Comment adapter son élevage au changement climatique? Sur le devant de la scène du chapiteau Space le 16 septembre dernier à Rennes, Denis Buan de Combourg en Ille et Vilaine, (lait, 1,5 salarié), Gurvan Mancel en GAEC à Acigné dans le même département (conversion lait bio, lapin et porcs charcutiers, 4 associés) et Romain Perron à Lanvenegen dans le Morbihan (lait, porcs naisseurs-engraisseurs et légumes, 3 associés, 1 salarié) ont pris la parole.
Ils ont détaillé les initiatives prises pour atténuer les impacts du changement climatique sur leurs fermes. A la fois dans les méthodes de cultures, la conduite du troupeau et son alimentation quotidienne. Une rencontre organisée par la Frgeda Bretagne. A l’heure où la COP 26 pointe la gravité de la question climatique, ces témoignages de terrain, font du bien. Ils montrent que les agriculteurs ne restent pas les pieds dans le même sabot. Ils agissent pour contrer les mauvais tours de la météo sans dérégler pour autant la santé financière de leurs fermes.
Protéger les sols pour adapter son élevage au changement climatique
En matières de conduite culturale, le partis pris est de prendre soin de la fertilité du sol. Dans ce contexte, la technique du sans labour prend son essor. C’est un moyen de garder davantage d’humidité dans les sols grâce à l’augmentation des taux de matière organique. Les effets mesurés sur 10 ans d’expérimentation de la technique sont notables. Cette stratégie préventive est de bonne augure malgré une pluviométrie plus abondante en Bretagne qu’ailleurs, jusqu’à l’excès parfois l’hiver. Ainsi, les précipitations vont de 900 à 1.200mm sur l’exploitation de Romain Perron.
Diversifier les cultures
Le perfectionnement des systèmes fourragers élargit la palettes d’espèces semées:
- Le ray-grass anglais montre parfois ses limites. Dans le choix des éleveurs, d’autres graminées se rajoutent comme le ray-grass hybride ou la fétuque.
- Le sorgho fait partie des cultures fourragères à approfondir en substitution partielle du maïs fourrage dont les rendements deviennent aléatoires. La culture semble satisfaisante du point de vue de sa teneur fibres et en MAT. Certains envisagent de la tester en pâturage. Par contre, Denis Buant a essuyé aussi des déconvenues en termes de rendements.
- La luzerne fait un retour en force. Certaines variétés sont davantage plébiscitées. La plante séduit pour sa résistance à la sécheresse et l’autonomie alimentaire qu’elle procure.
- Les associations se développent mêlant d’autres légumineuses avec par exemple des trèfles violet et trèfles blanc, dont les cycles de développement diffèrent. Mais certaines espèces n’ont pas tenu toutes leurs promesses comme le lotier dont le retour d’expérience est plutôt négatif pour Gurvan Mancel.
Les modes d’implantation évoluent aussi comme les essais de semis de prairies sous couverts de pois testés chez Gurvan. Enfin, d’autres cultures anciennes reviennent sur le devant de la scène, comme le blé noir chez Denis qui offre une rentabilité intéressante. Ses atouts: pas de phytos et une bonne image!
Sécuriser les stocks fourragers pour adapter son élevage au changement climatique
Les trois témoins mettent l’accent sur la sécurisation des stocks fourragers pour ne pas être pris au dépourvu lors des années de sécheresse. Les éleveurs maîtrisent en parallèle le pâturage tournant dynamique. Ce qui évite le gaspillage. La fréquence de rotation est de l’ordre de 1 paddock tous les 2 jours chez l’éleveur d’Acigné et 1 par jour l’été. Cela correspond à 15 ares/vl de pâturage chez Denis Buant. La perspective pour Romain Perron est d’augmenter dans l’avenir la surface pâturable accessible. A noter: pour valoriser pleinement le lisier sur prairies, celui-ci est épandu avec une tonne équipée d’enfouisseurs, témoigne Gurvan Mancel.
Apporter l’eau et de l’ombre au troupeau
Le changement climatique, ce sont aussi des chaleurs parfois accablantes qui dégradent les performances laitières. Les trois témoins soulignent de ce point de vue le rôle salvateur des haies. De nouveaux linéaires sont implantés, avec des espèces composites comme le noisetier, le chêne, le hêtre pour atténuer l’ardeur des rayons du soleil. Certes, les haies représentent du temps d’entretien en plus. Mais elles peuvent aussi générer des ressources énergétiques valorisables. Cette dimension agroforestière de l’exploitation agricole revêt de plus en plus d’importance au moment où le prix des énergies fossiles flambent et que les arbres participent à la régulation thermique.
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Les bâtiments d’élevage font l’objet aussi d’améliorations. Avec par exemple la mise en place de ventilateurs pour aérer l’ambiance. Lors des journées étouffantes, les vaches restent d’ailleurs en bâtiment chez Romain Perron. Mais c’est surtout l’accès à l’eau de qualité qui est déterminante pour lutter contre la surchauffe estivale. «La production a grimpé d’1l/j/vl» observe Denis Buant depuis qu’il a revu le système d’abreuvement avec des points d’eau à niveau constant et des tailles d’abreuvoirs plus larges. De l’eau en quantité suffisante et en qualité pour tous les animaux (VL, génisses, veaux) facilite le niveau d’ingestion. Et par conséquent, le gain de production de lait ou GMQ. La qualité d’abreuvement a aussi un impact sur la fréquence des métrites selon Gurvan.
Maîtriser la reproduction
Les efforts sont aussi déployés en matière de reproduction. Avec un travail sur la diminution de l’âge au premier vêlage. L’attention est portée à la génomique dans l’exploitation de Romain Perron. La priorité est de cibler les génisses à haut potentiel de manière à pouvoir en diminuer le nombre proportionnellement à l’effectif de vaches présentes dans l’étable.
Toutes ces actions concourent à bonifier l’emprunte carbone des exploitations laitières. Actuellement, la moyenne en lait évolue autour de 0,99kg.eq.CO2/l de lait. Pour les exploitations déjà efficientes sur cet indicateur, telle que celle de l’éleveur morbihannais qui parvient à des résultats très honorables grâce notamment aux 23 km de linéaire de haies sur son exploitation, (191m/ha de SAU), il sera difficile de faire mieux. Et donc d’espérer des marges de progrès susceptibles de générer des crédits carbones.
Toutefois, la motivation essentielle n’est pas d’espérer une rémunération carbone faramineuse. En effet, les témoignages montrent surtout que la performance climatique des élevages, rime généralement aussi avec des performances économiques plus élevées.
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