Un sol tassé, des fenêtres météo réduites, des semences qui piaffent d’impatience d’être semées pour donner le meilleur d’elles-mêmes… Et sous le hangar de la cuma, cet outil à grandes dents que de rares confrères utilisent pour préparer un lit de semences en un passage. Alors, faut-il céder à la tentation du strip-till ?
Qu’est-ce qu’un strip-till ?
« Avant tout, il faut rappeler ce qu’est le strip-till, et comment est fait un strip-tiller », pose Damien Brun, ingénieur chez Arvalis. « Le strip-till consiste à ne travailler que les futures lignes de semis sur une largeur d’une vingtaine de centimètres. Les inter-rangs ne seront pas travaillés par le strip-tiller. »
Cela pose la question de la gestion de ces bandes non travaillées, notamment concernant la gestion du salissement.
Un strip-tiller n’est pas un décompacteur
Le passage d’un strip-tiller doit à la fois créer de la porosité sur sa profondeur de travail et un lit de semences avec de la terre fine. Cela nécessite une terre ressuyée, une consistance friable.
« Il faut garder à l’esprit que les cultures de printemps sont exigeantes. Elles requièrent un bon contact terre-graine pour leur émergence rapide et homogène, et une bonne structure pour le développement de leurs jeunes racines », rappelle Damien Brun.
Une confusion est à éviter. Bien que les dents de ces outils ressemblent à celles équipant les décompacteurs, elles ne travaillent qu’entre 15 et 20 cm de profondeur. Elles ne conviendront pas pour décompacter un sol en profondeur ou briser des semelles de labour.
« Quand bien même, en strip-tillant dans des situations peu ressuyées, le risque est de remonter des mottes humides et compactes, avertit Damien Brun. Il faut veiller à obtenir un bon émiettement en surface. »

Il existe plusieurs types d’éléments de strip-tiller. Sur celui-ci, le disque tranche les résidus, la première paire de disques crantés les écarte. La dent centrale crée de la porosité en profondeur tandis que la paire de disques ondulés contient le foisonnement de matière sur la ligne de semis. La roue arrière émiette les mottes de surface. (© Carré)
Le strip-till ne s’improvise pas
« La technique du strip-till fonctionne bien pour qui la maîtrise, poursuit l’ingénieur agronome. Il existe de bonnes références sur maïs, sorgho, colza, tandis que c’est plus délicat en betterave. Mais de toute façon, faire du strip-till ne s’improvise pas. »
Une partie de la réussite de la technique réside dans la structuration du sol par le couvert précédent. Attention également à la réglementation, notamment liée au glyphosate. Une parcelle peut recevoir un maximum de 1080 grammes par an de cette matière active. Détruire un couvert, gérer des adventices et des repousses par un travail du sol en plein peut s’envisager, mais ne correspond pas à la philosophie consistant à garder des bandes non travaillées.
Quant au roulage pour la destruction des couverts, il trouvera ses limites en présence de graminées. « La pratique du strip-till est souvent progressive, constate Damien Brun. Elle demande quelques retours d’expériences. »

Combiner strip-tiller et semoir monograine est possible, sur certaines conditions pédoclimatiques. (© Duro)
Et si attendre le ressuyage pousse à imaginer une combinaison strip-tiller + semoir ? « Encore une fois, c’est faisable, mais dans le cadre de conditions précises, observe l’agronome. Cela peut se faire en terrain léger, ressuyant rapidement. »
Des techniques alternatives pour conditions difficiles
Ok, laissons le strip-till à ceux qui savent le faire. Quels autres moyens existent ?
Si la structure nécessite une fissuration mécanique, l’association décompacteur + herse rotative pourra convenir, à condition de ne pas rencontrer de conditions semi-plastiques sur la profondeur de travail.
Certains exploitants utilisent même des ensembles combinant décompacteur, outil animé pour le travail superficiel et semoir monograine.

Si un sol demande une fissuration alors que les semis approchent, l’association entre un décompacteur et un outil animé est efficace tout en requérant une technicité limitée. (© Duro)
Utiliser une machine à bêcher est une option. Elle va fissurer, mélanger les horizons et émietter, à condition d’éviter la remontée de mottes humides qui nécessiteront une désagrégation mécanique ultérieure.
Peut-être qu’une fois les semis de ce printemps terminés, le strip-tiller de vos collègues continuera de vous susciter en vous curiosité et tentation.
Avant de se lancer, il est recommandé de recueillir les retours d’expériences d’utilisateurs et d’organismes de conseils agronomiques et techniques. Pour commencer, partager un outil de strip-till apportera plus de sérénité, car il n’impliquera pas un investissement individuel engageant.
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