Quelle stratégie pour renouveler l’ensileuse de la cuma ? Quel est le seuil de rentabilité d’une ensileuse ? Ou encore, comment facturer les adhérents ? Les réponses de Michel Seznec, expert ensilage pour le réseau cuma Ouest.
Quel regard portez-vous sur les renouvellements d’ensileuses dans les cuma ?
On distingue deux grandes catégories. D’une part celles qui font vieillir leurs machines sur de très longues périodes et facturent au plus bas. C’est-à-dire juste le minimum pour payer les charges directes, dont l’annuité d’emprunt lorsqu’il n’est pas soldé. Celles-ci connaissent en général plus de difficultés pour financer le changement de leurs machines lorsque celles-ci sont arrivées au bout. Sauf si les surfaces restent au rendez-vous. D’autre part, celles qui anticipent un renouvellement régulier et pratiquent des tarifs légèrement supérieurs aux seuls besoins de trésorerie. Elles ont alors moins de difficultés. Si par exemple, l’emprunt sur l’ensileuse est terminé et que la cuma garde encore sa machine un ou deux ans, elle ne va pas pour autant brader le prix facturé aux adhérents. Cette stratégie a l’avantage de lisser les prix de la prestation et d’anticiper au mieux les aléas.
Des groupes ayant des surfaces modestes, ont des difficultés de renouvellement du fait de l’inflation des prix des machines ?
On trouve de moins en moins de petits modèles d’ensileuses automotrices sur le marché. Le ticket d’entrée d’une machine neuve est rarement en-dessous de 300.000€. Les prix du neuf des ensileuses prend en moyenne 10.000€/an malheureusement. En cas de reprise de l’ancienne machine autour de 100 à 150.000€, la soulte à verser sera encore de 150 à 200.000€. Voir plus.
Prix d’une ensileuse neuve : +10.000€/an
Pour moduler l’impact financier, la cuma peut envisager de rallonger la durée d’emprunt de manière à diminuer le montant des annuités. En outre, la fiabilité des ensileuses actuelles permet d’envisager de les faire vieillir un peu plus. Avant, pour une ensileuse, les cuma empruntaient souvent sur six ans. Désormais c’est plus souvent sept.
Parallèlement, la cuma peut choisir de rallonger la durée d’amortissement pour éviter un déficit comptable sur l’activité. Ce rallongement est cohérent si la machine concernée récolte peu d’hectares. En effet, l’ensileuse aura moins de vétusté qu’une machine semblable de même puissance et de même âge, qui tournerait davantage. Sa valeur sur le marché de l’occasion sera donc vraisemblablement un peu plus élevée. Malgré le fait que la cote est majoritairement fixée par l’année de mise en service.
Quel seuil de surface pour l’achat d’une ensileuse neuve ? Quel est le seuil de rentabilité d’une ensileuse ?
Dans notre zone du sud Loire, on considère que le dimensionnement des machines varie autour de 1 ha/ch. A titre indicatif, on considère qu’en-dessous de 250ha de maïs et 200ha d’herbe (450ha au total), il est difficile d’amortir une ensileuse neuve. Mieux vaut alors étudier d’autres scénarios. Par exemple un rapprochement avec un autre groupe d’ensilage. Ou l’acquisition d’une machine de démonstration qui bénéficie généralement d’un rabais. Ou encore l’achat d’une machine d’occasion.
Seuil de rentabilité d’une ensileuse : difficile d’amortir une machine neuve sous les 450ha
Les adhérents hésitent parfois à s’engager sur le moyen terme. Comment faire ?
Par prudence, il est conseillé de partir sur des volumes qui soient assurés dans le temps. Mais dans les tours de table organisés à l’occasion des projets de renouvellement, il est parfois difficile d’avoir des engagements de surfaces suffisants au-delà de la troisième ou de la quatrième année. Les éleveurs ne sont pas toujours sûrs en effet de l’évolution de leur exploitation à moyen terme.
Dans ces cas-là, le projet risque de tomber à l’eau. Il appartient naturellement à chaque groupe de décider de la meilleure solution. Toutefois, il apparaît clairement que les cuma qui disposent de fonds propres importants sont mieux placées pour appréhender la prise de risque.
A court terme, la moyenne des surfaces ensilées par les adhérents au cours des deux dernières années peut servir de base d’engagement. A moyen terme, certaines cuma qui n’ont pas d’engagement précis au-delà de quatre ans décident néanmoins de renouveler leur machine malgré les engagements partiels sur la durée.
Mais au préalable, elles essaient d’évaluer les scénarios à venir. Tout en sachant que cette activité est souvent fédératrice du groupe.
1 / La surface ne change pas, dans ce cas, l’activité se poursuit.
2 / Les surfaces baissent modérément, mais l’impact sur le coût/ha demeure limité et la poursuite de l’activité est acceptable.
3 / La surface décroît fortement, et le groupe doit imaginer d’autres hypothèses.
Attention aux conséquences de l’arrêt de l’activité ensilage
Ainsi, quelques questions à se poser : quel est le risque réel pris par le groupe ? La valeur marchande de revente de la machine estimée au bout des quatre ans couvrira-t-elle le capital d’emprunt restant dû et les parts sociales aux adhérents concernés ? Si ce n’est pas le cas, l’arrêt de l’activité mettra la cuma en situation financière délicate.
Toutefois, un arrêt d’activité ensilage peut avoir d’autres conséquences. Notamment sur l’emploi, l’entraide et la dynamique de la cuma.
Les cuma qui peinent à garantir suffisamment d’engagement d’activité peuvent opter pour des prêts bancaires modulables de un ou deux ans, de manière à alléger la charge, en ajustant le montant des annuités dans le cas où les surfaces ensilées annuelles diminueraient. Certes, le taux d’intérêt de l’emprunt sera peut-être renchéri de 0,1 ou 0,2 point, mais cette précaution peut sécuriser les groupes indécis lors du lancement du projet.
Quels conseils donneriez-vous aux groupes qui sont en réflexion d’achat ?
D’abord, prioriser les points-clés jugés techniquement essentiels, comme la qualité du bec. Et évaluer les options proposées en fonction de leur utilité réelle. Prendre garde aussi à ce que les rabais commerciaux proposés par le vendeur ne soient pas un prétexte pour doter la machine neuve de pièces d’usure de moins bonne qualité.
Dans le prévisionnel, comparer à la fois l’évolution du prix de revient à l’heure rotor mais aussi celui du prix hectare. Car si la nouvelle machine assure un meilleur débit, le prix horaire sera peut-être plus élevé, mais pas forcément le prix ramené à l’hectare. Si le débit de la nouvelle machine est plus élevé, il faudra reconsidérer l’ensemble du chantier en réévaluant les moyens disponibles pour le transport et le tassement. Cette réflexion globale est indissociable d’un projet de renouvellement axé sur une machine plus puissante.
Sur quel système de facturation partir ?
Par souci de simplicité, les cuma facturent généralement à l’heure rotor. A la rigueur, dans des groupes aux cultures homogènes, un tarif à l’hectare peut être pratiqué. En moyenne, on considère qu’une heure machine correspond à deux heures de main d’œuvre : une heure de conduite et une heure de temps de déplacement entre chantiers, de réglage aux champs et d’entretien quotidien ou hors saison.
Les tarifs pratiqués en cuma sont souvent les mêmes selon les types de culture, herbe ou maïs, même si le prix de revient est souvent un peu plus onéreux en maïs compte-tenu du prix du bec. Par contre, le prix de revient des chantiers herbe en andains regroupés peut connaître des augmentations liées aux risques plus élevés d’absorption de cailloux.