Un quart de siècle d’activité. La cuma Nord’Oignons est marquée par l’évolution agricole de son terroir. Entre Lille et Lens, dans le berceau des cultures légumières et industrielles, la cuma Nord’Oignons s’est construite sur la volonté de ses administrateurs. Aujourd’hui, avec 8.500tonnes d’oignons conventionnels, réceptionnés, triés, calibrés et conditionnés et presque 1.000tonnes de bio, elle offre un débouché à une trentaine de producteurs, dont dix en bio, auprès de la coopérative Le Marché de Phalempin.
Peu de cuma offrent aujourd’hui ce genre de services. Entre les palettes, les tapis et les machines, six salariés travaillent ici et reçoivent, chaque jour, les oignons livrés par camion ou par les producteurs eux-mêmes. Leur bien-être est d’ailleurs privilégié au travers des derniers investissements réalisés, comme celui d’un palettiseur «pour leur faciliter la tâche».
C’est avec l’idée de «répondre au marché» que Dominique Dehouck, le premier président de la cuma, s’est lancé dans l’aventure avec 9 autres producteurs. «Bien décidés à avancer», les fondateurs ont lancé la cuma en 1991 avec 2.500tonnes et une «petite» chaîne de tri et conditionnement, le tiers de ce qu’elle est aujourd’hui. Très rapidement, de nouveaux producteurs, «voyant que cela fonctionnait», sont venus gonfler les rangs.
La convention qui unit encore aujourd’hui la coopérative et la cuma, a été signée à cette époque. Elle a été bâtie sur des engagements réciproques: commercialisation de tous les oignons de la cuma et uniquement ceux-là, apport total des producteurs. «On y tient et ça doit rester comme cela», claironnent l’ancien et le nouveau président, Didier Durlin.
Montée en puissance et arrivée du bio
Au début des années 2000, la cuma Nord’Oignons a triplé son tonnage. «A cette époque, on arrivait aux limites du fonctionnement de la chaîne et nous avons réalisé les investissements nécessaires pour la doubler. Tout a ainsi été refait avec une partie de matériel neuf.» La réception et l’équeuteuse ont été positionnées à part, afin de limiter le bruit et la poussière dans la seconde partie, réservée au tri, au conditionnement et au stockage avant envoi. Puis en 2012, sous l’impulsion de la coopérative de vente, ce sont deux producteurs bio qui sont devenus adhérents de la cuma (40tonnes).
Si les accepter n’a pas été évident pour certains, l’activité bio est aujourd’hui en mesure de recevoir 1.000tonnes d’oignons sur la chaîne de tri, calibrage et conditionnement, adossés aux capacités de stockage mis en place par le marché de Phalempin à proximité du bâtiment. D’ailleurs, les nouveaux investissements lui seront dédiés afin de séparer les deux chaines. «Entre la réception des oignons en conventionnel et celle en bio, les chaines doivent être nettoyées. Les séparer offrira davantage de souplesse», espère Didier Durlin.
Exigence du Marché
Le service de tri et conditionnement offert par la cuma est aujourd’hui reconnu par de nombreux producteurs. Chaque année, il y en a toujours quelques-uns qui frappent à la porte, «mais il faut trouver les marchés à mettre en face», rappelle Dominique Dehouck. Le fait d’adosser les services de la cuma à la commercialisation opérée par le marché de Phalempin permet de «répondre en flux tendus à des marchés plus rentables pour les producteurs». Si ces derniers mettent des garde-fous quant aux débouchés, «les décisions sont quand même prises par le commerce car ça n’est pas notre métier», reconnaît Didier Durlin qui s’interroge: « Doit on brider le commerce ou le laisser complètement libre?» «Réussir à accorder les violons de tout le monde» est une priorité, avec en lame de fond, «la nécessité de satisfaire les producteurs» (voir encadré sur la définition du prix).
En chef d’orchestre, c’est Samuel Cuvelier, salarié et «responsable de centre» qui «arrive à gérer en fonction des exigences du marché et des producteurs». Sa bonne connaissance des exploitations, de l’évolution de la production et de la qualité de stockage de chaque adhérent lui permet d’ajuster à la semaine, le fonctionnement de la chaîne aux besoins du marché. Il met en musique le cheminement des oignons du marché de Phalempin.
Travailler l’esprit collectif
Pour accorder ces deux mondes (le marché volatil et exigeant et la production incertaine et complexe à transporter), les administrateurs de la cuma Nord’Oignons ont dû gagner la confiance de leurs adhérents. «Au début, il a fallu apprendre à se connaître», se souvient Dominique Dehouck. Pas facile de construire un esprit «cuma» autour d’une «production spéculative» et de producteurs pas «forcément prêts à l’exercice». Le respect des conventions, notamment de l’engagement total, en a fait partir plus d’un.
L’ancien président, comme l’actuel, déplorent le manque d’esprit coopératif de «certains qui ont tendance à considérer la cuma comme un négoce de pommes de terre». Dans ces conditions, les décisions ont parfois été difficiles à prendre. «On a du mal à fusionner les producteurs entre eux, mais cela est dû au manque de relationnel. On vient, on livre, on repart et on se croise peu», admet Didier Durlin, cumiste par ailleurs.
Pourtant, lorsqu’il a fallu en 2004 aller récupérer, dans la Marne, un équipement de trémies acheté aux enchères, c’est bien toute une équipe qui a mis la main à la pâte pour rapatrier le matériel à Violaines. «Un moment fort», se souvient le président. La cuma Nord’Oignons se distingue d’autres groupes par sa singularité, propre au matériel qu’elle met à disposition de ses adhérents. Mais elle est surtout marquée par l’obstination de ses administrateurs successifs à faire avancer le collectif pour le bénéfice des producteurs d’oignons de la région. Si un agrandissement n’est désormais plus envisageable là où elle se situe, la volonté d’avancer ensemble pour offrir au groupe les meilleurs débouchés reste son fer de lance.
Prix moyen à la quinzaine « Le producteur est responsable de la qualité et du volume mais pas du marché », insiste Didier Durlin. Très tôt dans l’histoire de la Cuma, il a été question de définir un prix moyen pour le marché et le conditionnement, sachant que les prix peuvent varier du simple au triple selon que les oignons soient écoulés en Big-bag ou en portion de 1kg. Actuellement le coût de la prestation par la Cuma est évalué à 45€ par tonne sachant que le producteur effectue le pré-triage. Pour établir le prix payé au producteur, les ventes de la quinzaine sont additionnées puis redivisées par producteur en fonction du poids conditionné. « C’est le système qui nous apparaît le plus équitable », indique Didier Durlin. Pas dogmatique, le président estime qu’en cas de cours à la hausse, la moyenne peut être établie sur deux mois afin de ne léser personne. « Il faut savoir être réactif ». |
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