Pourrait-on méthaniser les maïs mâles? Le destin des mâles en production de maïs semence n’est pas très enviable. En effet, ils doivent être détruits, réglementation oblige. Détruits, d’accord, mais si en plus ça ne sert à rien… Toutefois, en Basse-Ariège, les choses s’apprêtent à changer. En effet, 1.400 hectares sur les 3.000 (en moyenne) que compte le département, devraient à partir du printemps 2021, servir à approvisionner un méthaniseur tout neuf, sur la commune de Montaut.
«Avant, on se contentait de couper ces mâles avec des disques à tronçonner et de les laisser sur place, sans vraiment qu’ils produisent de matière organique, car il aurait fallu les broyer plus finement», détaille Jean Mistou, éleveur, producteur de maïs semence et porteur du projet.
«Il y a une dizaine d’années, nous nous sommes dit que c’était dommage de détruire ces mâles sans utilisation. L’ancien président du syndicat des Producteurs de maïs semence d’Ariège, Bernard Pujol avec deux animateurs ont mis au point une ensileuse, avec un Kemper, pour pouvoir ensiler les maïs mâles dans les protocoles 4/2 ou 4/3, l’ensilage produit étant destiné à des éleveurs de bovins. Et depuis 7 ans, on s’est demandé pourquoi ne pas se lancer dans la méthanisation, alimenter un méthaniseur avec cette matière?»
Le projet se concrétise aujourd’hui: «nous avons commencé à construire en décembre 2019, et on mettra ce méthaniseur en marche en février 2021», se réjouit Jean Mistou. Retour, avec lui, sur ce projet hors-norme.
Comment allez-vous alimenter ce méthaniseur? Qu’en sortira-t-il?
Pour alimenter notre méthaniseur de 23.000 tonnes, nous allons fournir 13.000 tonnes d’ensilage de mâles de maïs semence, 1.500 tonnes d’ensilage de mâles de colza semence, 1.500 tonnes de résidus de tri de feuillage des établissements Caussade, et 7.000 tonnes de lisier de bovin. Car le process qui va permettre au méthaniseur de fonctionner s’appelle “en infiniment mélangé”. Donc il faut un liquide pour transporter cette matière.
Nous avons choisi d’avoir un séparateur de phases: on devrait ressortir du méthaniseur 6.000 tonnes de digestat solide, avec la valeur d’un amendement en NPK. Le méthaniseur va aussi produire 20.000 tonnes de digestat liquide, très riche en azote sous forme ammoniacale, en phosphore et en potassium. L’application d’amendement liquide se fera plutôt sur des cultures existantes, des céréales ou de l’engrais vert qui sera valorisé par la culture du maïs semence qui suivra. L’amendement solide sera appliqué avant le semis du maïs.
A lire: combien coûte l’épandage de digestats?
Le méthaniseur étant construit à proximité d’une conduite de transport de gaz, nous avons juste à purifier et à “normer” le biogaz produit avec un purificateur, avant de l’injecter dans le réseau. Nous avons un contrat sur 15 ans avec Terégra, l’un des deux gestionnaires du transport de gaz en France.
À quel moment intervient la cuma?
Le méthaniseur va produire ces matières, solides et liquides, tout au long de l’année. Le solide peut se stocker en bout de champ, comme du fumier ou un compost. Nous aurons par contre l’obligation d’épandre régulièrement les 20.000 tonnes de digestat liquide, ce que l’on prévoit de faire sous forme de cuma. Deux grands pôles d’activité donc pour cette cuma: l’ensilage, et le digestat qu’il va falloir transporter et épandre.
La cuma comportera une branche groupement d’employeurs, qui emploiera 6 salariés: trois pour ces activités, et trois supplémentaires, dont un ingénieur, pour faire fonctionner l’unité de méthanisation. L’idée, c’est de construire un réel esprit d’équipe. Tous ces salariés devront travailler dans cet environnement complexe et s’aider les uns les autres pour fluidifier le fonctionnement, gérer les pics de travail.
Au niveau des matériels, au-delà de l’ensilage, nous allons déposer les dossiers de demande d’aide en janvier, pour une tonne de transfert avec un tracteur, et deux tonnes d’épandage, munies de rampes pendillards, et très bien chaussées, avec des pneumatiques larges, pour pouvoir préserver les sols et leur fertilité.
Les méthaniseurs portés par des agriculteurs sont en général des projets de territoire. Est-ce le cas pour celui-ci?
Oui, même s’il nous a fallu du temps pour construire la confiance. Il s’agit d’un investissement de 8,5 millions d’euros. Au départ ça faisait peur. Nous avons beaucoup communiqué, organisé notamment quatre réunions d’information locales, pour rencontrer les citoyens et les associations de protection de l’environnement. Ce qui ne nous a pas empêché de nous retrouver au Tribunal administratif de Toulouse. C’est derrière nous, cela s’est soldé par un non lieu. Nous avons un plan d’épandage solide et précis.
Mais nous avons aussi reçu des soutiens importants. D’abord des agriculteurs engagés puis via un financement participatif. Ensuite les collectivités et acteurs économiques ont aussi été très moteurs. Et nous avons été accompagnés par le bureau d’études Atesyn, de Mazères. Nous sommes prêts à transmettre tous nos acquis aux syndicats de producteur de maïs semence intéressés. Sachant que nous sommes sur une unité de un mégawatts. Il y aurait le potentiel d’en construire une autre en Ariège étant donné la gisement de maïs semence.
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