Question: Bruxelles espère trouver un accord avec Washington sur le TTIP avant la fin du mandat du président Barack Obama en janvier. Dans le contexte actuel, pensez-vous que cela soit possible?
Matthias Fekl: « Je pense qu’un accord en 2016 est impossible et que par ailleurs, tout le monde le sait bien, y compris ceux qui à longueur de communiqués, disent le contraire. Nous attendons tellement aujourd’hui d’offres sérieuses de la part des Etats-Unis qu’il n’y a absolument aucune chance que les choses arrivent avant la fin de l’administration Obama. (…) Ce qu’il faut c’est avoir un bon accord, avoir un accord exigeant avec des choses positives pour l’emploi en France, pour les salariés, et si ce n’est pas le cas, nous en tirerons les conséquences. Je ne serai pas le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur qui irait devant le Parlement pour vendre à tout prix un accord que je jugerai mauvais et pas satisfaisant pour notre pays.
Question: la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström a affirmé la semaine dernière que la France avait donné son accord pour la poursuite des négociations avec Washington sur le TTIP. Est-ce bien le cas?
MF: La Commission a fait des déclarations très surprenantes tout au long des dernières semaines sur ces négociations dont tout le monde sait qu’elles ne se passent pas bien et qu’elles n’évoluent pas. La position de la France n’a pas changé et ce depuis bientôt deux ans maintenant. Nous avons des exigences très précises que le président de la République a d’ailleurs rappelé au Conseil européen. La Commission a essayé de demander aux Etats membres un chèque en blanc lors du dernier conseil européen (la semaine dernière, NDLR), ce chèque en blanc a été refusé par la France et par d’autres Etats. J’invite la commission à faire moins de déclarations fracassantes contre les Etats-membres, qui viennent jeter le doute sur les positions, et à passer plus de temps à essayer de négocier des choses favorables.
Question: Certains accusent l’exécutif français de double langage, de critiquer l’accord tout en laissant Bruxelles négocier en son nom, et y voient une posture politique…
MF: On a le sentiment que la Commission, qui se rend bien compte que les négociations n’avancent pas, n’est plus tellement dans une phase de négociation et est plus déjà dans une phase de désignation des responsables d’un échec. (…) Donc ces déclarations sont à la fois désobligeantes à l’égard de la France, et par ailleurs totalement en décalage avec ce qui se passe en Europe où vous avez partout des réticences sur la manière dont sont négociés ces types d’accord, avec toujours des promesses de croissance et d’emploi mais très peu de résultat à la clé.
Question: la Commission s’est par ailleurs dite favorable à une adoption du Ceta, l’accord conclu fin 2014 entre l’UE et le Canada, sans demander l’avis des parlements nationaux. Etes-vous d’accord sur le principe?
MF: On sait qu’il y a un problème de légitimité dans la manière dont les accords commerciaux sont négociés, il est incroyable de voir qu’on puisse envisager comme réponse de supprimer les parlements nationaux du processus de ratification. En France, c’est le Parlement qui aura le dernier mot sur cette affaire et qui aura à se prononcer par un vote sur la ratification ou non de cet accord. Et ce n’est pas négociable. On ne peut pas au détour d’un accord, parce qu’on a l’impression qu’il va y avoir des difficultés dans le processus de ratification, tout d’un coup changer les règles et vouloir « zapper » les parlements nationaux du processus. (…) Je trouve ça encore plus hallucinant à quelques jours du résultat du référendum britannique qu’on puisse envisager au niveau de la Commission européenne ce type de procédure.