Les rendements de maïs sur les parcelles d’essai ne sont pas toujours significatifs. Christian Jenn est responsable recherche-développement innovation à la Coopérative agricole de céréales (groupe CAC) de Colmar. Depuis plus de trente ans, il mène des essais maïs. Cela l’a amené à comparer l’évolution du rendement moyen des microparcelles, tous essais confondus, avec le rendement moyen réalisé chez les agriculteurs du Haut-Rhin, entre 1989 et 2021.
Un écart conséquent entre les rendements de maïs
Résultat, la productivité dans les expérimentations augmente de 1,5 q/ ha chaque année, alors qu’elle ne grimpe que de 0,9 q/ ha / an en conditions réelles. Cet écart est sans doute encore plus grand, étant donné que les agriculteurs ne cultivent que quelques variétés recommandées par les distributeurs tandis que les essais portent sur un nombre important de génétiques.
« Et plus on avance dans le temps, plus le fossé se creuse, constate Christian Jenn. On avait dix quintaux d’écart dans les années 1990. Maintenant c’est 20 à 30 q/ ha. » Ainsi, le rendement moyen agriculteur est de l’ordre de 120 q/ha aujourd’hui alors qu’il atteint 150 q/ ha dans les essais. Or, selon le chercheur « s’il n’y avait que le progrès génétique en jeu, on devrait toujours avoir 10 q de décalage. »
Développer le potentiel maïs
Autrement dit, même si les rendements en parcelle agriculteurs sont d’un bon niveau, le potentiel du maïs ne s’exprime pas pleinement. Pour Christian Jenn, « il n’y a pas de recette miracle, mais on peut aller chercher de la performance sans forcément mettre plus d’intrants, ni aligner plus d’euros. »
Alors, comment faire progresser les rendements ? Les gains ne sont plus à rechercher du côté de la génétique. La somme des températures entre avril et octobre, calculée sur la période 1990-2020, a augmenté de 150 degrés par rapport à celle calculée sur les trente années précédentes (1960-1990).
« On a sauté deux groupes de précocité. » Les agriculteurs implantent donc des variétés plus tardives, notamment des maïs dentés, offrant un potentiel plus élevé.
Progresser sur la technique pour augmenter les rendements de maïs
En aval de cette première décision, il reste donc à progresser sur la technique. « Il faut affiner l’itinéraire, en faisant attention à toutes les étapes. » Des outils pour relever le challenge existent. L’agriculture de précision en est un. La CAC la met en œuvre, en particulier autour du semis. Elle propose à ses adhérents la modulation intraparcellaire de la densité. Faire varier le nombre de grains de maïs semés selon le potentiel des différentes zones de la parcelle. « L’Alsace présente une importante diversité de sol. C’est lié à son histoire géologique. Il n’est pas rare de trouver quatre, cinq types de sol différents dans une même parcelle. »
Semer la bonne densité, au bon endroit, avec le bon écartement permet de « déplafonner les rendements, jusqu’à plus 20 q », évalue le responsable recherche et développement. Et cela en ayant la même charge d’intrants, sans modifier les pratiques de fertilisation, de désherbage, ni d’irrigation.
Il glisse ensuite : « C’est intéressant de voir l’écart obtenu en optimisant uniquement un point de l’itinéraire technique. » Et comme toutes les variétés ne répondent pas de manière identique à la variation de la densité sur les différents sols, c’est sans doute la modulation intraparcellaire de la variété qui sera proposée demain.
Faire grimper la productivité
On peut jouer sur un bouquet de facteurs pour faire grimper la productivité. Une vitesse de semis lente, pas plus de 4 km/h, et une réelle régularité de l’écartement et de la profondeur de semis permettent d’obtenir une levée régulière et homogène. « La concurrence entre plantes est limitée et le potentiel s’en trouve préservé. » La date de semis peut être avancée dans les terres qui se réchauffent vite pour gagner quelques quintaux.
Concernant le désherbage, un traitement de pré-levée est préférable à une application plus tardive. « Bien qu’ayant la même efficacité, on gagne du rendement avec une intervention précoce. » Quant à la fertilisation, Christian Jenn conseille d’apporter un engrais starter, en prenant soin de bien le positionner et d’épandre 100 kg/ha de 18-46. Pas moins. « Quand on veut économiser des intrants, parfois on perd des quintaux. » Idem pour la lutte contre les taupins et la pyrale.
Faire des impasses ou chercher à baisser les doses peut coûter plus cher en perte de rendement que l’économie du traitement. Bien sûr, ces aspects techniques s’étudient au cas par cas, en fonction du risque de la parcelle et la pression de l’année. Mais en fignolant chaque étape de l’itinéraire, l’écart de rendement constaté entre les essais et les parcelles agriculteur retrouve un niveau cohérent de 8 à 10 q/ha pour une même variété. Le responsable de la coopérative alsacienne l’affirme, « il y a moyen de produire 200 q/ha de grains en ayant un coût optimisé à la tonne. »
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