La sécheresse était au cœur des préoccupations des éleveurs au Sommet de l’Elevage 2018. Timidement, Elodie Millau, jeune éleveuse de l’Aveyron, se fraie un passage au milieu de la foule dans l’immense salon agricole où se retrouvent beaucoup d’éleveurs du centre et sud de la France. « Je voudrais savoir si vous comptiez faire quelque chose pour le fourrage car, chez nous, on l’utilise depuis juin pour nourrir les animaux! », demande-t-elle au ministre Stéphane Travert venu visiter le salon.
La grande peur à Sainte-Geneviève-sur-Argence où habite la jeune femme, touchée par une exceptionnelle sécheresse qui a empêché toute repousse d’herbe en ce début d’automne, est de manquer de foin pour nourrir les animaux cet hiver. Encore sept mois à attendre avant le réveil de la prairie en mars-avril. « On va être obligé d’en acheter », dit-elle, le regard inquiet. Comment financer ces achats lorsque les trésoreries sont déjà au plus bas? Certains vont se résoudre à vendre des vaches par anticipation pour passer l’hiver.
« C’est une décision difficile à prendre, car en même temps les tarifs de la viande ont baissé » en raison de l’arrivée massive d’animaux supplémentaires dans les abattoirs, explique un éleveur. La baisse des cours est difficile à évaluer. Dans le Massif Central, les négociations se font exploitation par exploitation, sur la base d’une relation individuelle entre l’éleveur et son acheteur. « Et on discute encore en francs dans les fermes », explique un éleveur aveyronnais. « En ce moment, la baisse est d’environ un franc par kilo de viande » (0,15 euro) au grand marché de Laissac, à l’est de Rodez.
Partout, le ministre est interpellé sur la sécheresse. Il écoute, serre des mains, caresse des vaches. Il promet de faire tout ce qu’il peut pour obtenir une « reconnaissance de calamité agricole », qui devrait ouvrir la voie au versement d’indemnités.
Le secrétaire général de la FRSEA Auvergne Rhône-Alpes, Michel Joux, reste sombre. Avec une délégation de son syndicat, il a accueilli le ministre avec des « pipeaux » et un énorme coton-tige, pour lui demander d’écouter les doléances paysannes. Selon lui, 25% du cheptel reproducteur de la régionAuvergne Rhône-Alpes pourrait être abattu par anticipation « si aucune aide n’intervient ». Du jamais vu.
Prix « en compte »
« Il faudrait que le ministre s’imprègne du degré de gravité sur la sécheresse », résume la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert. Elle demande un allégement de la taxe sur le foncier non bâti, des reports de cotisations sociales et un accompagnement financier pour le transport du fourrage.
A moyen terme, le ministre s’en remet à la loi tout juste votée à l’Assemblée, censée garantir des prix rémunérateurs pour les agriculteurs. Il prévient l’industrie agroalimentaire et la distribution que le salaire des agriculteurs devrait désormais être « pris en compte » dans le calcul des indices de leurs coûts de production. A une semaine de l’ouverture des négociations annuelles sur les prix des denrées alimentaires, cet avertissement bouscule. Car ces indicateurs doivent servir de base à la modernisation des relations commerciales alimentaires.
Dans le secteur de la viande, moins de 3% de la production sont vendus via un contrat écrit entre producteur et industriel. La loi doit permettre aux agriculteurs de bâtir des prix basés sur leurs coûts de production. Mais en l’absence d’accord, le médiateur des relations agricoles a été saisi par l’interprofession de la viande Interbev.
Pour rassurer, Stéphane Travert a aussi fait valoir que les discussions sur l’accord commercial entre l’UE et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay) qui laissaient craindre une arrivée massive de viande de boeuf sud-américain en Europe, étaient « terminées » pour l’instant. L’accord « ne sera pas signé pour la bonne raison qu’on a les Européennes et ensuite, la Commission va changer. Le dernier round de négociations avait lieu il y a une dizaine de jours. C’est terminé. On n’en entendra plus parler pour quelques temps », a-t-il confié à un éleveur inquiet.
La députée LaRem, Valérie Thoma,s a pour sa part mis en avant l’exonération des taxes sur le fuel agricole prévue dans le projet de loi de finances 2019.