Le contexte climatique et agronomique de cet été a interrogé beaucoup d’agriculteurs sur leurs rotations et les cultures à implanter. Les semis de couverts végétaux en font partie et ont suscité de nombreuses questions: est-ce que cela va lever? A quel prix? Ils ont même été dans, certains cas, l’objet de dérogation ou de décalage de dates de semis. Deux agriculteurs expliquent leur raisonnement.
Simplifier les semis de couverts végétaux pour Geoffrey Wirquin, agriculteur à Saint-Folquin
« J’exploite une cinquantaine d’hectares à proximité des wateringues (canaux d’eau), mais je n’ai pas l’habitude d’irriguer mes parcelles. Tous les ans, je sème une quinzaine d’hectares de couverts végétaux. Principalement avant la culture de betteraves et du maïs grain. La majeure partie est déclarée en SIE (surfaces d’intérêt écologique). Dans les années habituelles, j’essaye d’implanter des mélanges d’espèces afin d’obtenir un intérêt agronomique sur ma parcelle. J’achète quatre à six espèces différentes que je mélange: trèfle, moutarde, radis, phacélie, féveroles… J’en ai pour environ 70€/ha.
Cette année, avec le temps sec, j’ai adopté pour une autre stratégie. Même si mi-juillet j’avais fini ma moisson, j’ai attendu les premières pluies pour mettre les pieds dans les champs. Entre temps, je me suis posé beaucoup de questions. Comment allais je semer mes couverts? Allaient ils lever? Car sans une ondée, je m’imaginais ne pas en implanter. J’ai aussi décidé de simplifier mes couverts en utilisant des mélanges à base de deux espèces et moins chères pour limiter les risques. J’ai donc acheté les semences en conséquences de cette stratégie.
Des couverts végétaux à 50€/ha au lieu de 70
Début septembre, la pluie arrive enfin. J’ai donc pu aller travailler mes parcelles au déchaumeur avec un premier passage pour tenter de réaliser un faux semis, car j’ai une grosse problématique de vulpins. Ensuite, j’ai réalisé un deuxième passage et semer mes intercultures grâce au Delimbre qui y est apposé. J’ai ainsi semé 7ha de moutarde et de féveroles et 5ha d’avoine et de trèfle pour mes SIE. Pour le reste, soit 2ha, j’ai tout de même tenté un mélange de Cipan plus agronomique avec de l’avoine, de la moutarde, un peu de phacélie que j’avais en stock et de la féverole. Au total, j’ai atteins les 50€/ha de semences.
J’estime le coût d’implantation à environ 30€/ha. J’aurai pu choisir d’utiliser le semoir direct de la cuma à laquelle j’adhère, mais le coût était de 35€/ha hors carburant. Sans avoir la certitude de lever, je n’ai pas pris le risque d’engager autant d’argent dans mes intercultures.
C’était au 10 septembre et depuis, les parcelles sont régulièrement arrosées. Les couverts se développent relativement bien, même si je n’aurai pas la quantité de biomasse que je pourrais espérer. Quelques jours plus tard, le 13 septembre, le préfet publiait une dérogation. Elle permettait de décaler les semis du 15 septembre au 1er octobre. Même si je n’ai pas de regret sur ma stratégie, car il a plu et c’est finalement une belle réussite, c’était dommage de l’apprendre si tardivement. L’intérêt agronomique aurait été plus important si nous avions pu utiliser une plus longue période pour réaliser des faux semis. »
Prise de risques pour Olivier Larue
« Je suis agriculteur à Landrethun-lès-Ardres, et j’implante une quarantaine d’hectares de couverts végétaux en interculture. J’ai pour habitude de les semer juste après la moisson, pour avoir le plus de biomasse possible et qu’elle ait le plus d’intérêt pour les sols. Je n’apporte pas de fumier, alors j’essaye de compenser avec les couverts.
Cette année, j’ai donc réalisé mes semis de couverts végétaux au 29 juillet avec le semoir direct de la cuma. Le sol était très sec et les dents avaient du mal à le pénétrer malgré le poids du semoir. J’ai reçu quelques millimètres d’eau en août, mais pas suffisamment pour faire germer les graines. Finalement, elles ont levé début septembre après les pluies plus conséquentes.
Semis direct
Je suis resté sur le même mélange. À vrai dire, j’avais espoir qu’il pleuve avant… mais on n’est toujours plus malin après. J’ai donc implanté un mélange d’avoine, de féveroles, de moutarde, de phacélie et de tournesol à environ 65kg/ha. J’utilise une densité de semis de couverts végétaux assez élevée pour ne pas laisser de place aux mauvaises herbes. Au total, les semences m’ont coûté environ 60€/ha. Le coût d’implantation, je l’évalue à 30€/ha avec moins de temps passé et une consommation de GNR moindre.
Toutefois, le résultat escompté n’est pas là. D’habitude à cette époque, les couverts font 50cm de haut, cette année ils mesurent entre 5 et 10cm. Quant à la matière sèche, elle risque d’être divisée par quatre. Mon investissement ne sera pas rentabilisé cette année. J’en suis déçu. »
Plusieurs dérogations en vigueur
Face à la sécheresse, des dérogations ont été émises par le biais des préfets de certains départements français. Les départements du Nord et du Pas-de-Calais sont tous les deux concernés. Cependant, ils répondent à deux réglementations distinctes. La première concerne les zones vulnérables. Les parcelles classées ainsi doivent être couvertes lors d’intercultures longues, une culture de printemps après une céréale par exemple. La période d’interculture doit être de deux mois minimum et les agriculteurs doivent l’implanter avant le 5 septembre et ne pas la détruire avant le 1er novembre de chaque année. D’autres précisions sont appliquées avec des seuils de tolérances et la possibilité de les récolter.
Par ailleurs, une autre réglementation s’applique, celle-ci est européenne. Elle concerne les SIE (surfaces d’intérêt écologique). Certains mélanges d’espèces utilisées en interculture sont autorisées et comptabilisées comme SIE. Dans ca cas, elles doivent être implantées avant le 15 septembre, rester en place pendant huit semaines minimum et ne peuvent être détruites avant le 1er novembre.
Si les intercultures ne répondent pas toutes à la même réglementation, une dérogation a été publiée le 13 septembre. Celle-ci permet de soit reporter la date d’implantation au 1er octobre sans impliquer celle de destruction. Ou soit de ne pas les implanter du tout. Le type de dérogation a été déterminé selon les communes et leur niveau de pluviométrie.
Au niveau national, de telles mesures ont également été prises selon les zones géographiques. Pour en savoir davantage, il faut se référer à la chambre d’agriculture de sa région ou à sa DDT(M).
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