Les vendanges bordelaises commencent ces jours-ci. « La récolte est inférieure à la normale mais moins catastrophique que prévu. Il y a un beau potentiel », constate la chambre d’agriculture de la Gironde. « C’est une année compliquée à cause du mildiou virulent et aux calamités climatiques. Le temps sec d’août et début septembre a permis d’assainir la situation sanitaire et globalement de permettre une maturité du raisin. »
Après une très petite récolte l’année dernière due au gel (-40%), les vendanges 2018 s’annonçaient prometteuses jusqu’au printemps. Toutefois, les orages de grêle en mai et juillet ont touché 10.000 hectares sur un total de 114.000. Ces surfaces sont localisées dans le Médoc, les Graves, le Sauternais, l’Entre-Deux-Mers et plus particulièrement, Blaye et Bourg.
Beaucoup de mildiou, beaucoup de traitements
Le mildiou, lui, a fait beaucoup plus de ravages. Toutes les appellations ont été concernées, jusqu’au bassin méditerranéen. Du jamais vu depuis 50 ans de mémoire de viticulteurs bordelais.
Cette moisissure, due aux fortes pluies du printemps et du début de l’été, a nécessité des traitements plus nombreux que d’habitude. « La pression du mildiou jusqu’à mi-juillet a été exceptionnelle. C’est la conjonction de précipitations et de températures douces à élevées qui a donné cette virulence », explique le consultant viti-vinicole, David Pernet.
Pour les secteurs épargnés et où la situation sanitaire a été maîtrisée, un « très bon millésime » est attendu. Les volumes y seront légèrement supérieurs à la moyenne, selon cet ingénieur agronome.
Des rouges colorés et structurés
Mais pour les vignobles touchés par le mildiou, les rendements seront inférieurs, sans aucune incidence cependant sur la qualité. Aujourd’hui, les pertes restent difficiles à estimer si ce n’est que les châteaux en agriculture biologique et en biodynamie ont particulièrement souffert. Leurs vignes sont plus difficiles à protéger, les traitements étant lessivés par les pluies.
« Une quinzaine de vignerons en bio que nous suivons, a perdu près de 10 à 70% de sa récolte en raison du mildiou. Pour la trentaine de conventionnels, cela va de 0 à 20% de perte », constate David Pernet, également gérant d’une structure de conseil Sovivins.
La sécheresse de l’été a cependant permis de limiter le développement du mildiou sur le feuillage. Elle a favorisé la concentration ainsi que la maturation des tannins. « On pouvait difficilement espérer mieux », se réjouit-il, précisant que le beau temps prévu la semaine prochaine laisse présager « un niveau de maturité intéressant ».
Botritys en embuscade
Ce millésime s’annonce « digne des plus grands », selon certains professionnels. « Qualitativement, ça se présente très bien. Les baies sont plutôt petites et très concentrées avec plus de tannins et d’anthocyanes (un pigment naturel). On va avoir des vins très colorés et structurés, une acidité correcte mais pas élevée », note Philippe Hébrard. Ce dernier est directeur des caves de Rauzan dans l’Entre-deux-mers, une coopérative qui regroupe 300 viticulteurs.
Les vins rouges s’annoncent même meilleurs que les blancs, qualifiés d’aromatiques et équilibrés. Leur récolte, débutée le 22 août, s’achève cette semaine avec du volume et de la qualité au rendez-vous.
Seules craintes pour les vendanges en rouge: la météo avec la menace de foyers de botrytis. Ce champignon qui provoque une pourriture grise, est limité à certains secteurs comme l’Entre-deux-mers.
« On s’oriente vers un très bon millésime mais tout n’est pas encore gagné, prévient M. Hébrard. L’humidité, le brouillard et la rosée du matin sont propices au développement du botrytis. On commence à avoir des parcelles qui sont marquées. »