« Je suivais ce domaine depuis longtemps. Il me plaisait beaucoup mais il n’y avait pas encore tout l’éclat. Là, j’ai vraiment eu un déclic », s’enflamme Guillaume Baroin, journaliste et dégustateur pour la Revue du vin de France qui vient de publier la 25e édition de son guide, l’équivalent du Michelin pour le vin. « Je veux raconter que le Beaujolais est un grand vignoble et qu’il est aujourd’hui en train de vivre un nouvel âge d’or. Après les années 80 et la fête du primeur (le Beaujolais nouveau), il revient sur le devant de la scène avec son terroir, son identité forte et à des prix accessibles », explique-t-il à l’AFP.
Pour lui, le Domaine Louis Claude Desvignes devient un « phare mondial du Beaujolais ».
Un évènement pour la famille propriétaire qui, depuis huit générations, s’échine entre les rangs serrés et pentus des crus du Morgon où, avec 10.000 pieds à l’hectare, rien n’est mécanisable.
Louis-Benoît et Claude-Emmanuelle reçoivent dans leur cave voûtée du XVIIe. Leur père n’est jamais très loin. Ils y tiennent.
Le choc de 2003
Elle, a toujours su qu’elle voulait reprendre le flambeau. Lui, a eu une phase « je rejette tout en bloc ». Il part étudier les arts appliqués, faire de la musique. Pour mieux revenir.
Ils se souviennent de ces dimanches midis avec à table des vins du monde entier. « Voir ce qui se fait à l’extérieur, ça permet de savoir ce qu’est votre identité, ce qu’on veut dire », explique Louis-Benoît.
Cette 3e étoile, c’est le fruit de la continuité, insistent-ils après une première décrochée par leur père en 99, puis une deuxième en 2005.
Elle est aussi le résultat d’une rupture majeure. Car en 2003, un an après la reprise, la canicule sévit, avec des vendanges en août, un raisin à 15 degrés. « On n’avait jamais vu ça ». « Il a fallu s’adapter au changement climatique: on a tout remis au travail du sol ».
Ils arrêtent brutalement les herbicides, puis progressivement les pesticides.
La transition est difficile. Aujourd’hui, on reconnaît leurs vignes par les herbes folles qui colorent les rangs. « Pour nous la qualité a énormément gagné. Il y a un enracinement et donc plus de finesse », estime Louis-Benoît.
Une qualité déjà reconnue dans le monde puisque 60% de leur production part à l’export (Australie, Grande-Bretagne, Canada, …). Avec des prix accessibles: entre 13 et 36 euros.
« Ces trois étoiles font plaisir pour les 10% de vignerons qui valorisent leur vin dans le Beaujolais. Elles prouvent que ça bouge; on sent l’émulation. Il y a des gens qui se remettent beaucoup en question », se félicite Renaud Bodillard, coprésident de Bien Boire en Beaujolais, un salon réunissant 200 domaines indépendants déterminés à changer le regard sur ce vignoble.
Complexe d’infériorité
« On souffre dans l’ensemble d’un complexe d’infériorité par rapport au Bourgogne qui est à côté. Et, avec les Beaujolais nouveaux, il faut bien reconnaître une grosse erreur de communication. Beaucoup de gens ne savent pas qu’ici, il y a aussi des crus », poursuit Isabelle Perraud, l’autre coprésidente de Bien Boire en Beaujolais.
Il a donc fallu travailler l’image et réajuster les prix. Aujourd’hui les récompenses commencent à tomber. Un autre vigneron du coin, Arnaud Aucoeur, vient d’être élu par le Guide Hachette des Vins 2020 « vigneron de l’année » en Beaujolais et triple coup de coeur.
Des jeunes avec une solide culture oenologique, des profils internationaux et qui cherchent tout sauf à faire des vins marketés qui sentent la banane.
Mais ces nouveaux visages ne doivent pas faire oublier ceux qui n’ont pas trouvé la parade au déclin du Beaujolais nouveau. Avec des coopératives dans le sud du vignoble qui ont les cuves pleines et des parcelles à l’abandon. Et qui ont connu un nouveau coup dur avec la grêle de l’été.