D’une année sur l’autre, les variations météorologiques génèrent des fenêtres d’intervention plus ou moins larges pour les opérations délicates des semis et des récoltes de maïs. Elles impactent aussi les rendements et donc les résultats économiques des cultures, en particulier la fréquence accrue des sécheresses. Ainsi, alors que le rendement national en maïs grains était bien en dessous de 9t/ha en 2020 et 2019, il pourrait allégrement dépasser 10t en 2021 grâce à une pluviométrie estivale généreuse.
Pour assurer leur revenu face à ce risque plus prononcé, les agriculteurs cherchent à réduire les coûts, au niveau des intrants mais aussi de la mécanisation et de la main-d’œuvre. «Tout le monde veut gagner du temps et tous les constructeurs proposent désormais des semoirs à maïs rapides, observe Fabien Lafitte, conseiller machinisme à la fdcuma 640 (Pyrénées-Atlantiques et Landes). Si les outils de grande largeur restent encore minoritaires, la vitesse de semis à 12km/h se généralise en revanche. Autrefois, les semis de maïs s’étalaient sur trois à quatre semaines. Aujourd’hui, tout est fait en deux semaines, et de façon beaucoup plus précoce entre fin mars et mi-avril».
Chaque année, un « pari sur la météo » pour les semis de maïs
Si elle n’est pas sans risque pour un démarrage rapide de la culture, la précocité des semis de maïs dans le Sud-Ouest vise une floraison en juin afin d’éviter le stress hydrique estival. Une stratégie d’esquive indispensable en l’absence d’irrigation. Mais utile aussi aux irrigants en raison du coût de l’eau et du dimensionnement parfois insuffisant du système d’arrosage en cas de sécheresse marquée comme en 2020. Les semis précoces permettent aussi de récolter un maïs plus sec, et donc d’économiser des frais de séchage; ou d’obtenir davantage de rendement en choisissant une variété plus tardive.
«Les dates de semis sont très variables en fonction des régions, de la culture à suivre dans la rotation, ainsi que du précédent. Par exemple un méteil chez un éleveur, résume Thomas Joly, animateur de la filière maïs chez Arvalis. Chaque année, c’est un pari sur la météo, raisonné surtout en fonction du stade critique de la floraison. L’idéal est de panacher les précocités des variétés pour étaler les risques et les chantiers.»
Des rendements comparables
Globalement, entre équipements individuels et collectifs, le parc français de semoirs à maïs est plutôt de bon niveau et offre «une bonne force de frappe» en termes de disponibilité pendant les fenêtres de semis, d’après Thomas Joly. À propos de la stratégie de renouvellement des semoirs à maïs pour une optimisation du parc, il estime que les deux enjeux prioritaires sont: l’harmonisation des écartements inter-rangs avec d’autres cultures pour améliorer l’amortissement, et la réduction de la dépendance aux herbicides.
«Sachant que le matériel est de plus en plus coûteux, est-il vraiment pertinent d’investir individuellement dans un semoir 6 rangs avec un écartement inter-rangs de 80cm uniquement pour la culture du maïs? Une question que se pose lui aussi Kévin Gallien, conseiller machinisme à la fdcuma du Loiret. Le semoir à écartement de 50cm est beaucoup plus polyvalent. En effet, il peut s’utiliser en maïs, mais aussi en betterave, tournesol, colza, etc.»
Rendement maïs: l’écartement à 60cm en pole position
Les essais menés par Arvalis montrent des rendements comparables entre des maïs à écartement réduit (40-60cm) et à écartement classique (75-80cm), à condition de respecter la densité de semis en lien avec le potentiel de rendement des parcelles. «Nous voyons de tout sur le terrain, indique de son côté Fabien Lafitte. Il y a en effet un engouement pour l’écartement à 60cm et cela donne de bons résultats. De plus, cela peut limiter le développement des adventices en refermant plus vite l’inter-rangs. C’est pourquoi les agriculteurs recherchent des châssis télescopiques permettant de semer en rangs écartés de 37,5 à 75cm.»
Cependant, le frein à la réduction de l’écartement inter-rangs en maïs réside dans les équipements de récolte existants. «Dans le Loiret, beaucoup d’agriculteurs utilisent encore des becs cueilleurs avec un écartement de 80cm, souligne Kévin Gallien. Ils sont parfois en fin de parcours professionnel et ces outils sont amortis. Mais la situation évolue: des ETA et des agriculteurs proposant des prestations commencent à s’équiper en 50cm.»
Dans le Sud-Ouest, Fabien Lafitte rencontre même des maïs semés en direct à 40cm et récoltés à raison de deux rangs par bec cueilleur.
Pouvoir tester le semis direct sur le maïs
L’harmonisation des écartements inter-rangs doit donc être réfléchie entre les cultures d’une exploitation ou des adhérents d’une cuma, mais aussi entre les outils. Et cela concerne notamment le binage de plus en plus plébiscité par les agriculteurs comme alternative au désherbage chimique. «Comme le semoir, la bineuse a intérêt à être utilisée sur un maximum de cultures pour réduire son coût à l’hectare, suggère Kévin Gallien. Cela permet en outre un gain de temps, car l’outil reste attelé à un tracteur pendant toute la saison des travaux. Dans le Loiret, l’investissement des cuma dans la traction pour offrir une prestation globale est d’ailleurs une nouvelle tendance.»
Pour Fabien Lafitte, le recours à la bineuse est aussi un moyen de valoriser la technologie de guidage par GPS équipant de plus en plus souvent les tracteurs.
Les semoirs monograine à maïs n’échappent pas non plus à l’évolution technologique. Outre le gain de rapidité, les conseillers des cuma constatent aussi une recherche de précision avec le développement de l’entraînement électrique de la distribution des semences, de la modulation de dose et de la coupure de tronçons. «Dans certains cas, les agriculteurs veulent aussi avoir la possibilité de tester le semis direct avec un outil polyvalent, précise Fabien Lafitte. Tous ces nouveaux outils sont intéressants pour satisfaire les différents besoins au sein d’un groupe. Ils sont aussi beaucoup plus coûteux: entre 7.000 et 10.000€ par élément semeur.»
Stade de développement du maïs grain en France (% surface)
En raison des sécheresses estivales plus fréquentes, les semis de maïs se font plus précocement quand le précédent le permet, et visent à esquiver le stress hydrique au moment du stade critique de la floraison.
Rayons X
Cet article et ses données sont issus d’un travail d’enquête et d’étude économique publié dans l’univers Rayons X en Décembre 2021. Trois semoirs sont passés au scanner économique de la rédaction d’Entraid. Restez connectés, le dossier sera mis à jour tout au long des mois de Janvier et Février.