendant incontournables les salons, dégustations et autres opérations de promotion.
Aux yeux de Bernard Jacob, dont le groupe a placé les États-Unis comme le premier de ses marchés prioritaires dans le monde, « il y a encore des marges de manoeuvre » car les consommateurs américains « ont envie de découvrir autre chose ». En ce sens, « le système français des appellations est vraiment intéressant car on ne vend pas qu’un cépage, on vend une histoire, un paysage, une culture ».