Au cours de la conférence de presse du 22 mai organisée par les SAFER, plusieurs chiffres relatifs au marché foncier ont été avancés. D’abord, le prix moyen des terres et prés « libres ». Celui-ci a peu évolué en 1 an : +1,5 %. Mais différemment d’un endroit à l’autre. Il est en léger repli dans les bassins d’élevage allaitant. En revanche, le prix moyen des terres agricoles 2023 grimpe de 4,8 % dans les zones de grandes cultures pour atteindre 7 710 euros/ha. Les bons résultats des exploitations céréalières en 2022, sont à l’origine de cette hausse.
Prix des terres agricoles 2023 : 7 700 €/ha en grandes cultures, 153 500 € en vigne AOP
En vignes, la situation est encore plus contrastée. Parfois même à l’intérieur d’un bassin. Le vignoble Bordelais, le Languedoc ou le Cognac, confrontés à la crise du vin rouge ou de l’eau de vie, accusent le coup, avec des valeurs en baisse. Alors que dans d’autres crus, comme le Beaujolais ou le Champagne, les prix caracolent toujours … En 2023, le prix moyen d’un hectare de vignes en AOP atteint 153 500 €.
La propriété foncière est de plus en plus le fait de sociétés. Et il n’était pas jusqu’ici possible d’évaluer l’ampleur des cessions (souvent partielles) de parts sociales correspondantes à des actifs fonciers. Pour la première fois, la SAFER a analysé les données remontées avec le nouveau cadre juridique instauré par la loi dite « Sempastous », entrée en application début 2023.
« La loi Sempastous apporte de la transparence sur plus de 900 000 hectares concernés par une opération sociétaire au cours de l’année 2023 » indique Emmanuel Hyest, Président de la Fédération Nationale des SAFER. Si une majorité des cessions de parts ont lieu entre membres d’une même famille, une fraction importante concerne des associés sans liens familiaux.
Prix moyen des terres : 4 750 €/ha de forêt
Dans ce registre, signalons aussi la proportion importante des surfaces de forêts acquises par des personnes morales privées (groupements forestiers, institutionnels, …). Cela représente 43 % des superficies achetées. En 2023, le prix moyen national des forêts est de 4 750 €/ha, +5,2 %. Et pour les forêts de plus de 25 ha : 5 800 €/ha, +10,3 % !
A l’inverse, le prix des maisons de campagne fléchit dans un contexte de remontée des taux d’intérêt (x4 en 2 ans). En moyenne, un lot comprenant 5 200 m², est vendu 202 000 euros (-4,1 %).
17 000 ha détournés de l’activité agricole
L’artificialisation des terres semble fléchir se félicitent les SAFER avec seulement 12 900 ha (-29 %) urbanisés en 2023. Mais cette tendance apparente ne reflète pas le changement de vocation des terres agricoles, qui s’opère de manière masquée.
« Il s’agit de parcelles agricoles connaissant un détournement d’usage après leur vente. Soit pour des loisirs, pour la mise à distance du voisinage, le stockage illégal, un aménagement illicite, l’anticipation de l’urbanisation. Ces terres sont acquises par des non agriculteurs. Il s’agit en majorité de lots de petite taille, près de 3/4 des lots de moins de 1 ha » précise la FNSAFER. Cela représenterait 17 000 ha en 2022. Contre 10 000 en 2012 !
Prix des terres agricoles 2023 : un risque de financiarisation du marché foncier
Enfin, Emmanuel Hyest, s’inquiète de l’impact sévère sur les prix des terres agricoles qu’aurait pu générer les nouveaux groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI), qui étaient prévus initialement dans la Loi d’orientation agricole. Ces nouvelles structures sensées faciliter le portage foncier, risqueraient d’attirer des investisseurs motivés surtout par les perspectives de profit. Or la rentabilité espérée avec le foncier ne peut être acquise par les seuls loyers des terres. (Aujourd’hui, le rendement locatif brut atteint seulement 2,84 %). Mais aussi par les plus-values potentielles, réalisables lors de la revente du foncier. De quoi alimenter la spéculation foncière. Et par voie de conséquence, de compliquer encore plus l’installation des jeunes agriculteurs.
Cette préoccupation est partagée par le réseau associatif Terre de Liens. Chiffres à l’appui : « Chaque année 21 000 candidats à l’installation se présentent aux chambres d’agriculture, seulement 13 000 parviennent à s’installer ».
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