Le ministre Stéphane Le Foll a indiqué jeudi à Rennes qu’il présenterait dans deux semaines « un plan pour l’ensemble des productions ». 2016 est marquée par un record d’événements climatiques inhabituels, dans un contexte de surproduction et de baisse des cours mondiaux (blé, lait), mettant en péril des exploitations déjà fragiles et endettées. L’agriculture française (près de 500.000 exploitations) cumule cette année une crise structurelle dans l’élevage (lait, viande, porcs), à une crise conjoncturelle qui touche surtout les céréaliers, note une source au ministère.
Outre 100 millions de subventions publiques déjà prévues pour l’élevage, le plan attendu propose surtout une aide au refinancement pour que les agriculteurs puissent restructurer leurs emprunts avec des garanties publiques, car nombre d’entre eux sont considérés comme défaillants en ce moment, explique la même source.
Les producteurs de lait sont touchés de plein fouet par la chute des cours et la surproduction mondiale qui a suivi l’arrêt des quotas laitiers européens en 2013. De nombreux éleveurs ont déjà mis la clé sous la porte. Et les demandes de prime d’activité – l’équivalent du RSA – explosent. L’an dernier, ces demandes ont doublé par rapport à 2014. Pour le premier semestre 2016, la MSA en a enregistré 150.000 alors qu’elle en avait planifié 60.000 pour l’année. Si 5% des fermes disparaissent par an, dans le secteur laitier, le nombre de fermetures va doubler cette année, estime la FNPL (fédération nationale des producteurs laitiers). Et 82.000 vaches laitières devraient disparaître. Dans l’élevage, l’embargo russe a eu un impact très négatif sur les exportations de viande. Et même si les cours du porc sont remontés, la crise porcine de 2015 a laissé des traces. « Mon exploitation était déjà endettée à 70%, mais comme je n’avais pas pu vendre mes porcs l’hiver dernier, je me suis tournée vers mon banquier pour vivre », explique à l’AFP une agricultrice du Doubs sur une exploitation de 200 hectares.
Fonds de réassurance
Pour les céréaliers, c’est le cumul d’une météo capricieuse en France (gels tardifs, manque de luminosité, inondations) et d’une production record en Russie et aux Etats-Unis qui est dévastateur: faible production et cours très bas. La production de blé tendre – qui sert à faire le pain- devrait chuter de 30% par rapport à l’an passé. La France, géant de l’agro-alimentaire et premier exportateur de blé en Europe, va tomber de son piedestal. « En blé, nous sommes moins bons qu’en 1976, mais à cette époque-là, l’Etat était encore riche », dit un céréalier à l’AFP. 1976 reste en effet dans les annales des catastrophes agricoles, avec une sécheresse historique qui avait abouti à la création d’un impôt solidarité spécial.
Dès juillet, le président du premier syndicat agricole FNSEA, Xavier Beulin, a demandé un plan d’ensemble pour l’agriculture, impliquant les banques et la MSA. Il souhaite rencontrer le Premier ministre pour lui demander d’arbitrer en faveur d’un fonds de réassurance pour refinancer les exploitations. « Nous demandons de partager avec les pouvoirs publics le diagnostic que nous faisons », a indiqué mardi M. Beulin, qui évoque « des niveaux de perte jamais vus sans doute depuis l’après-guerre » et chiffre les besoins entre 4 et 5 milliards d’euros. Pour comparaison, la nouvelle tranche du pacte de responsabilité pour les entreprises, dont ne bénéficient pas les entreprises agricoles, coutera à l’Etat 5 milliards d’euros rien qu’en 2017.
Le préfet de l’Ile-de-France, région très touchée par les intempéries, a déjà annoncé des mesures vendredi. Ainsi les agriculteurs de Seine-et-Marne, de la Brie française, du Gâtinais et de la Beauce seront exonérés de 60% de leur taxe sur le foncier non bâti, qui correspond au taux de dommage moyen subi. Ceux qui ont perdu plus pourront faire des demandes pour obtenir un dégrèvement supplémentaire. Dans les autres départements franciliens, ils seront exonérés de 50%. La MSA reportera aussi d’un an les cotisations des exploitations dont le revenu est inférieur à 4.248 euros par an. Le Crédit agricole et le Crédit Mutuel se sont engagés à reporter automatiquement le remboursement de l’annuité des prêts bancaires.
Paris, 17 sept 2016 (AFP) – Isabel Malsang