Le rôle de l’agriculture dans le marché du carbone reste encore nébuleux. À la fois émettrice de gaz à effet de serre (dont le carbone) et stockeuse dans les sols, l’agriculture a un peu de mal à se positionner. Lors du SIMA, la filière agricole a débattu sur ce sujet dans une conférence organisée par ArgIdées et animée par Marie-Cécile Damave. Carole Leverrier, directrice de Terrasolis et responsable des essais réalisés à la base 112, ferme expérimentale près de Reims, nous explique sa démarche. « Nous nous sommes fixé un objectif de réduction de 75% de l’empreinte carbone de notre ferme expérimentale d’ici 2030, lance la directrice. Pour se faire, nous avons augmenté la biomasse sur nos parcelles et allongé les rotations notamment. Aujourd’hui, notre empreinte carbone a été réduite de 30 voire de 40%. C’est bien, mais pas suffisant. »
Empreinte carbone: des efforts pas rentables
Cependant, ces efforts ont un coût. Pour la base 112, ils sont estimé à 50€/ha chaque année. Pour que ce changement ne soit pas uniquement à la charge des agriculteurs, un marché du carbone leur est maintenant accessible. Mais ces efforts ne sont pas suffisants pour qu’ils soient rentables.
« Grâce à nos pratiques, nous économisons 0,7 crédit carbone/ha/an, chiffre Carole Leverrier. Or, sur le marché du carbone, cela équivaut à 30€/ha/an. Même si cela nous a permis de mettre le pied à l’étrier et de se lancer, ce n’est pas suffisant. »
Une déception qui permet de remettre les choses dans l’ordre: réduire son emprunte carbone c’est avant tout éviter d’en émettre, diminuer la quantité et ensuite compenser.
Pour Anaël Bibard, président de l’association Climate Agriculture Alliance, « il y a une réelle accélération de la part des agriculteurs dans leur volonté de réduire leur empreinte carbone, note-t-il. Ils sont plus de 4 500 en France à s’être engagé dans une démarche filière ou dans la revente de carbone. » Certaines filières s’organisent pour proposer des démarches décarbonées et valorisées.
Une situation existante comme point de départ
À l’image de la branche malterie du groupe Soufflet. « Nous avons des programmes qui permettent de poursuivre les techniques d’agroécologie, explique Elodie Collin-Petit, directrice des malteries Soufflet. Ceux-ci ont moins d’impacts sur l’environnement. À notre échelle, nous avons également réussi à réduire notre impact carbone. L’idée est ensuite de valoriser ce malt là dans des bières notamment, Le but est que la démarche vienne jusqu’au consommateur. C’est le cas avec la bière 1664 fabriquée avec ce malt. »
Une réussite qui démontre également l’engouement des consommateurs pour ce type de produit. « Ca parle aux consommateurs, a constaté la directrice. Maintenant, il s’agit de massifier ces démarches pour avoir un impact sur le climat. » Outre ces belles initiatives, la réalité du terrain est toute autre. « On part d’une situation existante, regrette Elodie Collin-Petit. On ne peut pas tout réinventer. »
Tous s’accordent à dire que toutes les filières entre elles, doivent s’engager, s’accorder entre elles et pousser cette démarche jusqu’au consommateur. « Le climat, ce n’est pas un enjeu de individuel mais bien quelque chose de global, lance Anaël Bibard. Il faut compter, qualifier les efforts pour les valoriser au maximum. »
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