C’est un accord important qui est sur la table », s’est réjoui le Premier ministre belge Charles Michel à l’issue d’une énième réunion avec les différentes régions et communautés linguistiques de son pays jeudi matin. Le gouvernement fédéral belge tentait depuis plusieurs jours de convaincre la région francophone de Wallonie, la région de Bruxelles-Capitale et la Communauté linguistique française de revenir sur leur veto, qui bloque la signature du CETA par la Belgique et, en conséquence, par l’Union tout entière. « La Wallonie est extrêmement heureuse que nos demandes aient pu être entendues », a déclaré le ministre-président de la région francophone de la Wallonie (sud), le socialiste Paul Magnette, devenu en deux semaines le leader emblématique de la lutte anti-CETA.
Le président du Conseil européen Donald Tusk a pour sa part salué sur Twitter « la bonne nouvelle venue du Premier ministre Charles Michel », alors que l’UE est déjà sérieusement ébranlée par des crises à répétition (migration, Brexit, etc.). « Je ne contacterai le Premier ministre (canadien) Justin Trudeau qu’une fois toutes les procédures finalisées pour la signature », a ajouté M. Tusk. Côté canadien, on se dit « prudemment optimiste ». « Il reste du travail à accomplir », a fait valoir la ministre du Commerce international Chrystia Freeland, tout en saluant un « développement positif ». « Si cela se concrétise, c’est une excellente nouvelle », a dit Stéphane Dion, son collègue des Affaires étrangères.
Pas de date de signature
La question du calendrier reste la grande inconnue. Un porte-parole de la Commission européenne s’est dit « très réticent à l’idée de donner une indication concrète du timing », tandis que la commissaire au Commerce Cecilia Malmström, qui a négocié le CETA au nom des 28 a tweeté : « J’espère qu’une date pourra être fixée rapidement ». Première étape après l’annonce de l’accord « intrabelge », les ambassadeurs des 27 autres pays membres de l’UE lui ont donné leur feu vert préliminaire jeudi après-midi.
Chacune des 27 capitales est désormais invitée à formaliser par écrit son avis d’ici à vendredi soir « minuit », selon l’échéance fixée par les ambassadeurs, annoncée par plusieurs tweets, dont un de la présidence slovaque de l’UE. En parallèle la déclaration belge sera soumise aux parlements des entités fédérées du royaume, avec un avis attendu dans le même délai, selon Charles Michel. Le Parlement de Wallonie se réunira à Namur (sud) vendredi à 11H00 (09H00GMT), un vote devant intervenir à partir de 15H30 (13H30 GMT). Celui de la Communauté linguistique française aura pour sa part une session extraordinaire le même jour à 18H30 (16H30 GMT) à Bruxelles. Eux seuls sont en mesure d’accorder les pleins pouvoirs au gouvernementfédéral, indispensables pour qu’il puisse approuver le CETA.
Nous avons pu être entendus
Une fois signé par l’UE et le Canada, le traité sera appliqué de manière partielle et provisoire, le temps qu’il soit ratifié par l’ensemble des Parlements d’Europe, ce qui peut prendre des années. La déclaration belge, dont l’AFP a obtenu copie, réaffirme que les différentes entités du royaume garderont un droit de regard pendant cette mise en place provisoire, notamment en matière d’agriculture. Elle se concentre aussi sur le mécanisme d’arbitrage (ICS) que le traité instaurerait en cas de conflit entre un investisseur et un Etat, mais qui ne serait mis en œuvre qu’une fois le traité ratifié par l’ensemble des parlements européens.
La Belgique demandera à la Cour de justice de l’UE un avis sur la conformité de ce mécanisme avec les traités européens, ce qui a été salué comme une avancée par certains opposants au CETA. De plus, quatre des Parlements locaux belges soulignent qu’ils ne signeront pas l’accord final « sur la base du système de règlement des différends (…) tel qu’il existe aujourd’hui ». « On s’est toujours battu pour avoir des traités qui renforcent les normes sociales, les normes environnementales, protègent les services publics, pour qu’il n’y ait pas d’arbitrage privé », a affirmé Paul Magnette. « Nous avons pu être entendus et tout cela sera désormais acquis », s’est-il félicité. Ces longues tractations ont entraîné le report du sommet prévu pour jeudi à Bruxelles, où devait être signé le CETA en présence de Justin Trudeau.
Bruxelles, 27 oct 2016 (AFP), Par Clément ZAMPA, Philippe SIUBERSKI