« Le cheptel allaitant a perdu 12 % de ses effectifs sur les 5 dernières années. La montée des prix observée suffira-t-elle à redonner de l’attractivité au métier et une rentabilité à l’élevage français ? » interroge le think-tank Agriculture – Stratégie dans un long article sur le sujet paru sur son site. « Désormais, la viande bovine importée représente 25 % de la viande bovine consommée en France », s’inquiètent les auteures Alessandra Kirsch et Lore-Elen Jan. La décapitalisation bovine se poursuit.
La décapitalisation bovine se poursuit
Ce n’est pas une tendance nouvelle. Mais elle s’accélère brutalement. Pas seulement pour les vaches laitières dont le nombre est passé à 3,4 millions en 2022. Contre 4,42 millions en 2000. Le cheptel de vaches allaitantes, décline lui aussi depuis 2017. Elles étaient 4,1 millions de vaches nourrices en juillet 2016. Elles ne sont désormais que 3,6 en juillet 2022. Soit -12 % en 5 ans.
La décrue est particulièrement marquante dans les bassins historiques : Pays de la Loire, Limousin et Pyrénées. Désormais, le nombre d’exploitations bovines laitières est passé de 128 à 74 milliers entre 2000 à 2020. Et les exploitations avec des bovins allaitants, sont passées de 167 à 122 milliers sur la même période.
Viande bovine : une balance commerciale en berne
« La France restant pour l’heure le premier producteur européen de viande bovine. La pénurie d’offre française issue de cette décapitalisation engendre une augmentation des cotations, qu’on a pu observer de façon flagrante cette année », analyse Agriculture-Stratégies. Dans sa note de conjoncture, l’Idele détaille : « Les cheptels ont été considérablement réduits depuis le printemps avec très peu de primipares ayant intégré les troupeaux. Les abattages de femelles allaitantes sont en retrait. Les producteurs laitiers retiennent de nouveau leurs vaches pour profiter d’un prix du lait qui redevient stimulant. Les jeunes bovins sont eux aussi peu nombreux et très convoités. Les prix restent bien orientés. »
Conséquence : Les abatteurs s’inquiètent. Leurs outils ne sont plus saturés et on observe une baisse d’activité de l’ordre de 4 % faute de disponibilités suffisantes. Certes, la cotation de la vache U à 5,74 €/kg de carcasse (semaine 45) est bien au-dessus (+18 %) de la cotation 2021. Mais, cela ne permet toujours pas de passer au-dessus du coût de production de 5,82 €/kg pour la vache de type viande établi au premier semestre 2022 par l’Idele. En clair : malgré la hausse des prix de la viande bovine, on n’arrive pas à rémunérer un éleveur à hauteur de 2 SMIC. Même si les performances économiques diffèrent en fonction des systèmes d’élevage. Les deux auteures notent aussi que l’augmentation du prix de la viande bovine doit faire face à un consentement à payer du consommateur assez limité en période inflationniste.
Importations en hausse et nouvelle PAC peu encourageante
Parallèlement, la part des produits importés dans les produits consommés pour la viande bovine augmente. Elle passe à 25 % pour les huit premiers mois de 2022 (contre 22 % en 2019, avant la pandémie), au sein d’un pays qui avait pourtant la capacité de s’autoapprovisionner… La décapitalisation n’est pas exclusive à la France. Elle s’observe dans une partie de l’Europe. La Belgique est le pays dont le cheptel diminue le plus (-4,8 %), devant le Portugal (-2,5 %), la France (-2,5 % sur la même période) et l’Espagne (-2,4 %).
Les simulations calculées par l’Idele, montrent que les exploitations bovines allaitantes perdront en moyenne 3 % d’aides du premier pilier. La baisse des aides couplées ne sera pas suffisamment compensée par les effets de la convergence globalement favorable aux éleveurs allaitants et le rééquilibrage induit par l’écorégime. Contrairement aux élevages laitiers qui conserveront leur niveau moyen d’aides directes. Cette nouvelle PAC risque donc d’accentuer les difficultés du secteur allaitant. Et donc, prolonger la décapitalisation bovine.
Conséquences de la décapitalisation bovine sur les paysage, l’emploi, la souveraineté alimentaire…
En conclusion, Allessandra Kirsch et Lore-Elene Jan observent que l’élevage fait aujourd’hui face à des enjeux importants. Que ce soit la volatilité des coûts de l’alimentation, les sécheresses récurrentes, la désaffection des jeunes qui aspirent à une vie libérée des astreintes. Même si la contractualisation peut amener certaines réponses… Cet enjeu dépasse le seul maillon des exploitations bovines : « La compétitivité du produit final dépend en effet aussi de la compétitivité des abatteurs et des transformateurs, qui éprouvent des difficultés à saturer leurs outils. Les enjeux s’étendent au-delà des seuls secteurs laitiers et allaitants. Le maintien des cheptels est nécessaire à la valorisation des prairies, des bocages, des paysages, qui risquent de disparaître faute d’entretien dans les zones où l’élevage se retirera. De nombreux emplois sont également liés à ces filières. Et c’est aussi notre capacité d’auto-approvisionnement, et donc de souveraineté alimentaire, qui sera à terme remise en question. »
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