« C’est une taxation parfaitement injuste, parce qu’elle compense un contentieux qui concerne l’aéronautique et pas la filière vin », lance Anne Parent, viticultrice à Pommard, qui réalise un quart de son chiffre d’affaires à l’export vers les Etats-Unis.
Dans les caves du domaine qu’elle dirige avec sa soeur, un millésime 2019 « absolument superbe », selon elle, est en train d’être mis en tonneaux. Dans une salle à l’étage, des cartons de Pommard premier cru 2017, destinés aux Etats-Unis, sont en préparation.
La semaine prochaine, « trois ou quatre » palettes seront expédiées, une partie vers le Texas, l’autre au Wisconsin. « C’était prévu comme ça, (les annonces américaines) n’ont pas changé le planning », affirme Mme Parent.
La vigneronne espère que les sanctions seront « passagères ». En attendant, « il est important de soutenir nos clients, de leur montrer qu’on est toujours volontaires et que pour nous c’est un marché important. »
Mais « on sera certainement amenés à compenser une baisse de volume et une baisse de chiffre d’affaires sur les Etats-Unis », ajoute-t-elle, y voyant l’occasion « d’aller voir sur d’autres marchés ou même de renforcer notre présence en France ».
Panique à bord
A moins d’une dizaine de kilomètres de là, dans le hall de la maison Latour, négociant-éleveur à Beaune, des cartons sont sur le point de partir pour New-York. Mais d’autres commandes pour les Etats-Unis ne partiront pas.
« Ce matin, on a eu trois conteneurs annulés. Il y a une espèce de crainte » de la part des clients, indique Louis-Fabrice Latour, président du directoire et président délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).
C’est « un coup dur », juge-t-il. « On est quand même très surpris, un peu interloqués, parce que ça ne nous regarde pas. C’est un conflit qui nous dépasse un petit peu, qui concerne Boeing et Airbus. »
Ses clients américains n’ont « jamais vraiment cru » aux sanctions, affirme-t-il. « Alors maintenant, c’est un petit peu la panique à bord ».
Il réalise 20% de son chiffre d’affaires (soit 20 millions d’euros) aux Etats-Unis et se prépare à perdre « un bon tiers » de ce marché, sur lequel la maison Latour est présente depuis « un siècle et demi ».
Si la Bourgogne est particulièrement affectée par ces sanctions, c’est que les Etats-Unis en sont le premier client étranger, pesant pour près d’un quart des exportations.
Malgré tout, « c’est une taxe à 25%, pas une taxe à 100%. A 25% tout le monde peut travailler », philosophe M. Latour. « C’est dur, c’est dommage, mais on peut absorber le choc. »
Les effets dans six mois
Grâce aux stocks, les effets pour les consommateurs se feront vraiment ressentir dans six mois, selon lui, si un accord entre Europe et Etats-Unis n’a pas été trouvé d’ici-là.
La Bourgogne, quant à elle, dispose de « relais de croissance » dans d’autres pays, notamment en Asie, qui pourraient « en partie compenser » la réduction sur le marché américain, estime Romain Taupenot, viticulteur à Morey Saint-Denis, qui exporte 80 à 90% de sa production (les Etats-Unis représentent près de 20% de son chiffre d’affaires).
Le président américain Donald Trump « a tendance à sortir assez vite l’artillerie lourde », mais « on est plus dans une partie de négociation », veut-il croire.
« Quelque part c’est de bonne guerre de la part de Trump: il appuie là où ça fait mal », ajoute le vigneron, qui estime que des négociations pourraient encore aboutir à la levée de ces sanctions avant leur entrée en vigueur le 18 octobre.
Une chose est sûre, pour ces professionnels bourguignons: les grands crus bourguignons trouveront toujours preneurs aux Etats-Unis, même à un prix plus élevé. Ce sera plus compliqué pour les vins de milieu de gamme, vendus autour de 15 dollars, qui doivent affronter la concurrence italienne…. qui échappe, elle, aux sanctions.