« Dans le passé, une pratique consistait à planter des rangées d’abricots entre des rangs de vignes. C’était le moyen d’engranger deux récoltes tout en atténuant les risques de brûlure des raisins par le soleil côté couchant ». Pierre Escudié, propriétaire du domaine de Nidolères à Tresserre (66), relativise la portée de son projet agrivoltaïque. C’est pourtant une première mondiale dans le secteur viticole. Enjeux du XXIe siècle oblige, les kWh remplacent les abricots mais la production de raisin sera bel et bien préservée, ce que n’aurait pas permis une centrale solaire au sol. Préservée et améliorée. « Le réchauffement climatique est une réalité, poursuit le viticulteur. Sur le pourtour méditerranéen, elle se traduit notamment par une accélération de la maturité. Résultat : nos vins sont très flatteurs la première année mais ils se dégonflent vite. L’ombre portée des panneaux devrait avoir une incidence positive sur la physiologie de la vigne ». L’irrigation sera l’autre élément de régulation climatique déployé sur le site.
Panneaux orientables
Le projet est piloté par Sun’R, une entreprise spécialisée dans l’installation et l’exploitation de centrales photovoltaïques et qui travaille sur deux démonstrateurs depuis 2009. Sun’R prend en charge l’intégralité de l’investissement et encaisse en contrepartie le fruit de la vente d’électricité pendant 30 ans. L’installation étant réalisée sur une parcelle en jachère depuis environ 10 ans, le vigneron va voir la surface de son vignoble passer de 25 ha à 32,5 ha.
L’énergéticien pilotera à distance l’orientation des panneaux. Les paramètres physiologiques primeront sur les contingences énergétiques. L’Inra, Irstea, la Chambres d’agriculture du Roussillon ainsi que la station viti-vinicole expérimentale de Tresserre (66) sont associés au projet pour en superviser la partie agronomique. C’est ce qui explique la réalisation de parcelles témoins destinées à comparer l’impact de l’ombrage sur la physiologie de la vigne et sur les caractéristiques des vins, micro-vinifications à l’appui. Le vigneron réalisera de son côté des cuvées distinctes.
Un microclimat régulé
Cépages, densité, écartements : quelques éléments restent à préciser dans le cahier des charges du projet, qui devrait sortir de terre fin 2016 début 2017. Deux rangées de vignes alterneront sous une rangée de panneaux, perchés à 4 m de hauteur pour autoriser le passage de la machine à vendanger. « C’est un projet magnifique, y compris au plan paysager, s’enthousiasme Pierre Escudié. Je ne sais pas si le projet fera école. Il faudra peut-être attendre les premiers résultats. Le vigneron a toujours l’obsession de maîtriser la météo. L’ombrage et l’irrigation vont y participer. Il ne manquerait plus que des cépages résistants pour parfaire le bilan global de l’opération ».
Ce taux d’ombrage doit permettre de concilier les rendement de la photosynthèse et des panneaux solaires. La primeur donnée à la photosynthèse sur la production d’énergie entamera le rendement énergétique de 10 %. Sun’R estime à 30 % le surcoût lié à la surélévation et à la rotation des panneaux, la densité de panneaux étant identique à celle d’une station au sol tracker (avec suivi du soleil). Ce premier démonstrateur mondial, qui mobilise encore beaucoup d’investissements en recherche et développement, s’inscrit dans la stratégie de Sun’R, en étant à la croisée d’enjeux fonciers, énergétiques et alimentaires. La puissance est de 2 MWc.