Le manque de main-d’œuvre spécialisée devient un problème majeur dans bon nombre d’exploitations viticoles ligériennes. Autant le manque de main-d’œuvre dite « peu qualifiée » a pu être en partie remplacée par des prestations de société employant des travailleurs détachés (principalement Bulgare). Autant, les salariés chauffeurs ne courent pas les vignes. Alors le robot viticole peut-il être une solution?
Le robot viticole pour compenser le manque de main-d’œuvre?
«Dans certains vignobles, les bons chauffeurs manquent et quand on en a un ou deux, il faut savoir les garder sinon ils peuvent vite être débauchés», souligne un vigneron du Loir-et-Cher. «Et avec le retour du travail du sol, avec des travaux spécifiques et délicats comme le buttage, le décavaillonnage ou le passage d’interceps, il va falloir retrouver les réflexes d’antan et avoir des salariés doués pour ne pas faire trop de casse au niveau des ceps.»
Ceci est d’autant plus vrai que pour les vignes de 150cm d’écartement il faut compter en moyenne 3h/ha soit 18h/ha et par an pour six passages. Pour une exploitation moyenne de 20ha, la main-d’œuvre spécialisée devra effectuer environ 360h de conduite supplémentaire pour le travail, ce qui pose problème puisque les journées des chauffeurs sont bien déjà bien remplies pendant cette période, avec les traitements, le rognage, l’effeuillage et tous les autres travaux. Ce besoin d’heures supplémentaires en main-d’œuvre spécialisée est un premier problème.
Et aux tracteurs et enjambeurs?
Le second problème vient du matériel. Dans les vignes de 150cm d’écartement, les tracteurs interlignes passent tout juste, mais avec des largeurs ‘hors-tout’ de plus en plus grandes (environ 110cm pour un 2 RM), le travail du sol au printemps avant l’accolage devient compliqué. En plus, le tracteur roule sur le passage de terre travaillée, ce qui amène l’opérateur à être bousculé dans la cabine: fatigue, mal de dos et mal à la nuque se cumulent en fin de journée. De plus, en cas de printemps pluvieux, le tracteur peut vite s’embourber, même en 4 RM. L’idéal reste l’enjambeur.
Résoudre le problème des coûts de traction
Enfin, le dernier problème est économique. «Nous essayons de conserver le plus possible nos vieux enjambeurs Loiseau ou Bobard, car les tarifs des tracteurs neufs sont dans une fourchette entre 90.000 et 130.000€ HT selon les équipements. Ce qui nous amène à un coût de traction à l’hectare trop élevé», regrettent les vignerons. Et si on parle travail de sol complet, il faut compter entre 800 et 1.000€/ha en vigne étroite (150cm). Soit trois à cinq fois plus cher que le désherbage chimique (variable selon les années et l’itinéraire cultural).
Une des pistes pour solutionner ces problèmes ne serait-elle pas l’utilisation de robots enjambeurs autonomes? Aujourd’hui, seuls deux constructeurs d’enjambeurs électriques autonomes se disputent le marché: le Ted de Naio et le Bakus de Vitibot. Ce dernier a fait l’objet d’un essai dans le Loir-et-Cher en mai dernier.
Une démonstration probante du robot viticole, malgré la pluie
Malgré la météo capricieuse, les organisateurs ont maintenu les démonstrations du robot autonome Bakus de Vitibot à la cuma la Meusnoise et la cuma vitivinicole de Cheverny-Cour Cheverny. Et il faut dire que, pendant que les visiteurs étaient en bout de parcelles ou à l’abri, lui a toujours travaillé malgré la pluie qui s’est abattue. Lui, c’est l’enjambeur autonome Bakus-L. «Au moins un qui travaille malgré la pluie», ont plaisanté certains vignerons bien à l’abri.
Les deux cuma ont accueilli les établissements Gonnin Duris qui venaient montrer et faire travailler cet enjambeur autonome. Auparavant, toutes les parcelles avaient été pointées et cartographiées avec une balise RTK.
Ce tracteur entièrement électrique repose sur quatre roues motrices et directrices équipées de pneus Michelin Multibib 320/65 R16 basse pression 0,9bar pour un faible tassement du sol. La réserve électrique stockée dans les quatre batterie au Lithium Ion est de 60kWh pour délivrer une puissance de 65ch directement aux quatre moteurs électriques « brushless » (sans entretien et avec récupération d’énergie en descente). Ces roues pivotent à 120° et selon l’adhérence cette enjambeur est capable de travailler jusqu’à 6km/h, dans des pentes de 45% et avec un devers allant jusqu’à 20°. Il n’y a pas de porte-outils arrière mais seulement deux porte-outils entre roues, actionnés par des vérins électriques.
Un décavaillonnage impeccable
Muni d’une paire de décavaillonneuses mécaniques Boisselet montée sur les perches avec des gogues de 45, et roulant à 2,5km/h en autoguidage RTK dans des vignes de 1,50m de large, le travail, tout en silence, a stupéfié plus d’un viticulteur. «Le décavaillonnage est un travail long et fastidieux et depuis trente ans, nous avons perdu l’habitude de le faire, sauf pour les jeunes plants», rappelle Philippe Augis, le président de la coopérative.
La qualité de travail du robot s’est montrée impeccable, avec quasiment aucune casse et un décavaillonnage régulier, précis et au plus près des ceps. La société Vitibot propose d’ailleurs un interceps électrique afin de préserver les jeunes plants.
Le robot viticole: un investissement à mutualiser en cuma
«Mutualiser l’achat d’un robot viticole permettrait de faire des heures de travail avec cet enjambeur qui (pour le moment) reste surtout dédié au travail du sol en interceps ou interrangs. Et un salarié ou un responsable d’activité peut très bien organiser le planning de ce robot et le déplacer dans les différentes parcelles des adhérents avec une remorque. Comme c’est le cas pour les minipelles. L’idéal demeure forcément un parcellaire regroupé avec des parcelles de 5ha minimum. Toutes les informations étant transmises via un smartphone, il est facile pour l’opérateur d’anticiper la fin des travaux et d’emmener l’enjambeur à la parcelle suivante.»
Pour l’instant, la société Bakus ne propose pas de travail comme le rognage, l’effeuillage ou le prétaillage. Tout cela devrait bientôt arriver, en 2022, promet le concessionnaire. Une rogneuse sur un enjambeur autonome? À voir de près si cela est possible du point de vue de la sécurité. Mais en tout cas, cela permettrait à l’enjambeur d’effectuer encore plus d’heures.
Enfin d’un point de vue réglementaire, l’opérateur doit se situer dans un rayon de 200m pour que l’enjambeur fonctionne. Cela peut freiner l’utilité et l’autonomie du robot viticole. L’autonomie justement est de dix heures tout comme le temps de recharge classique (compter deux heures avec un chargeur spécial). Le coût de la recharge est de 1€/h.
Pour des métiers moins pénibles et plus attractifs
Les enjambeurs autonomes ne vont probablement pas supprimer de postes de salariés, mais venir en complément pour soulager les viticulteurs et les exploitations pendant une période soutenue de travaux. Les salariés ou viticulteurs devront être formés pour utiliser et organiser les chantiers.
Cela permettra de valoriser les salariés et d’en attirer de nouveaux, intéressés par l’aspect technologique. Ils pourront donc effectuer des tâches complémentaires mais pas supprimer un ETP par exploitation. Actuellement des commandes sont en cours et nous risquons de voir ce robot travailler dans les vignes dès 2022. Rendez-vous prochainement pour un retour d’expérience.
Robot viticole: un coût compétitif
Le modèle Bakus, vaut à peu près 180.000€ HT, équipé de porte-outils et de perche type Boisselet avec des interceps, disques émotteurs, décavaillonneuses, charrues vigneronnes et tondeuses (électriques, forcément). Il faut également compter 500€ HT pour pointer un hectare avec les coordonnées GPS (à faire un fois pour toute) et 4.800€ HT par an pour l’abonnement aux deux balises RTK et la maintenance. Un enjambeur hydrostatique 4 RM équipé, valant 115.000€ HT, amorti sur 7 ans, avec le GNR et le chauffeur revient à 80€/h pour 350h.
Un robot enjambeur valant 180.000 € HT, sur une surface de 20ha, amorti sur sept ans, avec le prix de la recharge et sans chauffeur revient à 100€ de l’heure pour 350h. Avec 90 heures supplémentaires, le coût de revient baisse à 80€/h. Et ce calcul ne tient pas compte des subventions de 55% pour les cuma, pour ce matériel via le PCAE.
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