Dans l’univers de l’agroécologie, on commence à entendre parler de plus en plus de thé de compost. Non, ce n’est pas une recette de jardinage pour vieille dame anglaise. L’origine anglo-saxonne (Etats-Unis, Canada, Australie…) de cette pratique en explique la dénomination. On parle plus précisément de «thé de compost oxygéné», ou TCO. Le principe: faire macérer du compost quelques heures dans de l’eau, avec un apport d’air, et appliquer dans la foulée le produit en enrobage sur des semences ou en pulvérisation sur des cultures.
Des plantes fortes
Jean-Charles Devilliers, qui anime des formations sur le sujet, précise: «Il faut du compost de qualité, contrôlé et sain. Je préconise du lombricompost, fabriqué par des spécialistes». On y ajoute des substances telles que le guano ou des extraits d’algues. La formulation détaillée dépendant de la culture et des circonstances. Le but: «Obtenir des plantes fortes, qui démarrent rapidement, se défendent contre les maladies et atteignent un bon développement végétatif». Rien d’ésotérique là-dedans, le TCO contient des micro-organismes vivants, dont des bactéries fixatrices d’azote, des enzymes et d’autres molécules favorables à la croissance des plantes et à leur résistance aux agressions. L’idée derrière est de réduire le travail du sol, dans l’esprit de l’agriculture de conservation. Mais aussi de se passer du désherbage mécanique, jugé trop agressif. Des alternances judicieuses de cultures, seules ou associées, et de couverts maîtrisés, doivent suffire.
Partage du savoir
Les tenants de cette technique ne l’ont pas apprise à l’école mais par des réseaux d’agriculteurs, des forums en ligne, et depuis peu par des formations (Ver de Terre Production). Aucune firme n’est derrière pour vendre des matériels ou des fournitures. L’équipement pour fabriquer le thé et le mettre en œuvre ne coûte pas cher et se construit par soi-même, et les matières premières nécessaires sont également très abordables. «Mon intervention la plus chère ne dépasse pas 30 euros de fournitures à l’hectare».
Ces agriculteurs sont en conventionnel raisonné ou en bio. Tous cherchent à optimiser le fonctionnement du sol, ses bactéries et ses champignons, et réduire ainsi le besoin en intrants, phytos comme fertilisants. Ils se placent clairement en mode échange d’expérience, entraide et «open source». Dans l’exploitation familiale de Haute-Marne, Jean-Charles Devilliers essaie beaucoup. Il s’appuie sur les technologies actuelles, capteurs de rendement et images satellites, pour juger des effets. Et il les partage volontiers.
Il est possible de trouver des formations sur le sujet auprès de Ver de Terre Production, de l’APAD ou de l’Association Française d’Agroforesterie. La société Eco-Dyn (Maine-et-Loire), qui fabrique des machines à thé de compost, et promeut l’agriculture «régénérative», intervient aussi sur le sujet. La recherche agronomique ne s’est pas encore penchée sur le sujet, mais qui sait?…
En complément: le témoignage d’un utilisateur de thés de compost au Canada, nos articles sur l’agroécologie.