Ils sont aujourd’hui quinze. Quinze pour trois semoirs, à la cuma gersoise d’Embezues, à Durban. Début de l’histoire et premiers chantiers semis direct en 2007 avec un Sulky Unidrill. Un groupe de cinq adhérents alors, sur la vingtaine que compte la cuma. «La motivation originelle concernait pour l’essentiel les sur-semis sur prairies», explique Jean-Philippe Lescure, président de la cuma. «Mais il nous fallait tabler sur un engagement d’environ 250ha pour le rentabiliser correctement, ce qui nous a conduits à chercher d’autres adhérents.»
Par exemple dans la cuma de Besmaux, dont le président, Henri Barbé, possédait plusieurs années d’expérience en matière de semis direct. «Je travaillais avec des entreprises. Intégrer un groupe constitué dans une cuma représentait une opportunité.» Une expérience utile dans la perspective d’un élargissement de la pratique aux cultures d’hiver, blé derrière maïs, tournesol, puis aux couverts. «Essentiellement pour s’abstraire d’un travail du sol toujours compliqué à ce moment et limiter l’érosion sur les parcelles en pente.»
Un, deux, trois semoirs …
Cette démarche se traduit par l’achat d’un second semoir, un Aurensan, puis un troisième de la même marque, en 2016, pour un investissement d’environ 75.000€ (avec 40% de subventions). Le Sulky est conservé en appoint. «Le principal avantage des Aurensan réside dans le montage des disques, inclinés, qui assurent une meilleure pénétration et évite les résidus dans les sillons.»
Un avantage, mais aussi un inconvénient pour un certain nombre d’adhérents passés en bio, explique Jean-Philippe Lescure. «Ce semoir ne passe pas sur les sols préparés et n’est pas adapté aux pratiques bio.» Ainsi, un des deux Aurensan est revendu et remplacé, début 2017, par un Väderstad. «Bien adapté aux semis rapides, sa simplicité et sa robustesse, mais aussi une trémie de grande capacité, près de 3000 litres, représentent des atouts réels.»
Au bout du compte, l’engagement des quinze représente actuellement 450ha pour les trois semoirs. Dont 200ha pour le Väderstad, utilisé (entre autres) par les bio, 100ha pour l’Aurensan, porté donc bien adapté pour le travail dans les pentes, et 100ha aussi pour le Sulky, toujours utilisé notamment, pour les sur-semis de prairies. Avec une facturation, pour tous les semoirs, en trois volets : 246€ à l’adhérent, 9,50€/ha engagé et 13€/ha semé. Et des résultats tout à fait comparables aux semis «classiques». «Les effets sur l’érosion sont très nets», ajoute Eric Mothe, responsable du Väderstad. «En peu de temps, j’ai pu constater que les drains sur les parcelles en pente coulaient clair.»
En suivant l’ensilage
La cuma du Lavedan Vallées, dans le pays de Lourdes, est une cuma d’envergure avec la bagatelle de 250 adhérents. Le semis direct est une pratique liée à l’histoire de la cuma. Elle est en effet quasiment née avec la création de cette dernière, au milieu des années 80. «Le troupeau laitier était alors en plein boum», indique le président, Jean-Luc Labordes. «L’intérêt résidait surtout dans les semis de ray-grass en dérobé après l’ensilage de maïs pour faire de l’ensilage d’herbe au printemps.»
La cuma, avec un groupe d’une vingtaine d’ahérents, s’équipe alors d’un Sulky Unidrill. Aujourd’hui, ils en sont à leur cinquième semoir, un Sky (marque succédant à Sulky) de 3m, acheté environ 40.000€ en 2013, avec une cinquantaine d’utilisateurs. «Le principe reste le même: semis de ray-grass après les maïs, quelques céréales, auxquels s’ajoutent désormais des couverts, laissés en engrais vert ou utilisés en apport protéique pour les animaux, et un peu de recharge de prairies au printemps.» Une évolution liée à l’obligation réglementaire, nombre de parcelles se trouvant en bassin versant.
Si, auparavant, chaque adhérent prenait directement en charge, le semoir et les semis, les choses ont changé depuis cinq ans avec la création d’un service intégrant tracteur et chauffeur. «Auparavant, on était parfois confronté à de la casse. Avec le service complet, cette question a été résolue.» Pour Denis Domec, le chauffeur, le nombre d’utilisateurs ne représente pas un problème majeur. «On sait exactement où il faut intervenir. Et on est calé sur l’ensilage. Si l’ensileuse ne tourne pas, le semoir non plus. Le fait de disposer d’un hangar avec un atelier est aussi un avantage.»
Si la cuma est restée fidèle au Sulky et son successeur, c’est en raison de sa maniabilité. Mais aussi de sa facilité de réglage et sa simplicité de prise en main. Quelques points faibles cependant: la durée de vie des pièces et leur coût. Le semoir «traite» aujourd’hui près de 300ha. Pour un coût de 1,10€/minute, tracteur, semoir et chauffeur compris. «Il était plus logique de faire une estimation au temps. Vu la grande diversité de taille des parcelles, une tarification à l’hectare aurait été trop aléatoire.»
Bons résultats si bonnes conditions
«Le choix du semis direct, il y a environ 8 ans, était lié à la volonté de limiter le travail du sol pour implanter les cultures d’automne et les couverts sur les cultures d’été. Une obligation compte tenu que nous sommes, dans la vallée, en zone vulnérable. Et un intérêt pour les éleveurs en terme d’apport en protéines», explique Guy Doléac, vice-président de la cuma d’Antin, près de Trie-sur-Baïse, responsable du semoir.
Une douzaine d’adhérents, de la cuma d’Antin et de celle, voisine, de Mazerolles, sont aujourd’hui regroupés autour d’un Séméato de 3m à distribution pneumatique, un investissement de 39.500€. Un matériel choisi pour sa simplicité, ne nécessitant que peu d’entretien. «Nous n’avons changé qu’une fois les disques enfouisseurs. Seul inconvénient, disposés en V, ces disques manquent de précision pour la profondeur.» Le semoir est donc spécifiquement mis à contribution pour les semis d’automne, méteil, céréales, couverts, auxquels s’ajoute un peu de recharge pour les prairies, pour une surface totale de 140ha.
Une surface qui s’est maintenue malgré l’évolution des systèmes de production, avec l’arrêt d’un certain nombre d’élevages laitiers. «Quelques-uns se sont mis en retrait mais d’autres ont pu augmenter les surfaces pour compenser. C’était un impératif pour ne pas dépasser le prix plafond que nous nous étions fixé avec un objectif de 40€/ha. Actuellement, nous sommes à 42€/ha. Et chacun paye en fonction de son engagement, même s’il n’utilise pas le semoir à hauteur de celui-ci. En conventionnel le coût d’implantation, avec un travail plus important, serait supérieur.»
Si les résultats sont bons, de bonnes conditions de semis demeurent un impératif, précise Guy Doléac: «Il est préférable de semer sur un sol sec ou ressuyé. Pour les semis d’automne, ça passe bien mais après la mi-octobre, cela peut s’avérer plus compliqué.»
Article extrait du numéro spécial Entraid’ Gers – décembre 2019.
EN COMPLEMENT: Semis direct, l’exemple du Canada.