Comment partager sa moissonneuse-batteuse en intercuma? Aujourd’hui beaucoup d’ETA organisent de la migration de moissonneuse-batteuse, de fin juin à début septembre principalement. Parfois, les trajets comptent plusieurs étapes. En outre, ces trajectoires permettent d’engranger les hectares récoltés. Donc cela facilite l’amortissement de ces machines coûteuses vouées à rester sous le hangar dix mois sur douze. À dessein, on profite des décalages de maturité qui atteignent jusqu’à trois quatre semaines pour une même culture. Cet exode des moissonneuses s’opère par la route ou sur un camion spécialement aménagé.
Ensuite, l’échange de machines peut se faire aussi à l’occasion des successions de récolte: des céréales d’été dans une région puis du maïs grain à l’automne dans une autre. Toutefois, la tendance à la diversification des cultures dans certains territoires autrefois spécialisés (comme la production de maïs dans les Landes) oblige désormais à disposer localement d’une machine à toute saison.
Migration de moissonneuse batteuse: être clair au départ
Le réseau des cuma teste prudemment cette organisation en intercuma pour l’ensilage et les moissons. L’essor des réseaux sociaux ou d’outils numériques dédiés comme myCumalink sont de bons vecteurs pour faciliter l’interconnaissance entre des cuma potentiellement intéressées. Malgré cela, beaucoup de groupes hésitent encore à partager ‘leur’ machines avec d’autres groupes extérieurs. Dans le cadre de ces échanges à distance, deux principaux cas de figure existent.
Soit une cuma est propriétaire de sa machine qu’elle met à disposition d’une autre cuma, soit les deux cuma achètent en copropriété une machine. Pour être pérennes, les échanges devront être bien clarifiés au préalable afin d’écarter tout malentendu. En particulier, sur les dates de transfert de la moissonneuse-batteuse d’une région à l’autre. De ce point de vue, l’été 2021 entrecoupé de journées humides a compliqué l’échelonnement des récoltes. Les départs de machines ont été plus tardifs que les autres années. On ne peut pas envoyer en effet sa moissonneuse travailler ailleurs sans avoir au préalable terminé ses propres récoltes!
Moissonneuse-batteuse en intercuma: les points de vigilance
Pour Samuel Nicolas, conseiller en agroéquipement à l’union des cuma des Pays de la Loire, la mise en place de ce type d’échange est plus facile à envisager lorsqu’une cuma intéressée pour déporter sa moissonneuse, en dispose d’une deuxième sur place pour terminer ses propres chantiers. Les cuma impliquées dans ces échanges sont vigilantes aussi sur le bon suivi de la machine, sa conduite et son entretien. Ce sujet peut être une source de crispation entre les groupes.
Autre point crucial: les coûts de transport que doivent supporter les deux groupes. Que ce soit au volant de sa propre machine, ou via un transporteur, ceux-ci se rajoutent aux frais de récolte. L’affrètement d’un camion spécialisé et le temps nécessaire pour y charger la machine représentent un coût important. Cependant, parcourir le trajet au volant d’une machine coûte cher aussi si l’on intègre tous les coûts: carburant, usure du matériel, temps de conduite de la moissonneuse et de la voiture pilote.
Exemple de moissonneuse-batteuse en intercuma: cuma La Croix verte (Loire-Atlantique) – cuma Amandine (Pas-de-Calais): 560km*
La cuma La Croix verte, basée dans la région du Muscadet, ne dispose plus de moissonneuses-batteuses. Cette cuma importante (150 adhérents au total, 580k€ de CA, 3 salariés, 1 ensileuse, 3 machines à vendanger, 2 tracteurs viti) voit ses surfaces de céréales diminuer au fil des ans. La moisson s’organise chez la dizaine d’adhérents de la cuma avec deux machines extérieures. Depuis 1998, elle bénéficie de la mise à disposition d’une machine par la cuma Amandine, située dans le Pas-de-Calais.
«Cela fonctionne comme une location», explique Véronique Jaumouillé qui assure le secrétariat de la cuma de La Croix verte. La cuma de Loire-Atlantique a souscrit des parts sociales auprès de sa collègue du Pas-de-Calais. Cette dernière est propriétaire de la machine et assure donc tous les frais inhérents, y compris les coûts du transport de l’ordre de 4.000€. La machine, une New Holland CX 7.90, est mise à disposition fin juin jusqu’à fin juillet, le 26 exactement. Elle est facturée à La Croix verte 120 à 130€/h, (hors GNR et MO). Le débit moyen est de l’ordre de 25min/ha.
En parallèle, La Croix verte bénéficie d’une Claas Lexion 6700, moissonneuse mise à disposition par la cuma voisine de la Chevrolière. La conduite des deux moissonneuses est assurée conjointement par les salariés des deux cuma voisines. Une fois la saison terminée, l’ensemble des comptes de l’activité ‘moisson’ de la cuma La Croix verte sont établis. Quelle que soit la machine, chaque adhérent de La Croix verte paiera le même prix. Pour 2021, celui-ci s’est élevé à 253 €/h tout compris.
Autre exemple: cuma de Séverac (Aveyron) – cuma de Castanet (Aveyron): 70km
Au sein d’un même département, les différences de maturité des cultures existent. C’est le cas en Aveyron où deux cuma, celle de Séverac et celle de Castanet, partagent une moissonneuse-batteuse en intercuma depuis cinq ans. «Nous n’avions pas assez de surface pour amortir notre machine», explique Jérôme Gamel, le président de la cuma de Castanet qui a acheté en occasion (330h) une Claas Medion de 4,50m de coupe 75.000€, après une révision complète et avec la garantie d’une campagne. La cuma de Séverac située plus en altitude est moins précoce. Elle dispose de deux moissonneuses et voit d’un bon œil le renfort de la machine de Castanet.
La moissonneuse emprunte fin juillet (ou tout début août) la route pour une durée 3h30 environ. La machine est facturée 60€/h (sans GNR et MO) à la cuma de Séverac pour un débit de chantier de l’ordre d’1 ha/h. En tout, la moissonneuse de Castanet réalise 250h/an, dont 60 à 70h pour la cuma de Séverac. Jérôme Gamel, le président de Castanet apprécie cet échange en intercuma. «Cela se passe dans un bon esprit et on se fait confiance.» La moisson revient à 100€/h tout compris pour les 12 adhérents de Castanet. Tous des éleveurs, attentifs aussi au volume et la qualité de la paille récoltée.
Exemple n°3: cuma de Peyrecave (Gers) – cuma de Hours (Pyrénées-Atlantiques): 140km*
Sébastien Biasiolo, président de la cuma de Peyrecave dans le Gers est convaincu de l’intérêt de travailler en intercuma. En outre, la cuma qu’il préside partage en copropriété une moissonneuse Case Axial Flow depuis plusieurs années avec la cuma de Hours en Pyrénées-Atlantiques. En revanche, les têtes de récolte sont propriété de chaque cuma: les cueilleurs pour Hours et la barre de coupe pour Peyrecave. La machine prend la route à chaque fin de saison. Ainsi, dans le Gers, elle récolte les céréales d’été. Puis, une fois terminée, elle part dans les Pyrénées moissonner le maïs.
Par ailleurs, chaque groupe assure la moitié du convoyage, soit 3 heures de route. De plus, le passage de relais est un temps d’échanges apprécié par les responsables. La cuma gersoise dispose d’une deuxième machine à elle. La copropriété est une formule qui sied au président de la cuma en ce sens qu’elle implique étroitement à parts égales les deux coopératives. Finalement, en tout, la machine récolte 1.400ha/an. Ce qui permet d’avoir un coût de battage «très raisonnable», mais aussi de disposer d’une machine très récente renouvelée tous les 3 ans.
(*) Itinéraires les plus cours calculés sur le site michelin.fr
RAYONS X
Cet article et ses données sont issus d’un travail d’enquête et d’étude économique publié dans l’univers Rayons X en Octobre 2021. Quatre moissonneuses-batteuses sont passées au scanner économique de la rédaction d’Entraid.