Entraid’ : La traçabilité du fourrage est-elle possible dans le cadre collectif ?
Yann Charrier : C’est très complexe et coûteux de garantir à chaque éleveur qu’il récupérera, après séchage, le fourrage issu précisément de son exploitation. Pour pallier cette difficulté, il est conseillé de créer une commission « classification des fourrages », susceptible d’assurer à l’éleveur qu’il récupérera un fourrage de qualité équivalente. Cette commission visitera en amont les parcelles à récolter, de manière classifier le type de fourrage selon sa qualité. Elle prévoira également des clauses de mutualisation en cas d’accident climatique. Il est conseillé aussi d’inscrire dans le règlement intérieur les exigences requises du point de vue du taux d’humidité maximum du fourrage à l’entrée du séchoir. Une difficulté demeure toutefois pour les fermes bio : comment garantir auprès des organismes certificateurs que les fourrages séchés collectivement sont bien issus d’exploitations bio et non d’exploitations conventionnelles ?
Entraid’ : Parvient-on à des économies d’échelle avec un séchoir collectif ?
YC : Ce n’est pas facile de répondre à cette question.
Primo, il ne s’agit pas en général de projets de même nature. Les projets collectifs sont plutôt des projets de territoire où quelques éleveurs d’une même zone désirent sécher seulement une fraction de leurs fourrages, de manière à gagner en autonomie protéique. Or il est inconcevable de créer sa propre unité de séchage pour des volumes minimes de 10ha par exemple.
Secundo, on pourra espérer profiter d’économies d’échelle sur les équipements (griffes…) et les matériels de récolte, en présence de surfaces et de volumes de fourrage importants. En revanche, des frais supplémentaires sont à prévoir: équipements de reconditionnement du fourrage, coûts logistiques supplémentaires en présence de main d’œuvre extérieure pour faire fonctionner l’installation et, en parallèle, coût et temps de transport supplémentaires en cas de longues distances entre les parcelles et le séchoir collectif.
Entraid’ : Dans des projets collectifs, y a-t-il des points particuliers à prendre en compte ?
YC : Veiller justement à ce que la distance des parcelles ne soit pas excessive. Lorsque les parcelles sont situées dans un rayon de 10 km du séchoir, cela passe. Jusqu’à 15 km, c’est jouable, à condition qu’une majorité de parcelles reste proches. Au-delà, cela me semble compromis. Attention: en cas de longue durée de transport, et de volume de fourrage important, on peut être contraint de doubler le niveau d’équipement pour faire face aux pointes de travail, qui seront particulièrement aiguës si la météo est capricieuse. Cela veut dire deux auto-chargeuses, deux griffes…
Entraid’ : Quels conseils donneriez-vous aux porteurs de projets d’unités collectives ?
YC : Un grain de sable dans un projet individuel peut être absorbé. Dans un groupe, c’est souvent plus compliqué. Il faut donc que ce groupe soit «solide» et que l’idée de départ vienne des agriculteurs eux-mêmes et non d’un investisseur extérieur par exemple. Il est nécessaire de limiter au maximum la part d’inconnu. Et à l’échelle d’un territoire, ce n’est pas toujours évident. En collectif, on n’a pas le droit à l’erreur!
250 à 300 000 € en moyenne par projet «Les coûts d’installation des unités de séchage en grange ont augmenté en raison des coûts des matériaux, des nouvelles technologies, du prix de la main d’œuvre... Actuellement, les projets d’unités de séchages, dont la quasi-totalité sont individuels, sont de plus en plus gros (plus de 500 t/an, jusqu'à 2 à 3 000 t). Les projets que je suis oscillent en moyenne entre 250 000 et 300 000 €, dont la moitié environ pour le bâtiment. En France, on compte entre 50 et 100 nouvelles installations de séchage en grange par an. Les éleveurs concernés sont inscrits en règle générale dans les filières de qualité: production de lait bio, AOP, circuit courts ou production de lait de chèvre, dont la conjoncture actuelle est plus favorable.» |
Voir aussi notre dossier sur le sujet paru dans le numéro Entraid’ de Juillet 2016. Si vous n’êtres pas abonnés à notre revue, cliquez ici